L'ADN d'une victime de Pompéi séquencé en intégralité, 2000 ans après la catastrophe

Photo montrant la reconstitution des corps de deux victimes à Pompéi, un homme de 40 ans environ et son esclave, pris au piège par l'éruption volcanique qui a détruit la ville romaine. - Handout © 2019 AFP
Un exploit scientifique. L'ADN d'une victime de l'éruption du Vésuve à Pompéi, survenue en 79 avant Jésus-Christ, a pu être entièrement séquencé pour la première fois, selon une étude publiée jeudi dans la revue Nature. Cette réussite, près de 2000 ans après la catastrophe, permet d'en savoir plus sur le profil génétique de cet homme et de la population pompéienne de l'époque.
"À notre connaissance, nos résultats représentent le premier génome humain pompéien séquencé avec succès", se réjouissent les scientifiques.
Le squelette a été découvert par les archéologues dans la salle à manger d'une maison de Pompéi, près d'un triclinium, une sorte de chaise-longue utilisée à l'époque dans la culture romaine pour les repas. L'homme, âgé de 35 à 40 ans, a probablement été surpris par l'éruption du volcan en plein déjeuner, estimée aux alentours de 13h par les chercheurs.
D'après ces derniers, étant donné la "position" et l'"orientation" de son corps au moment du décès, il a dû connaître une "mort instantanée". Les restes d'une femme âgée d'environ 50 ans ont également été découverts à ses côtés, mais son ADN n'a pas pu être exploité complètement.
Une "prouesse" scientifique
Si des analyses avaient pu être menées par le passé sur les génomes de victimes, humaines et animales, de Pompéi, elles restaient à chaque fois incomplètes, faute d'ADN entier. Cette fois, l'ensemble du profil ADN a pu être analysé.
"C'est une véritable prouesse de réussir à prélever de l'ADN dans ces conditions", se félicite Céline Bon, paléogénéticienne au Muséum national d'histoire naturelle de Paris, auprès du Figaro.
De fait, l'exploitation des restes d'une victime s'avère en général complexe dans le cas de Pompéi en raison des "températures élevées" générées par la lave du volcan. Le phénomène a contribué dans de nombreuses situations à "diminu(er) la qualité et la quantité d'ADN récupérable", expliquent les chercheurs.
Mais dans ce cas précis, l'éruption a pu jouer à l'avantage des scientifiques en déposant un couche de roche volcanique sur les cadavres, les protégeant ainsi de dégradations probables.
Les scientifiques ont par ailleurs eu recours à des méthodes innovantes d'extraction et de séquençage de l'ADN, lesquelles ont "considérablement augmenté la quantité de données pouvant être obtenues à partir d'échantillons auparavant inadaptés à la recherche génétique", selon les chercheurs.
Une "signature génétique" mise au jour
Le travail des scientifiques a permis de mettre au jour le profil génétique du trentenaire disparu dans la catastrophe de Pompéi. Comparé à celui de 471 profils de type eurasien de la même période, l'ADN du Pompéien apparaît similaire à celui des peuples méditerranéens et proche-orientaux actuels, comme les Grecs ou les Turcs.
Cette découverte est la marque probable d'une "signature génétique" au sein de la population romaine, pourtant d'origines diverses, diffusée par l'Empire et encore présente aujourd'hui.
Les recherches dévoilent par ailleurs la présence d'une forme d'ADN "sarde". En effet, certaines séquences du génome du Pompéien ne se retrouvent actuellement que chez les habitants de Sardaigne. Ces derniers sont donc probablement issus de populations d'Anatolie ou du Néolithique, selon ces résultats.
Enfin, les chercheurs ont évalué l'état de santé de la victime et ont identifié qu'il était probablement atteint de tuberculose, des lésions caractéristiques de cette maladie ayant été découvertes sur son ADN. L'infection, qui tue encore plus d'un million de personnes aujourd'hui, était particulièrement endémique à l'époque de l'Empire romain.