Qu'est-ce que la méthode Singapour, qui va être adoptée pour les maths en primaire?

Une baisse inédite du niveau des élèves en mathématiques a été enregistrée en France sur les cinq dernières années, selon la dernière enquête Pisa de l'OCDE. Avec 474 points, la France - qui a perdu 21 points dans cette discipline entre 2018 et 2022 - se place bien loin derrière Singapour, première sur le podium avec ses 575 points.
Si détrôner l'État insulaire d'Asie du Sud-Est semble ardu, le ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal, souhaite dans un premier temps adopter ses méthodes d'enseignement.
"Dès la rentrée prochaine, la révision des programmes de l'école primaire nous permettra d'adopter progressivement la méthode de Singapour pour les mathématiques" a-t-il déclaré ce mardi 5 décembre.
Cette méthode, utilisée à Singapour depuis le début des années 80, vise à passer du "concret", à "l'imagé" puis à "l'abstrait", soit à l'utilisation de chiffres et de symboles.
Manipulation d'objets
Pour le "concret", les élèves manipulent des objets tels que des bâtons, des jetons, des cubes ou encore des objets de la vie quotidienne comme de fausses parts de pizzas.
Les professeurs remplacent ensuite ces objets par des images ou des dessins réalisés au tableau avant de laisser place aux chiffres.
"Par exemple, prenons le problème suivant : 3 canards sont dans une mare, 2 sont à l'extérieur; combien y a-t-il de canards en tout? Les enfants sont d'abord invités à manipuler des cubes, chaque cube représentant un canard. Puis on dessine au tableau d'abord les cubes en 3D, puis en 2D; enfin on arrive à l'addition 3 + 2 = 5…", explicite Jean Nemo, fondateur de La Librairie des écoles au Point et pionnier de cet enseignement en France.
La méthode de Singapour, conçue pour les élèves du CP à la sixième, "aide à développer le sens des concepts que les enfants apprennent", souligne Monica Neagoy, docteure en didactique des mathématiques, spécialiste de la question, dans une vidéo réalisée pour La Librairie des écoles.
Outre l'appréhension de cette discipline en trois étapes, cet enseignement vise aussi à approfondir un sujet à la fois, au lieu de plusieurs en parallèle.
"On en fait moins, mais mieux. Avec la méthode de Singapour, on reste presque un mois sur l'addition et la soustraction, par exemple", explique Jean Nemo au Point.
Il ajoute: "On apprend ainsi les quatre opérations (addition, soustraction, multiplication et division) dès le CP, et les fractions ou les aires dès le CE1, mais toujours de manière progressive et simple".
Une formation primordiale des enseignants
Très mauvaise en mathématiques depuis son indépendance en 1965, Singapour a décidé en 1980 de faire de cette discipline sa priorité: "le pays avait besoin de ponts, d'infrastructures… et donc de matheux!".
Mais ce n'est qu'en 1995, après des années de mise en pratique et de formation des professeurs que la méthode s'est révélée efficace et a permis à l'État insulaire de se hisser en première place de l'étude TIMSS (Trends in international Mathematics and Science Study).
"La formation des professeurs est l'un des points essentiels de la réussite à Singapour", alerte Jean Nemo.
Il explique par ailleurs sur RTL que les professeurs reçoivent là-bas 400 heures de mathématiques en formation initiale, contre 80 heures en France.
Cette méthode, prônée par le député-mathématicien Cédric Villani, est déjà appliquée dans 70 pays selon le ministre Gabriel Attal dont aux États-Unis, en Israël, au Royaume-Uni, au Brésil ou encore au Chili et en Afrique du Sud. Certaines écoles françaises l'emploient déjà également. En 2016, entre 1.500 et 2.000 classes l'utilisent dans l'Hexagone selon Jean Nemo.