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Charte des langues régionales: quels enjeux?

Une classe bilingue franco-provençal, une langue occitane, à Orange (Vaucluse) mardi.

Une classe bilingue franco-provençal, une langue occitane, à Orange (Vaucluse) mardi. - -

Les députés ont commencé à débattre mercredi d'un texte européen destiné à protéger et à promouvoir l'emploi des langues régionales. Un vote solennel doit avoir lieu mardi prochain.

Ce mercredi, les députés ont commencé à débattre de la Charte européenne des langues régionales. Un texte signé par la France mais jamais ratifié, le Conseil constitutionnel ne le jugeant pas conforme à la Constitution. Qu'est-ce qu'il contient? Quels sont les enjeux de cette ratification? On vous dit tout, en français dans le texte.

(Fond de carte: Lexilogos - CC)

La Charte des langues régionales, c'est quoi?

Il s'agit d'un texte édicté à l'échelon du Conseil de l'Europe, destiné à protéger et à promouvoir l’emploi des langues "régionales ou minoritaires" propres à un pays - à l'exception donc des langues des migrants. Elle a été rédigée en 1992. En tout, sur les 47 Etats-membres du Conseil, 33 l'ont signée et 25 ratifiée. Détail important: pour entrer dans l'UE, un Etat candidat doit désormais l'avoir ratifiée au préalable.

Pourquoi ça bloque en France?

Tout avait bien commencé, puisque la France a signé la Charte en 1999 sous le gouvernement Jospin. Problème: elle ne l'a jamais ratifiée. Car entre-temps, au mois de juin 1999, le Conseil constitutionnel a jugé le texte contraire à deux principes : l'égalité de tous les citoyens devant la loi et l'article 2 de la Constitution, qui dispose que "la langue de la République est le français".

Pendant 15 ans, la Charte est donc restée au placard. En 2012, le candidat Hollande avait promis d'en relancer la ratification. C'est finalement la crise bretonne qui, en décembre, a incité Jean-Marc Ayrault à relancer concrètement le processus.

Comment la faire ratifier aujourd'hui?

Une modification constitutionnelle est nécessaire. Celle-ci se fait via un texte d'origine parlementaire: une proposition de loi, qui ajoute dans la Constitution un article 53-3 stipulant que "la République peut ratifier la Charte". Toutefois, dans le droit français, une telle modification constitutionnelle ne peut se faire que par une approbation de trois cinquièmes des parlementaires (députés et sénateurs), réunis en Congrès à Versailles.

Le passage du texte à l'Assemblée fait donc office de test. Les socialistes ont demandé un vote solennel mardi prochain, le 28 janvier, afin de permettre aux députés de se compter. Si le vote est massif, la proposition n'ira pas au Sénat: le gouvernement déposera lui-même un projet de loi constitutionnel. Les textes déposés par des parlementaires doivent en effet être obligatoirement être approuvés par référendum, alors que ceux présentés par le gouvernement peuvent être directement adoptés par le Congrès.

Que changerait une ratification?

Ni la Constitution, ni le gel de la ratification de la Charte n’ont empêché la promotion par l'enseignement ou par les médias des langues régionales. Mais cela s'est fait sans statut légal. Il n'existe pas, par exemple, d'école publique d'enseignement bilingue: celles-ci sont privées, de statut associatif. Et "la prise d'initiative la plus anodine peut déboucher sur des mises en cause devant les tribunaux", souligne le député socialiste Jean-Jacques Urvoas, rapporteur du texte à l'Assemblée.

Quelles langues sont concernées?

Alsacien, basque, breton, occitan, catalan, corse et flamand sont les principales langues régionales parlées en France métropolitaine. Dans les régions concernées, elles font l'objet d'un enseignement primaire par le biais d'écoles associatives, parfois d'enseignements optionnels dans le secondaire. Mais elles sont globalement en déclin, et essentiellement parlées par les populations les plus âgées.

Outre-mer, les langues régionales sont beaucoup plus vivaces. Elles sont mêmes, souvent, la langue de la vie quotidienne. On peut citer le créole antillais, le créole réunionnais, les langues polynésiennes (dont la plus parlée est le tahitien) et les langues kanak (une trentaine!) en Nouvelle-Calédonie.

Mathilde Tournier et Olivier Laffargue et avec AFP