BFMTV
Société

Affaire Tex: assiste-t-on au retour du politiquement correct?

Tex, animateur des Z'amours sur France 2 en 2015.

Tex, animateur des Z'amours sur France 2 en 2015. - Bernard Barbereau - FTV

L'éviction par France 2 de l'animateur Tex de la présentation des Z'Amours, après une blague sur les femmes battues, relance le débat sur le poids du politiquement correct et des réseaux sociaux sur les humoristes.

Ne peut-on plus rire de tout? Une police du rire est-elle en train de se mettre en place? La récente affaire Tex a relancé ces questions. L'animateur des Z'Amours, sur France 2, a été évincé du jeu culte, la semaine dernière, après avoir osé un trait d'humour sur les femmes battues, lors d'une émission sur C8. La direction de France 2 a fait savoir que cette blague douteuse ne constituait pas la seule raison au départ de l'humoriste, mais que celle-ci intervenait après "plusieurs dérapages de l'animateur ces derniers mois". 

Une censure de l'humour noir

Plusieurs humoristes sont montés au créneau pour défendre Tex. Parmi eux, Anne Roumanoff. Reconnaissant que la blague était "nulle et machiste", cette dernière a critiqué la décision de France 2. "Défendre le droit des femmes oui, faire régner le politiquement correct par la terreur, non!", a-t-elle dénoncé sur Twitter. Dans une tribune publiée ce week-end dans le JDD, Anne Roumanoff dénonce à nouveau ce politiquement correct, qui restreint de plus en plus les humoristes, au nom d'un "nouvel ordre moral". Jean-Yves Lafesse, lui, a déploré une "censure"

A l'Ecole du One Man Show, qui forme de jeunes humoristes, on juge que la parole est moins libre. La faute, selon les formateurs, à des associations qui guettent le moindre faux pas pour intervenir. Les polémiques récentes, autour de Dieudonné ou Tex par exemple, sont selon eux révélatrices d’une certaine censure de l’humour noir et du cynisme.

"Le rôle d'un artiste, que ce soit un humoriste, un peintre, un sculpteur, c'est quand même de pointer du doigt les dysfonctionnements d'une société", fait valoir la comédienne et humoriste Anne Cangelosi, au micro de BFMTV. Dénoncer pour faire évoluer les mentalités, c'est généralement ce que cherchent à faire les humoristes.

"On se trompe sur le sens des blagues"

Pour l'humoriste François Rollin, invité ce lundi matin sur notre antenne, "on se trompe sur le sens des blagues". "D'ailleurs la blague de Tex, si vous prenez l'approche non pas théorique mais pragmatique, c'est une blague qui dénonce plus qu'elle ne participe à la violence faite aux femmes", estime-t-il. "Je connais bien Tex et ses habitudes, il a plutôt l'habitude de dénoncer la beauferie dans ses émissions, il a eu souvent l'occasion de le faire". 

"La blague de Tex, en parlant d'un comportement indigne, criminel, le dénonce", ajoute encore François Rollin.

Un avis que partage François Jost, professeur en sciences de l'information et de la communication à la Sorbonne Nouvelle et spécialiste des médias. "On est dans le problème de l'humour noir. Vous savez, quand on plaisante sur la mort, des gens vont mourir un jour! On va tous mourir!", ironise-t-il.

"Dans les années 60, la revue Hara Kiri était spécialiste de l'humour noir. Elle plaisantait sur la mort, les militaires. Ca a abouti à ce que sous De Gaulle, elle soit interdite", rappelle François Jost. "Mais je croyais qu'on n'en était plus là, je croyais qu'on avait libéré la parole". 

Humour communautaire 

Alors que la pression sociale se fait de plus en plus forte sur les humoristes, François Rollin ne se dit pas inquiet pour l'avenir. "Nous souffrons de cette chape de plomb que les bien-pensants ont répandu sur le paysage, mais avec les histoires récentes, et notamment celle de Tex, ils sont en train de se décrédibiliser. Les gens sont en train de se rendre compte que ça va trop loin", estime l'humoriste.

François Jost, lui, se montre moins optimiste. "C'est connu, Desproges disait 'on peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui'. Moi je dirais que tout dépend de qui fait rire. Aujourd'hui, on remarque que l'on arrive à un humour où seuls ceux qui appartiennent à une communauté ont le droit de rire à cette communauté. Et ça, c'est terrible".
A.S.