"Reste à voir la mise en application": les syndicats sceptiques après les annonces de Gabriel Attal sur l'école

Redoublement, modalités du bac et du brevet, groupes de niveaux... Le ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal, a présenté ce mardi 5 décembre une série de mesures visant à "élever le niveau de l’école" en France.
Parmi celles-ci, une épreuve anticipée pour le bac "dédiée aux mathématiques et à la culture scientifique" en première générale et technologique, le brevet réformé pour renforcer son "exigence", avec notamment une part accrue donnée dans la note finale aux épreuves terminales et le conditionnement du passage au lycée à l'obtention de ce diplôme.
Gabriel Attal a également annoncé que les professeurs, et non plus les familles, auraient désormais "le dernier mot" concernant le redoublement des élèves et que des "groupes de niveaux" seront instaurés au collège en français et en mathématiques.
Vers un "collège modulaire"
Ces annonces ont été faites dans un premier temps via un message adressé par le ministre aux professeurs et aux membres de la communauté éducative.
"Je tenais à saluer la communication du ministre, qui s'est adressé directement aux enseignants en premier lieu", a déclaré Maxime Reppert, vice-président du Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (Snalc), sur BFMTV ce mardi.
"Il s'est largement inspiré du projet que le Snalc porte depuis plusieurs années, qui est le collège modulaire", par exemple sur les groupes de niveaux, a-t-il également souligné.
Des recrutements très attendus
Mais les syndicats restent dans l'attente de mesures fortes sur les recrutements d'enseignants. "Reste à voir la mise en application" de ces mesures, a ainsi estimé Maxime Reppert, car si le problème des pénuries d'enseignants n'est pas pris "à bras-le-corps", "les projets du ministre risquent de ne pas pouvoir se concrétiser".
De son côté, Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, principal syndicat du second degré, a dénoncé un ministre "très loin" de la réalité de l'Éducation nationale aujourd'hui, qui est celle de "classes surchargées".
"Il nous parle de redoublements et de groupes de niveaux, mais il ne nous parle absolument pas de la baisse des effectifs dans les classes alors même qu'on sait que c'est un moyen pour lutter contre les difficultés des élèves, les inégalités", a-t-elle fustigé sur BFMTV.
Des groupes de niveaux au collège
Concernant les groupes de niveaux par exemple, Laurent Zameczowski, porte-parole de la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public a souligné que ce système, "quelque part, (...) existe déjà, puisqu'aujourd'hui on a ce qu'on appelle des heures d'accompagnement personnalisé".
Le ministre a annoncé mardi que des groupes de niveaux seraient créés "à compter de la rentrée prochaine" en sixième et en cinquième pour les enseignements de français et de mathématiques, et "à compter de la rentrée de septembre 2025" en quatrième et troisième.
Les élèves de sixième et de cinquième seront désormais répartis en trois groupes de niveaux pour leurs enseignements de français et de mathématiques. Ces groupes seront "flexibles et leur dimension adaptée", a indiqué le ministre dans un courrier adressé aux enseignants. Il a leur a précisé que "des créations de postes permettront de limiter le groupe des élèves les plus en difficulté à une quinzaine d'élèves".
"Sans les profs, on n'ira pas très loin"
"Ce qu'on attend, c'est d'avoir les moyens pour accompagner réellement les élèves. Donc il faut plus de profs, il faut qu'ils soient présents, et c'est là où on a le plus d'inquiétudes", a-t-il poursuivi.
Laurent Zameczowski a ainsi salué des "annonces intéressantes" mais noté que "sans les profs, on n'ira pas très loin". Ce que Gabriel Attal a également évoqué. "Quand je dis qu'on va faire des groupes de niveaux en français et en maths au collège, et que les groupes des élèves les plus en difficulté seront réduits, ça nécessite qu'on crée des postes", a affirmé le ministre, lors d'une conférence de presse présentant des mesures pour "remettre de l'exigence" à l'école.
Une stigmatisation des élèves?
"Je présenterai à la fin du mois de décembre aux organisations syndicales un nouveau schéma d'emploi pour la rentrée prochaine, tenant compte des annonces que je viens de faire sur les groupes de niveaux", a-t-il ajouté.
"Il faudra créer des postes. On est en train d'évaluer ce que ça représente, mais sur le quinquennat, c'est potentiellement plusieurs milliers (de postes) qu'on va devoir créer au collège pour adapter cette scolarité", a expliqué le ministre.
Au-delà de la question des effectifs, Sophie Vénétitay est sceptique sur le concept même des groupes de niveaux. "Ce qu'on voit se dessiner, c'est des élèves qui, d'une certaine manière, seraient stigmatisés notamment parce qu'ils sont dans le groupe des plus faibles, avec ce que ça veut dire aussi en termes de confiance en soi pour les élèves", a-t-elle jugé.
Une revalorisation du rôle des enseignants
Les avis sont également partagés sur la question du redoublement. Estimant que l'"école a besoin d'une revitalisation pédagogique à la main des enseignants", Gabriel Attal a annoncé donner désormais aux professeurs - et non plus aux familles - "le dernier mot s'agissant du redoublement", dans le premier degré (maternelle et élémentaire) comme dans le second degré (collège et lycée).
Ils pourront aussi "recommander, voire prescrire" aux élèves des stages de réussite pendant les vacances scolaires "conditionnant leur passage dans la classe supérieure".
Maxime Reppert, vice-président du Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (SNALC) , a jugé "très bien" ce dernier mot donné aux enseignants, affirmant sur BFMTV que cette mesure "participe à la reprofessionnalisation du métier", même si le redoublement "n'est pas la panacée".
Le redoublement, une mesure à l'efficacité questionnée
En effet, selon le Centre national d'étude des systèmes scolaires, une instance indépendante, "dans la majorité des études, le redoublement n'a pas d’effet sur les performances scolaires à long terme". Il a "en revanche, toujours un effet négatif sur les trajectoires scolaires et demeure le meilleur déterminant du décrochage".
S'il n'est "pas accompagné de moyens supplémentaires", le redoublement ne va "pas apporter de bénéfices à l'élève, il va même renforcer l'idée chez l'élève qu'il est en difficulté, qu'il est inférieur et qu'il est en échec", a avertit Elisabeth Allain-Moreno, secrétaire générale du Syndicat des Enseignants - Unsa, sur BFMTV ce mardi.
Par ailleurs, "si un élève redouble mais qu'il n'a pas de professeur de maths pendant 3 mois l'année où il redouble, je ne suis pas sûre que ça lui soit d'une très grande aide", a ironisé Sophie Vénétitay.
"Ce n'est pas par des mesures cosmétiques et gadget qu'on y arrivera" mais par "des moyens supplémentaires et de la confiance accordée aux enseignants", a-t-elle estimé.