Des ventes multipliées par 37: la culotte menstruelle séduit de plus en plus

Des femmes portant des culottes menstruelles de la marque Réjeanne - Réjeanne
Depuis que Sabrina, une habitante des Hauts-de-Seine de 37 ans, utilise des culottes menstruelles, elle a l'esprit "plus libre", confie-t-elle anonymement à BFMTV.com. Elle n'a qu'un regret: ne pas s'être tournée plus tôt vers cette alternative aux protections jetables.
"J'avais régulièrement des fuites, le jour, la nuit. C'était un stress permanent. J'allais tout le temps aux toilettes pour vérifier, je n'osais même plus m'asseoir chez les gens de peur de tâcher. En plus, mes règles durent longtemps: une semaine par mois je vivais dans cette angoisse. Je peux le dire, même si ça paraît exagéré, ça a changé ma vie."
Depuis plusieurs mois, la jeune femme est donc passée aux culottes menstruelles - des culottes en tissu lavables - après qu'une amie lui en a vanté les mérites. "Je n'ai eu aucune fuite, aucune! Je peux même mettre des pantalons ou des jupes de couleur claire! C'est la sécurité totale et c'est une pression en moins", s'enthousiasme Sabrina.
Des ventes multipliées par 37
Comme elle, quelque 8% des Françaises ont acheté des culottes menstruelles en 2020, nous indique le cabinet d'étude Kantar. Un marché qui croît rapidement: l'année dernière, leurs ventes ont atteint un total de 10,8 millions d'euros, soit une augmentation de 272%, nous précise Nielsen IQ.
En 2021, le volume des ventes de ce sous-vêtement a même été multiplié par 37 en grande et moyenne surfaces, rapporte LSA, citant une étude du cabinet Nielsen. Parmi les utilisatrices, la moitié d'entre elles envisagent d'utiliser exclusivement cette protection menstruelle et près d'un tiers projette d'en racheter, selon Kantar Worldpanel.
Marion, une comédienne de 36 ans, a elle aussi définitivement abandonné les protections périodiques jetables depuis deux ans. Notamment parce qu'elles lui causaient des allergies. Depuis qu'elle est passée aux culottes menstruelles, terminé les problèmes d'irritation.
"C'est tellement plus confortable que cette espèce d'impression de porter une couche", témoigne-t-elle. "Maintenant, avec la culotte menstruelle, je ne sens plus que j'ai une protection."
"Une libération"
Rien d'étonnant à ce que la culotte menstruelle séduise de plus en plus, analyse Élise Thiébaut, auteure de Ceci est mon sang: petite histoire des règles. "C'est une protection périodique économique, écologique, confortable et c'est aussi la plus sûre", résume-t-elle. Une protection "tout bénef" qui donnerait davantage de libertés aux femmes.
"Il y a des maillots de bains menstruels, des vêtements de sport menstruels, elles peuvent se baigner, aller à la plage, faire du yoga, poursuivre leurs activités sans se soucier de la fuite", poursuit-elle. "Pour les femmes, c'est une vraie libération."
Une "libération" qui aura dû attendre que le tabou des règles tombe, note encore cette journaliste, également co-auteure de Au bonheur des vulves. Un rapport parlementaire a d'ailleurs récemment évoqué la déconstruction des tabous autour des règles, "génératrices d'angoisses et de souffrances".
"Pendant des années, on ne s'est pas penché sur la meilleure protection pour les femmes, on ne s'y intéressait pas", déplore Élise Thiébaut. "Et jusqu'à maintenant, on vendait les produits les plus économiquement rentables mais qui n'étaient pas les plus adaptés."
Une niche devenue "un vrai marché"
Au niveau mondial, le marché des protections féminines est estimé à 26,5 milliards d'euros, ce qui équivaut au PIB du Bahreïn ou au quart des bénéfices de l'industrie automobile, comme le compare Courrier international.
En France, le marché est "mature", comme l'explique Group'hygiène. Ce syndicat professionnel des fabricants d'articles à usage unique pour l'hygiène communique un total de 4 milliards d'unités en moyenne vendues chaque année. Soit 279 protections par femme et par an. Dans le détail, les protège-slips représentent près de la moitié des protections vendues, puis viennent les serviettes périodiques pour 42% et les tampons 11%.
Mais depuis une dizaine d'années, avec les polémiques autour de la composition des protections périodiques et les affaires de choc toxique, le marché a marqué le pas, observe Élise Thiébaut, qui y voit "une perte de confiance". Ce qui se fait ressentir dans les ventes. "La part des tampons baisse régulièrement dans le total général et perd en moyenne un point chaque année", confirme Group'hygiène. Ouvrant ainsi un boulevard à la culotte menstruelle.
"Il y a quelques années encore, les culottes menstruelles représentaient une niche", continue Élise Thiébaut. "Aujourd'hui, même les grandes marques se positionnent. Il y a un vrai enjeu et c'est devenu un véritable marché."
Comme Nana, un des grands noms de la protection périodique jetable, qui a lancé sa culotte menstruelle au printemps 2021. "Intimewear by Nana poursuit sa progression depuis son lancement et atteint 15,5% de parts de marché valeur sur la dernière période de l'année 2021", nous communique le groupe Essity, auquel appartient Nana.
De 800 à un demi-million de culottes
Cette forte attente, Alexandra Rychner, la fondatrice de Réjeanne - une marque de culottes menstruelles fabriquées en France et en coton biologique - en témoigne. Elle-même a été surprise par la demande lorsqu'elle a lancé un financement participatif pour créer sa ligne de culottes menstruelles en 2018. L'objectif était de réunir les fonds pour fabriquer une centaine de pièces. En vingt-quatre heures, 800 culottes étaient précommandées. Dix fois plus un mois plus tard.
"On a eu un tel succès, on n'en revenait pas", se souvient-elle. "C'est là qu'on a réalisé l'ampleur de la souffrance autour des protections périodiques et les besoins réels qu'avaient les femmes."
Depuis, Réjeanne a lancé de nouvelles lignes: maillots de bain menstruels - une ou deux pièces - ainsi que des leggings et shorts de sports menstruels. Succès similaire chez Elia, une marque de lingerie menstruelle en coton bio origine France garantie, qui propose depuis 2019 des sous-vêtements menstruels, de grossesse, post-partum et d'allaitement.
"En deux semaines, on a vendu 10.000 culottes", compte Marion Goilav, la co-fondatrice d'Elia lingerie. "En juin, on sera autour de 500.000."
Kiabi, Dim ou Etam
Plim est l'une des pionnières du marché avec une culotte menstruelle - toujours fabriquée en France et en cotion bio - lancée en 2014. "C'est devenu ultra-concurrentiel et louvoyé par de grosses structures", remarque sa fondatrice, Capucine Mercier. "En quelques années, on a vu des dizaines de concurrents émerger."
Avec le succès grandissant de la culotte menstruelle, de grands noms de l'habillement et de la lingerie se sont ainsi lancés dans le marché, de Dim, en passant par Monoprix, Kiabi ou Etam.
Cette dernière a commencé à commercialiser des culottes menstruelles en 2017 avant de créer l'année dernière la propre ligne de la marque, assortie à ses collections. "Le marché est en pleine ascension", reconnaît Julie Jamet, la directrice de la communication d'Etam.
"Trois culottes pour 15 euros, ce n'est pas possible"
Difficile parfois d'y voir clair tant les propositions sont nombreuses. La fondatrice de Plim formule ainsi quelques recommandations. Elle appelle d'abord à se méfier des produits fabriqués à l'étranger - dont la faible qualité a déjà été dénoncée par le magazine 60 millions de consommateurs. "Ils ne répondent pas aux mêmes certifications ni aux mêmes exigences de qualité", poursuit-elle. "Trois culottes pour 15 euros, ce n'est pas possible."
Elle conseille également d'opter pour les culottes qui privilégient les matériaux naturels au contact des muqueuses et d'éviter celles qui sont trop épaisses, risquant de favoriser l'humidité et les mycoses.
"Et puis, autant encourager les productions locales", conclut Capucine Mercier. "On sait faire ça en France, pas besoin de les faire venir de l'autre bout du monde, et c'est meilleur pour l'environnement."