Les végans radicaux inquiètent les services de renseignement

Six militants végans soupçonnés d'avoir vandalisé plusieurs commerces de la région lilloise ont été interpellés mardi. Les services de police sont attentifs à ces affaires, alors que les bouchers et charcutiers dénoncent une insécurité en nette augmentation.
Sept boucheries aspergées de faux sang en avril dans la région Hauts-de-France, neufs cas de vandalisme contre des boucheries, poissonneries, fromageries ou fast-food entre les mois de mai et d'août à Lille, plusieurs caillassages en région parisienne et en Occitanie. Les dégradations de commerces commises par des militants qui se revendiquent de la mouvance végane se multiplient. "Stop au spécisme" (idéologie qui postule une hiérarchie entre les espèces), "Stop souffrance, go vegan" ou encore "Vegan ou crève" ont parfois été retrouvés tagués sur la devanture des magasins. Un phénomène qui se serait amplifié depuis le printemps.
En juillet dernier, les bouchers-charcutiers avaient fait part de leur sentiment d'insécurité dans une lettre ouverte envoyée au ministère de l'Intérieur. Leurs représentants avaient été reçus place Beauvau. Une prise de contact entre les préfets et les représentants locaux avait été décidée. Au cours de l'été, des rencontres ont eu lieu. D'autres restent à venir mais la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs (CFBCT) se réjouit déjà de l'avancée des discussions qui ont permis d'identifier deux zones prioritaires: les Hauts-de-France et l'agglomération parisienne.
"Il est urgent que cesse l'impunité des militants végans violents, il faut que les actes de malveillance prennent fin au plus vite", lance Jean-François Guihard, président de la CFBCT.
Les services de renseignement mobilisés
Mardi, six personnes ont été interpellées dans l'agglomération lilloise dans le cadre d'une enquête sur la vandalisation de neuf commerces entre mai et août dernier. L'une d'entre elles sera jugée en décembre. Il y a quelques jours, c'est le maire de Calais qui avait dû ordonner l'annulation d'un festival végan en raison des risques de menaces des chasseurs et bouchers locaux. Cette décision avait été cassée par la justice, mais montre les tensions entre certains militants végans et professionnels du secteur animalier. Tension visible quand une militante végane a été condamnée pour "apologie du terrorisme" pour s'être réjouie publiquement de la mort du boucher du Super U de Trèbes, assassiné par le terroriste Radouane Ladkim.
Le radicalisme d'une certaine branche de la mouvance végane inquiète jusqu'aux services de renseignement, qui surveillent ces militants. "Cela fait partie des menaces extrémistes que nous suivons, ces actions violentes font parties de nos préoccupations", confirme-t-on au ministère de l'Intérieur, tout en insistant sur le fait que ces activistes sont peu nombreux. S'il existe plusieurs associations constituées et bien identifiées, celles-ci rejettent toute forme de confusion avec ces actions violentes. "Ce sont des actions que nous n’approuvons pas du tout, auxquelles on est opposé", assure sur BFMTV Brigitte Gothière, co-fondatrice de l'association L214, dénonçant des actes "isolés" et "surmédiatisés".
Et d'ajouter: "Si sur le fond ce sont des militants a priori végans, antispécistes, donc qui dénoncent la situation brutale, ignoble dans laquelle vivent les animaux et dans laquelle on va se rejoindre, sur les méthodes, nous ne sommes pas du tout d’accord. Nous ne pensons pas que ce type d’action fait avancer le débat, on aimerait trouver d’autres moyens de faire passer des idées qui sont reconnues par l’ensemble des Français."
"Phénomène de mode"
"Tous les antispécistes sont végans, mais tous les végans ne sont pas antispécistes", avait d'ailleurs tenu à rappeler Johan, militant chez 269 Libération Animale, sur France Inter en juin dernier. Selon Sébastien Arsac de L214, "l'antispécisme a une dimension plus philosophique". "Quand on est antispéciste, on estime que ce n'est pas parce qu'on appartient à une autre espèce que l'espèce humaine que l'on doit être maltraité ou torturé." Un extrémisme déclencheur. "Ce sont des individus qui ont une logique quasi-intégriste, pas tolérants, avec une logique abolitionniste qui crée forcément de la déception, et qui s'abreuvent d'images violentes, ce qui peut provoquer un passage à l'acte", analyse Eddy Fougier, expert en mouvements contestataires.
"Dans ces mouvements, il y a un peu de tout avec des individus qui partagent les mêmes idées mais pas forcément les modes opératoires", poursuit le spécialiste.
Aujourd'hui, on compte 0,5% de végans en France, c'est-à-dire de Français qui refusent toute forme d'exploitation animale. Depuis 10 ans d'ailleurs, la consommation de viande a diminué de 12% en raison d'une prise de conscience culturelle, environnementale, sanitaire mais aussi en raison de questions financières. "Cela constitue un terrain favorable à ce que le discours critique des végans soit audible, confirme Eddy Fougier. Mais s'il y a une évolution nette dans le rapport à la viande, pour les végans, il y a un phénomène de mode."
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