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Johanna, bac avec mention, toujours pas d’université à la rentrée

L'université de Jussieu, à Paris. (Photo d'illustration)

L'université de Jussieu, à Paris. (Photo d'illustration) - AFP

TEMOIGNAGE - En cette semaine de pré-rentrée universitaire, ils seraient encore 900 élèves toujours sans affectation, selon les chiffres de l’Education nationale. C’est notamment le cas de Johanna, bac avec mention, qui vient de passer un été éprouvant. Et dont le sort est loin d'être réglé.

En ce jour de pré-rentrée universitaire à Paris 8, à Saint-Denis, les élèves du cursus de psychologie devraient découvrir leur futur emploi du temps. Mais Johanna Genty, jeune bachelière de Chevilly-Larue, dans le Val-de-Marne, trouvera, elle, porte close. "C'est tellement frustrant de se voir refuser l'accès aux bancs de la faculté", confie-t-elle, son bac avec mention en poche. 

Cela fait des années que Johanna espère "devenir psychologue", dit-elle d'un ton assuré, d'épaisses boucles noires s'agitant sur ses fines épaules. A quelques semaines de la rentrée universitaire, plus de 900 élèves seraient encore sans aucune affectation, selon les chiffres de la Rue de Grenelle. Mais à l’Unef, on avance le nombre de 3.000 cas problématiques.

"Et c’est probablement inférieur à la réalité, puisqu’il s’agit d’un recensement des élèves qui se sont directement manifestés auprès de nous", indique à BFMTV.com William Martinet, le président du syndicat étudiant majoritaire.

Affectation sans lien "avec le projet d'étude"

Pourquoi un tel écart entre ces deux chiffres? "Tout simplement parce que le ministère de l’Education nationale exclut de son comptage les élèves qui ont obtenu une affectation qui ne correspond pas à leur projet d’étude", explique William Martinet. Et c’est précisément ce qui est arrivé à Johanna.

Cette élève brillante, première de sa classe au lycée - "mes résultats ont un peu baissé en terminale", avoue-t-elle - a pourtant tout fait "dans les règles de l’art". Inscription dès le mois de janvier via la plateforme APB (Admission post-bac), qui répertorie toutes les places disponibles dans le public. Alors qu’il est conseillé de formuler au moins six vœux, par ordre décroissant de préférence, Johanna en a coché douze, "pour bien faire". Ses choix, dans l’ordre: Paris Diderot, Descartes, Nanterre et Saint-Denis. 

L'attente, "anxiogène et perturbante"

Lorsque tombe la réponse d’APB, une semaine avant les épreuves du bac, c'est la stupeur. Premier vœux refusé d’office, liste d’attente jusqu’à... son sixième choix.

"On m’accepte en éco-gestion à Créteil, mon septième voeux, formulé par sécurité! Ca m’a mis un énorme coup au moral", raconte-t-elle, la voix encore chargée d’émotion.

Mais Johanna s'accroche, frôle la mention bien au bac et se raccroche à l’idée qu’elle aura peut-être plus de chance au dernier tour d’APB. En juillet, le couperet tombe: la jeune femme apprend que la procédure normale est achevée.

"J’étais sonnée", témoigne-t-elle, avouant s’être sentie très seule. Au téléphone, on lui explique qu’elle a été refusée partout mais qu'elle peut se retourner vers la procédure complémentaire. "Il n’y avait même plus de possibilité de choisir psycho", raconte-t-elle, désespérée. 

La mère de Johanna, Corinne, frappe à la porte de l’Université Paris 8, "sa fac de rattachement", en vain. On lui suggère d’inscrire sa fille aux cours par correspondance. "Même là, il y avait une liste d’attente", déplore-t-elle. Impossible pour la mère de famille, visiteuse médicale dans le Val-de-Marne, d'inscrire sa fille dans le privé, beaucoup trop cher. Alors elle envoie un courrier à la ministre de l'Education, son "dernier recours". Depuis, c’est l’attente, "anxiogène et perturbante".

Un choix lourd de conséquences 

Au cabinet de Thierry Mandon, secrétaire d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, on explique que Johanna a été éjectée "par tirage au sort", pratique courante dans les disciplines à capacité d'accueil limitée. "Elle a la chance d’être soutenue par sa famille, mais je connais le cas de jeunes gens issus de classes plus populaires qui ont carrément laissé tomber pour commencer à travailler", reprend William Martinet.

"L’absurdité de ce système APB, c’est que les élèves les plus prudents, qui formulent un grand nombre de vœux, se retrouvent piégés", observe-t-il. Si Johanna n'avait pas formulé ce septième voeux par défaut, elle ne serait probablement retrouvée dans cette situation ubuesque. Un choix, une fois validé, a de lourdes conséquences. Et mieux vaut ne pas attendre une nouvelle année pour retenter sa chance à la loterie d’APB: les bacheliers de l’année sont prioritaires.

Alors que cette semaine, les rectorats commencent à se mobiliser pour tenter de régler les dossiers au cas par cas, Johanna a appris lundi que Paris 8 lui proposait de suivre les cours… par internet. Moyennant 900 euros, elle recevra une copie des cours magistraux, mais sans pouvoir y assister. Un dispositif normalement prévu pour des salariés en reprise d’études, et qui affiche un taux d'échec très important.

C. P.