Plainte de l'Ordre des médecins: ce qui est reproché à Didier Raoult et Christian Perronne

Le Pr Didier Raoult (gauche) et le Pr Christian Perronne (droite) - BFMTV
En plus d'ébranler les peuples du monde entier, la pandémie de Covid-19 aura profondément alimenté la controverse scientifique. Les plaintes déposées par le Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) à l'encontre de Didier Raoult et de Christian Perronne en sont une illustration. Il s'agit de six plaintes distinctes décidées lors d'une session du CNOM, suivie d'un vote le 10 décembre dernier.
S'agissant du Pr Raoult, la plainte fait suite à celle d'une société savante d'infectiologie, la SPILF. Elle avait été initiée en juillet dernier devant le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'Ordre des médecins. Le CNOM a décidé de s'associer à cette plainte. Les médecins visés vont passer devant une chambre disciplinaire, c'est-à-dire l'instance juridique de cette profession réglementée.
Peu de détails du contenu des plaintes sont connus à ce jour. Il apparaît néanmoins, selon l'un des membres dirigeants du CNOM interrogé récemment par Marianne, qu'un "nombre élevé d'expressions a dérogé aux règles de la communication attendue, mesurée, de la part des médecins".
Hydroxychloroquine
La plainte initiale reprochait au microbiologiste marseillais, en plus de l'usage de l'hydroxychloroquine, des propos infondés sur l'épidémie, des déclarations peu confraternelles, ou encore une possible illégalité de ses essais cliniques. Cette dernière question fait l'objet d'une enquête de l'Agence du médicament.
Selon le CNOM, ces agissements violeraient plusieurs articles du code de déontologie de l'Ordre des médecins. La plainte vise en particulier le non-respect de l'article 13 du code de déontologie. "Lorsque le médecin participe à une action d'information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu'en soit le moyen de diffusion, il doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public", peut-on y lire.
"Il doit se garder à cette occasion de toute attitude publicitaire, soit personnelle, soit en faveur des organismes où il exerce ou auxquels il prête son concours, soit en faveur d'une cause qui ne soit pas d'intérêt général", est-il également écrit dans cet article.
La plainte a été adressée à la chambre disciplinaire de première instance de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Il est possible qu'elle fasse l'objet d'une demande de dépaysement judiciaire.
Propos fracassants
Le Pr Christian Perronne est quant à lui visé par une procédure qui fait suite à ses déclarations fracassantes du 15 juin. Ce jour-là sur BFMTV, le chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Raymond Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine) entame une tournée médiatique pour défendre son livre-réquisitoire sur la gestion de la crise du sanitaire, Y a-t-il une erreur qu'ILS n'ont pas commise?.
Il assure alors que l'hydroxychloroquine aurait permis d'éviter 25.000 morts si elle avait été prescrite plus massivement en France. Il accuse aussi le CHU de Nantes d'avoir "laissé crever (son) beau-frère".
"On a eu 30.000 morts en France, j’ai honte pour notre pays. Sur ces 30.000, on aurait pu en éviter 20.000 voire 25.000", déclare Christian Perronne.
Après ces propos, le CNOM avait demandé au Conseil départemental des Hauts-de-Seine de s'en emparer et de convoquer le Pr Perronne. En octobre, le Conseil départemental a annoncé qu'il ne donnerait pas suite. Le CNOM a donc décidé de s'en emparer.
Perronne déchu de ses fonctions
Par ailleurs jeudi dernier, l'Assistance publique–Hôpitaux de Paris (AP-HP) a annoncé que son directeur général avait mis fin aux fonctions exercées par Christian Perronne à l'hôpital de Garches. L'établissement a également indiqué avoir déposé plainte auprès du Conseil départemental des Hauts-de-Seine de l’Ordre des médecins.
"Depuis plusieurs mois, dans un contexte de crise sanitaire, le Pr Christian Perronne a tenu des propos considérés comme indignes de la fonction qu’il exerce. Le collège de déontologie avait été saisi et l’avait souligné dans un avis qui avait été remis à l’intéressé qui n’en a pas tenu compte. Ses propos les plus récents avaient conduit le président de la conférence des doyens d’Île-de-France à engager la démarche de retrait d’agrément pour la formation des internes", peut-on lire dans le communiqué de l'AP-HP.
Parmi les autres médecins visés, il y a le Pr Henri Joyeux, les Dr Nicole Delépine, Nicolas Zeller et Hélène Rezeau-Frantz, qui ont également tenu des propos décriés sur l'hydroxychloroquine. Avant la crise du Covid-19, le délai moyen d'instruction d'une plainte ordinale était de dix mois. Il est donc probable que ce processus prenne davantage de temps. Les peines envisageables vont de l'avertissement à la radiation.