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Pilules abortives: des tensions d'approvisionnement "en voie d'être résolues" à Lille et en région parisienne

Le misoprostol est un des deux médicaments nécessaire à la réalisation d'une IVG médicamenteuse

Le misoprostol est un des deux médicaments nécessaire à la réalisation d'une IVG médicamenteuse - Anna Moneymaker / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Des associations pointent les tensions d'approvisionnement en région parisienne et à Lille que connaît un médicament nécessaire pour mener une IVG médicamenteuse. L'ANSM assure que ces tensions sont "en voie d'être résolues".

Que se passe-t-il avec les pilules abortives en France? Dans un communiqué publié le 13 avril sur son site, l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament affirmait que des "ruptures et pénuries" de pilules abortives étaient constatées sur le terrain par des associations, des médecins et des sages-femmes. En cause, le misoprostol, un des deux médicaments à prendre lorsqu'on a recours à une interruption volontaire de grossesse médicamenteuse.

L'association qui promeut la transparence dans le secteur du médicament alertait particulièrement dans un tweet du 14 avril sur les pharmacies à Lille et "différents endroits en région parisienne".

Le Planning familial partage ce constat. À Lille, actuellement, "il n'y a pas un accès fluide" à ce médicament, alors qu'"on ne peut pas dire à une femme, 'revenez dans quinze jours', ce n'est pas possible ça", a affirmé mardi à BFM Lille Véronique Sehier, membre du conseil d'administration du Planning familial de la ville.

Dans un tweet publié mardi, la Ligue des droits de l'Homme s'est alarmée "de la pénurie de pilules abortives qui constitue une entrave pour l'accès à l'avortement, un droit fondamental qui doit être sécurisé, gratuit et universel". En 2021, 76% des IVG réalisées étaient médicamenteuses, selon une étude de la Drees, la direction des études du ministère de la Santé, publiée en septembre 2022.

Des retards de fabrication de Nordic Pharma

D'où vient cette situation? L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) explique à BFMTV.com avoir été informée par le laboratoire Nordic Pharma en fin d'année 2022 de "retards de fabrication" pour son médicament utilisé pour les IVG Gymiso. Nordic Pharma est l'entreprise qui commercialise les deux médicaments à base de misoprostol autorisés dans les IVG médicamenteuses en France.

"Ce retard a entraîné une perturbation de la couverture des besoins en Gymiso, estimée à hauteur de 20%, qui a conduit à un report d’utilisation vers Misoone", le deuxième médicament à base de misoprostol utilisé pour les IVG médicamenteuses. Dans le cas du Misoone, "un retard d’approvisionnement en matière première" est "venu s'ajouter" à la hausse de la demande, aggravant la tension d'approvisionnement, développe l'établissement dépendant du ministère de la Santé.

Une production trop concentrée?

Pour l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, cette situation montre bien le problème des "monopoles conférés par les brevets". Ils permettent à leurs détenteurs "de concentrer la production des pilules dans un nombre très restreint de sites, que l’opacité entourant la chaîne pharmaceutique rend difficile à évaluer précisément", selon l'Observatoire.

L'association pointe aussi, dans un communiqué publié mardi, le fait qu'en mai 2020 déjà, une note du Haut conseil à l'égalité mentionnait le fait que "la production des médicaments utilisés pour les IVG médicamenteuses est dans les mains d’un seul producteur, le groupe Nordic Pharma, avec des risques de rupture de production et d’approvisionnement et de pression sur les prix".

Des tensions "en voie d'être résolues", selon l'ANSM

L'ANSM affirme que des mesures ont été prises dès que des difficultés d'approvisionnement ont été mises au jour. Elle cite par exemple un "contingentement" mis en place "pour gérer au mieux les stocks de Gymiso et Misoone disponibles" et l'interdiction rapide d'exportation de ces médicaments par les grossistes.

"Ces tensions sont en voie d’être résolues avec la distribution de plusieurs dizaines de milliers de boîtes de Gymiso la semaine dernière et de Misoone à partir de cette semaine", explique l'ANSM. Elle ajoute que pour "consolider" les approvisionnements, une importation de "la spécialité Misoone italienne est également en cours".

L'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament déplore de son côté un manque d'information sur "les modalités de ce contingentement, sur l’état des stocks et leur évolution". Il dénonce aussi l'absence de réponse pendant plusieurs semaines des administrations concernées par ce dossier (ANSM, Agences régionales de Santé, Direction générale de la Santé, Direction générale de l’Organisation des soins).

Lundi, la vice-présidente PS du Sénat, Laurence Rossignol, a déclaré avoir "saisi" le ministre de la Santé, François Braun, sur la question. Dans son courrier publié sur Twitter, elle lui demande: "quelles solutions comptez-vous mettre en œuvre pour garantir aux femmes la liberté de choisir leur méthode de contraception, comme leur garantit le code de la santé publique?" Le ministre n'a pas encore publiquement réagi.

Sophie Cazaux