Mutuelles étudiantes : trop chères et pas assez efficaces, dit un rapport

- - -
Toute personne qui a poursuivi des études a eu à faire à elles : les mutuelles étudiantes sont dans le collimateur des sénateurs. Coûteuses, compliquées, difficilement joignables, les griefs pointés par un rapport du Sénat sont nombreux, un rapport qui conclut que « le service rendu n'atteint pas un niveau de qualité suffisant ». Les réformer ? Non, estiment leurs auteurs, le sénateur PS des Côtes-d’Armor Ronan Kerdraon et la députée UMP du Val-de-Marne Catherine Procaccia, il faut aller plus loin.
« Il faut prévoir sa journée pour avoir un papier »
Kevin, 24 ans, et étudiant en FAC de médecine, connaît bien ces dysfonctionnements. « Je suis en quatrième année, et je n’ai toujours pas reçu de carte vitale. Ils me disent "on va vous envoyer un courrier à la maison", je ne l’ai jamais reçu, et si on y va, il y a une queue monstrueuse, ils sont obligés de fermer plus tôt car il y en a pour 4-5 heures, il faut prévoir sa journée pour avoir un papier ! Il n’y a aucune démarche qui se fait par téléphone ni Internet. Une amie a eu de graves problèmes de santé avec une avance de frais de plus de 3 000 euros, les remboursements ont dû trainer une bonne année avec des dettes qui se sont accumulées ».
Un système unique en Europe
Selon les auteurs du rapport, il est donc temps de mettre fin à la concurrence à laquelle se livrent les deux organismes gérant la Sécu des étudiants, La Mutuelle des étudiants (LMDE, ex-MNEF) et le réseau emeVia, qui regroupe onze mutuelles régionales (Smerep, Smerra, Vittavi, etc.). En effet, pour chaque étudiant inscrit, la mutuelle touche 52 euros de l’Assurance-Maladie, en plus de la cotisation des étudiants, de 207 euros. Selon un autre rapport très critique publié en septembre par l'UFC-Que Choisir, les frais de gestion représentent plus de 90 millions d'euros par an, soit 13,7 % des ressources. Les solutions avancées sont nombreuses : a minima une fusion des organismes, qui « présenterait l'avantage de réduire les coûts de fonctionnement par la diminution des frais commerciaux ou de marketing et d'assurer une taille critique plus adéquate », mais aussi une option plus radicale, la fin du régime spécifique des étudiants. « Cette solution ferait disparaître la particularité d'un régime étudiant, mais n'empêcherait aucunement de mener des actions spécifiques envers cette population », écrivent les auteurs du rapport, en rappelant que la France est le seul pays européen à avoir un tel système.
« Une population mieux soignée pour moins cher »
Chargé de mission santé chez UFC Que Choisir, Mathieu Escot prône une disparition complète de ces mutuelles. « Il faut que la sécurité sociale des étudiants ne soit plus gérée par les mutuelles étudiantes, mais par l’Assurance maladie », un système qui, selon lui, n’aurait que des avantages. « Ça permettrait des économies d’argent publique, et surtout un système beaucoup plus compréhensible par les étudiants et plus efficace, avec des remboursements plus rapides, une carte vitale qui arrive à l’heure, et au final une population mieux soignée pour moins cher ».
« On a besoin d’un outil qui prend en compte nos besoins »
Mais du côté des syndicats étudiants, la proposition fait grincer des dents, car beaucoup craignent, avec la fin du système, la fin d’une différenciation des besoins. « Les mutuelles étudiantes sont un outil indispensable pour la santé des étudiants, estime Emmanuel Zemmour président de l'UNEF, le principal syndicat étudiant. C’est très cher de se soigner, donc on a besoin d’un outil qui prend en compte leurs besoins spécifiques. Je rappelle qu’aujourd’hui, il y a 30% des étudiants qui annoncent qu’ils renoncent à des soins tous les ans. Il y a 20% des étudiants qui n’ont pas l’argent pour prendre une mutuelle complémentaire. On est dans une situation où on sous-finance les mutuelles qui doivent prendre en charge les étudiants, et on attend de la part de l’Etat une action qui doit permettre justement de débloquer cette situation et permettre un meilleur accès aux soins ».