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Rebond des cas de Covid-19: la France doit-elle remettre le masque?

Des piétons marchent dans la rue Sainte-Catherine, la plus grande rue commerçante de Bordeaux, le 27 novembre 2021. (photo d'illustration)

Des piétons marchent dans la rue Sainte-Catherine, la plus grande rue commerçante de Bordeaux, le 27 novembre 2021. (photo d'illustration) - THIBAUD MORITZ / AFP

Des nouveaux cas de plus en plus nombreux jour après jour, une moyenne hebdomadaire d'infections allant crescendo, un nombre d'hospitalisations en stagnation. Pas de doute, sous l'effet du variant BA.2, le Covid-19 est à la relance. L'OMS et certains épidémiologistes déplorent d'ailleurs une levée trop précoce de l'obligation du port du masque. Mais aucun consensus scientifique ne se dégage sur cette question.

Après une dizaine de jours de détente - série inaugurée le 14 mars avec la levée de l'obligation de son port - la France va-t-elle devoir remettre le masque? C'est en tout cas l'horizon désormais envisagé à haute voix par certains spécialistes et par l'Organisation mondiale de la Santé devant la relance du virus dans le pays en ce mois de mars. Toutefois, parmi leurs confrères, ceux-ci ont aussi des détracteurs qui mettent en avant une donne radicalement nouvelle articulée autour de l'immunité collective et de l'expérience accumulée.

Des chiffres éloquents

Certes, dès dimanche sur le site du Parisien, le ministre de la Santé Olivier Véran, a tenu à montrer que le regain du Covid-19 dans l'Hexagone n'était pas pour le surprendre et que tout, au fond, était sous contrôle: "On s’attend à voir monter les contaminations jusqu’à fin mars, avant une décrue en avril". Mercredi soir, sur M6, Emmanuel Macron lui-même a justifié:

"On a maintenu le masque dans les transports parce qu’on est tassé, on a même maintenu le pass sanitaire dans l’hôpital, on a lancé une campagne de rappel pour les plus fragiles. Si les choses devaient se dégrader, le président que je suis prendrait ses responsabilités pour protéger".

Les derniers chiffres, impulsés par la circulation du variant BA.2, sont cependant frappants. Mardi soir, l'agence Santé Publique France a chiffré à 180.777 le nombre de nouveaux cas enregistrés au cours des dernières 24 heures, contre 116.618 une semaine en amont. La moyenne hebdomadaire de ces infections atteint désormais 104.176 cas contre 98.928 mardi, 74.912 mercredi dernier et même 54.609 quinze jours en arrière.

Côté hôpital, l'embellie se poursuit mais la baisse du nombre de patients hospitalisés en lien avec une contamination décélère nettement: mardi, on en comptait 20.742, contre 20.919 au 15 mars. Il n'y a guère - mais cet élément de réflexion est toutefois décisif pour les soignants comme pour les autorités - que dans les unités de réanimation que l'équation continue de se simplifier, avec 1604 admis mardi soir contre 1632 la veille.

Des "FFP2 pour les personnes à risques"

Mais Yves Buisson, épidémiologiste et président de la cellule Covid-19 de l'Académie nationale de médecine, a douché cette seule perspective encourageante auprès de Franceinfo ce mercredi, prévoyant une immanquable remontée de l'affluence dans ces unités critiques: "Ça va arriver. On sait bien qu'il y a un décalage entre les infections, les contaminations et malheureusement, la survenue de formes compliquées", a-t-il expliqué.

Quant à savoir si la France s'est un peu précipitée pour enlever le textile de son nez, ça ne fait pas un pli du point de vue de l'épidémiologiste. "Incontestablement", a-t-il répondu, exhortant: "La pandémie n'est pas finie et il faut continuer de respecter les gestes barrières et le port du masque partout où c'est nécessaire, surtout pour les personnes à risques. Elles doivent continuer de se protéger".

Une situation lui paraît particulièrement sensible, a encore précisé Yves Buisson auprès de Franceinfo: "Il faut maintenant changer la doctrine. Le port du masque obligatoire dans l'espace public, c'était pour protéger les autres. Maintenant que tout le monde a enlevé le masque, il faut que les personnes à risque portent un masque de type FFP2, qui les protège elles".

Mauvaise note auprès de l'OMS

Le scientifique s'inscrit ici dans le sillage dessiné la veille par l'OMS. Lors d'une conférence de presse tenue en Moldavie, le patron de sa branche européenne, Hans Kluge, a d'abord listé une noria de mauvais élèves: "Les pays où nous observons une hausse particulière sont le Royaume-Uni, l'Irlande, la Grèce, Chypre, la France, l'Italie et l'Allemagne". Après avoir fait le tour du fond de la classe, il a laissé son appréciation: "Ces pays ont levé les restrictions brutalement de 'trop' à 'pas assez'".

C'est d'ailleurs par l'école que le masque fait une (timide) rentrée anticipée ces jours-ci: certains établissements de Brest et d'Antibes ont ainsi demandé aux élèves de le porter à nouveau au vu des tendances virales locales - une possibilité d'ailleurs prévue par le protocole sanitaire.

Ligne de crête

On pourrait croire le compte-à-rebours enclenché. La France, cernée par la désapprobation des institutions internationales, sa politique de santé conspuée par ses épidémiologistes, réintroduisant déjà le masque dans ses écoles, n'aurait plus qu'à en généraliser le port à nouveau - et pourquoi pas la présidentielle passée.

Sauf qu'aucun consensus scientifique ne se dégage en la matière. Lundi, sur notre antenne, Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Tenon à Paris, a ainsi estimé que l'affaire devait désormais se jouer autour du bon sens de chacun: "On a un discours politique qui dit: ‘On enlève tout' (…) et des campagnes du ministère de la Santé et de Santé Publique France qui vous disent: ‘Il faut continuer à protéger les plus fragiles, à mettre son masque si on est soi-même fragile’, ça renvoie à des responsabilités individuelles."

Optimisme rationnel

D'autres se font plus tranchants. "Le virus est là pour toujours, pourtant, nous ne pouvons pas vivre toujours sous contrainte", a par exemple énergiquement plaidé Bruno Lina, virologue et membre du Conseil scientifique, dans la dernière livraison du JDD. "En revanche, chacun d’entre nous peut continuer à le porter dans les lieux clos ou bondés pour se protéger et protéger les plus fragiles", a-t-il cependant rappelé.

Le virologue a d'ailleurs pris soin de souligner que son optimisme - il est allé jusqu'à confier à l'hebdomadaire que "la situation devrait rester maîtrisée" - avait quelques arguments pour lui:

"En deux ans de pandémie, l’environnement dans lequel circule le virus a changé. Nous savons prendre en charge les patients atteints de Covid-19 et prévenir les complications grâce aux traitements préventifs. Et surtout, même si elle reste imparfaite, l’immunité collective induite par les vaccinations ou les infections passées nous protège contre les formes graves".

Une expérience qui n'empêche donc pas les flambées statistiques mais nous prémunit contre l'urgence des vagues précédentes.

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV