"Prenez toute votre place": le plan d'Élisabeth Borne pour féminiser les filières scientifiques

Le 16 mai 2022, Élisabeth Borne avait dédié sa nomination comme Première ministre "à toutes les petites filles". Elle, la deuxième femme à prendre place à Matignon après Édith Cresson (1991-1992), invitait ces dernières à aller "au bout de [leurs] rêves".
Désormais à l'Éducation nationale, elle souhaite leur ouvrir le champ des possibles et s'attaquer à certains stéréotypes de genre. Comment? Via un plan visant à féminiser les filières scientifiques, dont les grandes lignes sont présentées dans un entretien aux Échos, mis en ligne ce mardi 6 mai.
"On a besoin de vous"
Aux jeunes filles qui hésiteraient à se lancer, Élisabeth Borne dit: "Prenez toute votre place, on a besoin de vous". Pour lutter contre leur sous-représentation, la ministre fixe un objectif de 50% de filles dans la spécialité mathématiques en terminale en 2030, contre 42% actuellement.
Le but est de "renforcer la place des femmes dans les filières d'ingénieur et du numérique. Il faut que les filles choisissent davantage la spécialité maths en première, qu'elles la conservent en terminale et qu'elles prennent en plus l'option maths expertes (choisie par seulement 33% de filles, NDLR)", affirme-t-elle.
Une étude du ministère de l'Education publiée en mars a montré que les filles restent sous-représentées dans les matières scientifiques en terminale générale, en sciences de l'ingénieur ou sciences informatiques et numériques (15% dans les deux cas), en éducation physique (32%) et, dans une moindre mesure, en mathématiques (42%) et physique-chimie (47%).
5.000 filles supplémentaires pour la prochaine rentrée
Le gouvernement va "demander aux chefs d'établissement et aux professeurs d'encourager les filles à choisir et conserver" la spécialité maths en terminale, explique Élisabeth Borne. Une "première marche" de 5.000 filles supplémentaires est prévue dès la prochaine rentrée, a-t-elle précisé.
Au-delà du lycée, l'ancienne Première ministre a évoqué sur France Inter ce mercredi la création de "classes aménagées maths et sciences en 4e et 3e". Celles-ci devront être constituées "d'au moins 50% de filles", selon un communiqué de l'Éducation nationale.
Elles feront l'objet d'une expérimentation à la rentrée 2025 dans cinq Académies (Amiens, Bordeaux, Martinique, Nancy-Metz et Normandie). L'objectif est ensuite "de généraliser ces classes à la rentrée 2026 avec une classe par département".
La ministre reprend par ailleurs à son compte "l'objectif" d'un rapport des inspections générales qui préconise au moins 20% de filles dans chaque classe préparatoire scientifique en 2026 et 30% en 2030.
L'instauration de quotas, terme que la ministre n'utilise pas, est une recommandation de longue date du Haut conseil à l'égalité. Dans son rapport de 2023 portant sur l'invisibilisation des femmes dans le numérique, le HCE avait préconisé d'imposer des quotas de 50% de filles dans les spécialités scientifiques (mathématiques, physique) et 30% minimum en NSI (numérique et sciences informatiques) au lycée.
L'un des "piliers" du plan "Filles et maths" présenté par la ministre est "de sensibiliser et de former tous les professeurs dès la rentrée 2025 - du primaire au lycée".
Ce plan à destination des 370.000 professeurs des écoles, 24.000 profs de maths de collège et 12.000 de lycée, devra permettre par exemple que les filles soient plus souvent interrogées en classe, même si elles ne lèvent pas la main.
La dernière étude internationale TIMSS (Trends in International Mathematics and Science Study), publiée en décembre, a fait le constat que les élèves français en CM1 et en quatrième restent parmi les moins bons de l'Union européenne en maths et sciences, avec une hausse de l'écart entre filles et garçons en fin d'école élémentaire. Cet écart est le plus important des pays de l'UE.