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Santé

Un bébé quand je veux ou quand les Françaises vont à l'étranger faire congeler leurs ovocytes

Une patiente oscultée dans un hôpital de la région parisienne, en 2013.

Une patiente oscultée dans un hôpital de la région parisienne, en 2013. - FRED DUFOUR / AFP

De plus en plus de femmes traversent la frontière pour aller congeler leurs ovocytes à l'étranger, la pratique étant illégale sur le territoire français. Le Comité de bioéthique s'apprête-t-il à faire évoluer la loi?

Contrairement à la plupart de ses voisins européens, la France interdit encore aux femmes de conserver leurs ovocytes pour tenter d'avoir un enfant plus tard. Pourtant, plusieurs centaines de femmes se rendent à l'étranger chaque année pour contrer l'implacable horloge biologique.

Alors la France doit-elle autoriser la congélation d'ovocytes? Le Comité de bioéthique tranchera sur la question ce mardi. Jusqu'à maintenant, ses membres n'y étaient pas favorables en raison de la lourdeur médicale et du risque de pressions de l'employeur sur les femmes. Ces dernières années, certaines grandes entreprises américaines encouragent leurs salariées à congeler leurs gamètes.

Des démarches onéreuses

En moyenne, à 35 ans, une femme a 15% de tomber enceinte chaque mois. Un taux divisé par 2 voire 3 après 40 ans. Pour Audrey qui redoutait l'approche de la quarantaine, le déclic a été une rupture amoureuse . 

"J'étais tellement triste que je me suis dit qu'il était absolument impossible que j'ai envie de me remettre avec quelqu'un tout de suite, et encore moins que j'ai envie d'avoir un enfant avec dans un futur proche" raconte Audrey. "Il y a une énorme pression pour les femmes qui ont plus de 35 ans par rapport aux hommes qu'elles rencontrent, parce qu'il y a cette horloge biologique qui est très forte".

Cette cadre supérieure s'est rendue en Espagne il y a quatre ans pour congeler ses ovocytes et a tenté une fécondation in vitro, sans succès. Au total, les démarches lui ont coûté près de 12.000 euros. 

En France, congeler ses ovocytes n'est autorisé que dans de rares cas, par exemple en cas de cancers qui altèrent la fertilité. Audrey voit l'illégalité de la pratique d'un mauvais oeil, et considère cet obstacle comme une "segmentation sociale et financière", quelque chose de "très injuste puisque tout le monde a le droit d'avoir un enfant, et peut importe ses revenus".

Traverser la frontière pour faire un enfant

Moins de 1.000 femmes y ont eu recours en 2017, "c'est très peu", estime Myriam Levain, journaliste et auteure de Et toi, tu t'y mets quand?. La jeune femme a enquêté sur la pratique après y avoir eu recours elle-même.

"Ce ne sera jamais massif puisqu'à 35 ans, seuls 20% des femmes n'ont pas d'enfants, et elles ne vont pas toutes se ruer là-dessus. Laissons les femmes décider, mais pour ça, autorisons-le" demande-t-elle. 

Quant à Marie, 39 ans, elle ne se sent pas prête à être mère. Elle souhaite néanmoins se laisser le choix d'avoir ou non des enfants plus tard. Pour se faire, elle se voit obligée de contourner la loi et de traverser la frontière pour rejoindre une clinique de Barcelone, en Espagne.

L'an dernier, 250 Françaises ont fait la démarche dans ce groupe de cliniques espagnol, une démarche en progression de 20% chaque année. Il faut compter environ 3.000 euros pour faire congeler ses ovocytes. Le prélèvement, réalisé sous anesthésie générale, ne dure que 20 minutes et les ovocytes, eux, sont ainsi conservés par la clinique pendant 5 ans.

5 ans de prison et 5.000 euros d'amende

En France, si un médecin aide une patiente à effectuer des démarches dans ce sens, il encourt 5 ans de prison et jusqu'à 75.000 euros d'amende. 

"Moi en tant que médecin, je n'ai pas le droit de vous suivre, de vous accompagner, ni de participer d'une certaine manière à une technique interdite, c'est très hypocrite mais c'est comme ça" explique François Olivennes, gynécologue-obstrétricien spécialiste de la reproduction, à la patiente.

Avec une centaine d'autres médecins, ce spécialiste milite pour une évolution de la loi en faveur de la procréation médicalement assistée, notamment pour l'auto-conservation des ovocytes. 

"Je ne vois aucune raison de l'interdire. Je pense qu'une femme a quand même la liberté de congeler ses ovocytes si elle le souhaite, comme un homme peut congeler son sperme" conclut enfin le spécialiste.
J.B avec Fabrice Bobin, Margaux de Frouville, Aurélie Chameroy, Baptiste Besson et Philippe Rollin