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"J'étais en train de sombrer": usés et fatigués par leur métier, des directeurs d'école témoignent

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Deux semaines après le suicide de Caroline Grandjean, qui a provoqué un vif émoi au sein de la communauté scolaire, des directeurs d'école se confient sur les agressions et les pressions dont ils sont victimes.

Pour la première fois en 38 ans, Olivier Flipo n'a pas assisté à la rentrée des classes, lundi 1er septembre. À trois ans de la retraite, cet ancien directeur d'école a décidé de signer une rupture conventionnelle avec l'Éducation nationale, lui permettant de mettre fin à son contrat.

"Je ne me voyais pas terminer ces trois dernières années. Il y a un moment où je pense que j'étais en train de sombrer", confie-t-il à BFMTV.

Pris dans une spirale infernale, Olivier Flipo, également délégué syndical de la SE UNSA, peine à encore donner un sens à son métier, au milieu des agressions quotidiennes et de la pression des parents d'élèves. "C'est très facile de s'en prendre à des personnels de l'Éducation nationale. Je l'ai subi à un certains nombres de reprises", raconte l'ancien directeur, en permanence sur ses gardes.

"J'en étais venu à ne plus me montrer aux abords de l'école et à conduire en regardant dans le rétroviseur si j'étais suivi". À moment donné, "je me suis dit 'ce n'est pas possible, il faut que ça s'arrête'", conclu Olivier Flipo.

En demandant une rupture conventionnelle, l'homme renonce donc définitivement à ses fonctions de direction. À l'issue de cet accord convenu avec l'Éducation, il peut bénéficier, comme le prévoit la loi, d'une indemnité et des allocations chômage.

Caroline Granjean, une "avant et après d'autres"

Cet appel de détresse survient deux semaines après le suicide de Caroline Granjean, enseignante et directrice d'école dans le Cantal, victime de harcèlement homophobe et de menace de mort.

Avant de mettre fin à ses jours, cette enseignante de 42 ans avait dénoncé le manque de soutien de l'Éducation nationale après cinq plaintes déposées et une enquête classée sans suite.

Un drame, qui met en lumière la solitude de la profession et qui a bouleversé Olivier Flipo. "J'ai refusé de l'entendre avant de finalement avoir envie d'en vomir. Caroline, c'est une avant d'autres et après d'autres", analyse l'ancien directeur.

Tous les soirs dans Le Titre à la Une, découvrez ce qui se cache derrière les gros titres. Zacharie Legros vous raconte une histoire, un récit de vie, avec aussi le témoignage intime de celles et ceux qui font l'actualité.
Suicide d’une directrice d’école: l’échec du ministère de l'Éducation face aux violences homophobes ?
17:24

En hommage à Caroline Granjean, plusieurs personnes se sont rassemblés devant le ministère de l'Éducation, vendredi 5 septembre. Le parquet d'Aurillac a annoncé ouvrir une enquête "en recherche des causes de la mort".

"Doublement victime"

La disparition de la quadragénaire, le jour de la rentrée scolaire, a suscité un vif émoi auprès des communautés enseignante et homosexuelle. La souffrance de Caroline Granjean n'est pas un cas isolé.

D'autres directrices et directeurs d'école témoignent auprès de BFMTV être victimes de menaces répétées dans l'exercice de leurs fonctions. "Quand je discute avec des collègues d'autres départements, on s'aperçoit que les schémas sont toujours les mêmes. Quand vous êtes menacés, il y a plein de plaintes qui restent sans suite", raconte Pauline, directrice d'une école primaire.

Face à ces signalements, l'Éducation nationale semble ne pas vouloir faire de vague. "La solution pour Caroline a été de la déplacer, ce qui est proposé à énormément de collègues. C'est toujours 'dans l'intérêt de la personne', c'est présenté comme tel, mais on vit ça comme une injustice. On a l'impression qu'on est doublement victime", déplore Pauline.

Hortense Gérard, Tanguy Tricoire, Véronique Fèvre avec Orlane Edouard