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Sans sucre, bio ou avec des colorants naturels: que valent les bonbons nouvelle génération?

Les bonbons sans sucre, le salut des gourmands? (photo d'illustration)

Les bonbons sans sucre, le salut des gourmands? (photo d'illustration) - Joël Saget-AFP

Ils sont présentés comme moins sucrés voire sans sucre, certains sont bio ou fabriqués à partir de jus de fruits, d'autres sans gélatine: trois spécialistes de la nutrition décryptent pour BFMTV.com la composition de ces nouveaux bonbons.

Sans gélatine, moins sucré, moins calorique, bio, vegan ou encore avec des colorants naturels, le marché de la confiserie se diversifie. Et tente lui aussi de suivre la tendance "healthy" pour se réinventer et séduire des consommateurs de plus en plus vigilants sur leur alimentation.

  • Un marché en baisse 

Car la confiserie fait moins recette. En 2019, les ventes en grandes surfaces de bonbons, sucettes, chewing-gums, petites confiseries de sucre (souvent vendues devant les caisses) et spécialités régionales ont représenté 1,357 milliard d'euros de chiffre d'affaires, selon des données communiquées par l'Iri, une société d'études de marché des produits de consommation courante, à BFMTV.com. À titre de comparaison, en 2014, le marché de la confiserie représentait 1,456 milliard d'euros. Soit une baisse de 6,8% en cinq ans.

Si les quantités de bonbons et sucettes vendues l'année dernière sont quasi similaires à celles de 2018 (-0,1%), celles des chewing-gums, petites confiseries de sucre et spécialités régionales sont en baisse de 3 à 5%. Une tendance qui se confirme d'année en année: alors qu'en 2014, quelque 692 millions de friandises ont été vendues, cinq ans plus tard, c'est 5,5% de moins.

Dans le détail, les bonbons et sucettes représentent toujours plus de la moitié du marché, loin devant les chewing-gum (23%) ou les spécialités régionales (8%), selon le Syndicat national de la confiserie, renommé Confiseurs de France. Thierry Gaillard, président de Carambar & Co, met quant à lui en avant une hausse de 2% des ventes de bonbons en sachets en 2019. Des résultats qui confirment selon lui la bonne santé de ce secteur.

"C'est un marché d'impulsion. Et plus on innove, plus il est dynamique, analyse-t-il pour BFMTV.com. C'est aussi un marché de gourmandise. Pour 97% des consommateurs, le bonbon reste un moment de plaisir", citant les données d'une étude commandée par le groupe français, propriétaire de Lutti, Kréma, La Pie qui chante ou encore Michoko.
  • 3 kg de bonbons par personne et par an

Pourtant, les clients consomment moins. En moyenne, chaque Français avale 3,1kg de bonbons par an, toujours selon le syndicat des confiseurs. Il y a dix ans, c'était 500g de plus. À l'heure où les additifs suscitent de plus en plus la méfiance des consommateurs et où le sucre apparaît comme l'ingrédient non grata, les géants de la confiserie tentent de s'adapter.

"C'est un marché sensible, poursuit Thierry Gaillard. Aujourd'hui, 62% des consommateurs lisent la liste des ingrédients. Il y a dix ans, c'était un sur dix. Et 88% d'entre eux se disent attachés à la naturalité des produits."

En 2018, une charte a été signée pour que les fabricants de bonbons s'engagent "dans une démarche d'amélioration de leurs produits". Le document cite notamment la "suppression du dioxyde de titane" (une nanoparticule longtemps utilisée pour blanchir et faire briller, interdite depuis ce mois de janvier), la volonté "d'encadrer la publicité à destination des enfants", d'améliorer l'information nutritionnelle ou encore de communiquer "de manière responsable".

  • Des cocktails d'édulcorants

Dans les rayons des grandes surfaces, il est possible de trouver une version "sans sucres" des Arlequin de la marque Lutti. Ce qui signifie que le produit ne contient ni saccharose (c'est-à-dire le sucre de table extrait de la betterave ou de la canne à sucre), ni fructose (le sucre des fruits), ni glucose ou maltose (issus de l'amidon). Une subtilité: si le produit est annoncé "sans sucre" au singulier, cela signifie seulement qu'il ne contient pas de saccharose.

Parmi les ingrédients de ces bonbons Arlequin, de nombreux édulcorants: sirop de maltitol, acésulfame K, sucralose et maltitol. Des édulcorants intenses - pour certains peu, voire pas caloriques - au pouvoir plusieurs centaines de fois plus sucrant que le sucre.

"Ces additions d'édulcorants posent question, explique à BFMTV.com Stéfane Guilbaud, formateur en changement de comportements alimentaires. Car ils ont des effets sur le métabolisme. Ils agissent comme un leurre pour notre organisme qui détecte le goût sucré, même s'il n'y a pas de sucre à proprement parlé, et déclenche une sécrétion d'insuline. On joue aux apprentis sorciers: on ne connaît pas encore suffisamment bien leurs effets sur la santé, notamment les effets cocktails. Mais on sait déjà que c'est irritant pour le côlon. À long terme, cela pourrait-il avoir des conséquences plus graves?"
Des fraises Tagada de la marque Haribo (photo d'illustration)
Des fraises Tagada de la marque Haribo (photo d'illustration) © Joël Saget-AFP

De son côté, Thierry Gaillard de Carambar & Co, assure supprimer les ingrédients controversés "lorsque c'est prouvé".

"Nous l'avons fait avec l'aspartame et le dioxyde de titane. Nous avons aussi enlevé l'huile de palme de toutes nos gammes de chocolat, remplacée par du beurre de cacao ou de l'huile de tournesol."

Mais selon lui, les édulcorants ne sont pas des "poisons" tant qu'ils restent consommés en quantité raisonnable.

  • Des sucres cachés

Lutti précise sur son paquet de bonbons qu'une "consommation excessive" de ses Arlequin sans sucres "peut avoir des effets laxatifs". Si le paquet indique bien "sucres: 0g", ces friandises contiennent tout de même 94,6g de glucides pour 100g.

"Ce sont des sucres cachés, pointe pour BFMTV.com Mathilde Demonceaux, diététicienne à Reims. On ne le sait pas toujours mais il y a des édulcorants qui sont caloriques. Ce qui pose problème quand on pense acheter un produit allégé d'autant qu'il y a de plus en plus de personnes diabétiques et pré-diabétiques (3,3 millions de personnes sont diabétiques en France, selon Santé publique France, NDLR)."

Cette spécialiste du rééquilibrage alimentaire recommande ainsi de prendre en compte le taux total de glucides et pas uniquement celui des sucres, "c'est la même chose, les sucres sont des glucides, ils encouragent la dépendance au goût sucré". Et appelle à se méfier d'autres ingrédients comme l'amidon modifié ou la dextrine. Mais pour Thierry Gaillard, l'une des solutions pour faire baisser le taux de sucre passe notamment par les fibres végétales. 

"C'est un challenge pour nous de réduire la part de sucre et de répondre à cette demande des consommateurs de plus de naturalité tout en ne modifiant pas le goût, ni l'aspect du produit ou sa consistance", reconnaît le président de Carambar & Co.
  • Et les bonbons aux fruits?

Chez Haribo, les bonbons Fruitilicious annoncent moins 30% de sucres (dans le détail: 54 grammes de glucides pour 100 grammes) et affichent également dans la liste de leurs ingrédients des "jus de fruits à base de concentrés" et des "concentrés de fruits et de plantes" dont carotte, pomme, radis, spiruline, paprika, hibiscus, cassis, et tomate. Si cela peut sembler à première vue plus naturel, Stéfane Guilbaud, également auteur de Je ne mange pas de produits industriels, appelle à la prudence.

"Il y a des efforts considérables qui ont été faits par les industriels pour rendre leurs produits plus sains. Mais si les bonbons fabriqués à partir de jus de fruits ou de purée de fruits rassurent les parents, ils restent des bombes glycémiques."
Des Carambar (photo d'illustration)
Des Carambar (photo d'illustration) © Joël Saget-AFP

Il évoque notamment les sticks de fruits à base de purées et de jus de fruits concentrés de la marque Na. Ces derniers se composent à 70% de sucres. L'équivalent en sucre de deux kilos de fraises. Beaucoup trop, estime Stéfane Guilbaud.

"C'est le même problème avec les bonbons à base de miel, de sirop d'agave, de sirop d'érable ou de sucre de coco: ils sont riches en fructose, ajoute-t-il. On imagine que c'est un sucre naturel donc bon pour la santé alors qu'il est très sournois. Le fructose est directement métabolisé par le foie pour être transformé en graisse. S'il n'est pas consommé dans un fruit avec toutes ses fibres, le fructose pur cause de nombreuses maladies métaboliques, comme l'obésité ou le diabète."

La diététicienne Déborah Ohana, spécialisée en nutrition du sport et micronutrition, est du même avis. "C'est purement marketing, pointe-t-elle pour BFMTV.com. Un jus de fruit est expurgé de ses fibres, vitamines et minéraux. Donc un bonbon fabriqué avec du jus de fruit n'a aucun de ses bienfaits." Ce n'est pas le point de vue de Thierry Gaillard, qui considère que les bonbons fabriqués à partir de jus de fruit rendent le produit plus naturel. "Je ne vois pas ce qu'il y a de choquant avec les jus de fruit, il ne faut pas avoir une phobie de tout."

  • Des colorants naturels

Côté colorants, les traditionnels additifs - comme le E131 également appelé bleu patenté présent dans les Schtroumpfs ou le E120 (l'acide carminique, extrait de la cochenille, un insecte) dans les bonbons de couleur rouge - sont de plus en plus remplacés par des ingrédients naturels: concentré de carotte, hibiscus, pomme, carthame, patate douce, spiruline, radis ou cerise.

Une bonne nouvelle, juge Mathilde Demonceaux. "On ne peut que se réjouir de ces choix, mais je regrette qu'il faille encore et toujours ajouter des colorants aux aliments. Pour les enfants, cela fausse et brouille leur vision de l'alimentation à long terme." Et donne l'exemple du jambon, gorgé de nitrites, pour qu'il apparaisse rose plutôt que gris, sa couleur naturelle bien moins vendeuse.

Autre nouveauté chez certains fabricants: la suppression de la gélatine animale, notamment dans les Krema mini cub bio de Carambar and co qui lui préfère les pectines, d'origines végétales. Ce que salue Déborah Ohana tout en émettant un bémol. "Cela s'inscrit dans une volonté de proposer des produits plus sains, mais cela reste des produits ultra-transformés", nuance-t-elle. 

  • Caramel et sucre complet

Cette diététicienne recommande de se fixer quelques limites: opter pour des petits formats et les limiter à des moments de convivialité.

"Et surtout pas de grignotage au quotidien devant l'ordinateur sans même s'en rendre compte".
"Tant qu'à faire, autant choisir des bonbons avec du vrai sucre et à la composition la plus simple possible", préconise pour sa part Stéfane Guilbaud, qui invite à opter pour des sucres complets comme le rapadura ou le muscovado. Mêmes conseils pour Mathilde Demonceaux: "un caramel à l'ancienne, avec du vrai sucre".

Mais pour Déborah Ohana, pas question pour autant de diaboliser les friandises. 

"S'imposer des restrictions et s'interdire certains aliments, c'est le meilleur moyen de créer des pulsions et de dégommer un paquet."
Céline Hussonnois-Alaya