Kiron, une université en ligne pour réfugiés, fait sa rentrée en France

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Depuis quelques mois, une centaine de réfugiés et demandeurs d’asile ont pu commencer ou reprendre des études supérieures à Paris grâce à Kiron, une université en ligne gratuite dédiée aux personnes dans leur situation. Afin d’accueillir une nouvelle promotion de 25 étudiants, Kiron a lancé le 21 septembre une campagne de financement participatif (crowdfunding) visant à récolter 25 000 euros.
Kiron est basé sur le "blended learning", ou apprentissage mixte, une méthode pédagogique mêlant cours en ligne et enseignements physiques traditionnels. L’association propose quatre formations de niveau licence: business et économie, informatique, ingénierie, sciences sociales.
Un an en ligne, deux ans à la fac
La première année, les étudiants suivent des cours sur Internet, via une plateforme développée par Kiron. Ils ont accès à des MOOC (des cours en ligne conçus pour un grand nombre de participants) provenant de prestigieuses universités comme Harvard ou le MIT. Kiron est également en train de développer un réseau international de professeurs bénévoles, qui pourront donner des cours par Skype à des groupes de cinq personnes. La majorité des enseignements se font en anglais, mais Kiron a récemment noué un partenariat avec la plateforme de cours en ligne France Université Numérique (FUN), ce qui va lui permettre d’améliorer progressivement son offre francophone.
Après cette première année en ligne, les réfugiés pourront poursuivre leur licence dans une université "physique" partenaire, qui leur délivrera une formation diplômante. Kiron a pour l’instant signé des accords avec Sciences Po Paris et le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). Ce ne sera probablement pas suffisant pour absorber tous les étudiants, mais "nous espérons avoir bien plus que ces deux partenaires d’ici la fin de l’année scolaire", assure Aurore Du Roy, directrice de Kiron France.
"Les cours en ligne ne suffisent pas"
Kiron est née en Allemagne en 2015. Aujourd'hui, l’association compte près de 1300 étudiants Outre-Rhin, où elle a su nouer de nombreux partenariats avec des universités, mais aussi avec des entreprises qui financent la scolarité des étudiants ou leur proposent des opportunités professionnelles. Face à ce succès et aux propositions venant de l’étranger, Kiron s’est lancé hors d’Allemagne, avec la volonté de s’étendre dans toute l’Union Européenne ainsi qu’au Moyen-Orient, et l’ambition de développer le même service que dans son pays d’origine.
Mais il est rapidement apparu difficile de se développer en même temps dans tous ces pays, d’autant que Kiron ne se contente pas de proposer des cours en ligne, puis d’envoyer ses étudiants à l’université. L’association donne accès à des structures physiques dans lesquelles les réfugiés peuvent se rencontrer, avoir accès à des ordinateurs pour travailler, et être suivis par des bénévoles afin de ne pas perdre leur motivation pendant qu’ils suivent les cours en ligne. "Cet accompagnement physique est essentiel, car les cours en ligne, qui connaissent beaucoup d’abandons, ne suffisent pas" explique Aurore Du Roy.
Priorité à la France, l'Allemagne, la Turquie et la Jordanie
Kiron va donc se concentrer sur l’Allemagne et la France, mais aussi la Turquie et la Jordanie, des pays limitrophes de la Syrie qui accueillent à eux deux plus de 3,3 millions de réfugiés syriens. Dans les autres pays où Kiron avait commencé son développement, comme au Royaume-Uni ou en Suède, les réfugiés pourront toujours suivre les cours en ligne, mais pas aller à l’université. Leur formation ne sera donc pas diplômante. "Dès que nous seront rodés dans ces quatre pays, nous nous étendrons," promet Aurore Du Roy.
Une année d’étude coûte 1000 euros par étudiant. Ces 25 000 euros demandés par Kiron dans le cadre de sa campagne de financement participatif lui permettront donc de financer la première année de 25 réfugiés et demandeurs d’asile. Ce mode de financement n’est que temporaire, avant que Kiron puisse trouver un modèle économique pérenne. "C’est un projet à long terme," explique Aurore Du Roy. "Pour se donner une chance, il faut plusieurs types de financements: au début du crowdfunding et des aides d’associations, ensuite des subventions publiques ou d’entreprises. Et à terme, nous voulons que nos anciens étudiants paient les frais de scolarité d’un nouvel arrivant une fois qu’ils ont trouvé du travail."
Avec son slogan "apprendre est un refuge", Kiron veut montrer que l’éducation est une solution à l’intégration des réfugiés. "Mes parents sont venus en France comme réfugiés," raconte Aurore Du Roy. "Pour tous ceux que j’ai côtoyés qui ont eu ce parcours, les études sont un bon moyen de se reconstruire, mais aussi de se faire des amis, car c’est une forme de sociabilisation."