Pesticides: les personnes vivant près de vignes surexposées, confirme une étude

Un tracteur traite des vignes avec des pesticides et fongicides à Frontignan, le 7 mai 2025 - Photo par NICOLAS GUYONNET / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Des résultats inédits au niveau national. L'étude PestiRiv conduite par Santé publique France et l'Anses et dévoilée ce lundi 15 septembre conclut que les personnes vivant près de vignes sont plus exposées aux produits phytopharmaceutiques que celles vivant loin des cultures.
Cette étude, "inédite par son ampleur", a été réalisée en 2021-2022 dans 265 zones viticoles et non viticoles, avec 56 substances mesurées dans l'air extérieur, l'air et les poussières à l'intérieur des habitations, et dans l'urine et les cheveux des participants.
1.946 adultes et 742 enfants y ont participé, dont une partie vivait à moins de 500 mètres de vignes, et l'autre à plus de 1.000 mètres de toute culture. Les substances recherchées couvrent trois grandes familles de produits phytopharmaceutiques utilisés pour le traitement des vignes : fongicides, insecticides et herbicide.
Des augmentations jusqu'à 1.000%
Pour les urines, les poussières et l’air ambiant, les niveaux de contamination en zones viticoles sont plus élevés qu’en zones éloignées de toute culture. Par exemple, l’augmentation de l’imprégnation urinaire est comprise entre 15% et 45% tandis que l’augmentation de la contamination des poussières varie selon les substances de quelques pourcents à plus de 1.000 %.
Pour les cheveux et l’air intérieur, les pesticides recherchés sont aussi plus fréquemment présents dans les échantillons recueillis en zones viticoles par rapport à ceux des zones éloignées de toute culture.
Comment expliquer de tels taux d'exposition? Selon l'Anses et Santé publique France, les substances épandues par les viticulteurs peuvent se disperser "au-delà des zones traitées par des phénomènes de dérive, sous forme de gouttelettes au moment de l'application des produits, ou de réenvol d'une fraction de produits volatilisée après application".
Les risques sanitaires pas évalués
Pour limiter les expositions des riverains des cultures, les deux agences incitent à "intervenir sur la source même des contaminations". Elles recommandent donc de "réduire les traitements au strict nécessaire et de minimiser leur dispersion en s'appuyant notamment sur une mise en œuvre ambitieuse de la stratégie Ecophyto 2030".
Les données de PestiRiv livrent des informations importantes "pour objectiver l’exposition aux pesticides en zones viticoles, la quantifier et identifier les facteurs sur lesquels agir pour la réduire", précisent les agences. Toutefois, "elles ne fournissent pas d’information sur l’état de santé des populations et elles ne permettent pas non plus, à elles seules, de déterminer les risques sanitaires associés aux expositions".
Rapportée à la surface, la vigne figure parmi les cultures les plus traitées, avec la pomme ou certaines fleurs. En 2019, 18 traitements en moyenne (substances permises en bio incluses) lui étaient appliqués, selon le ministère de l'Agriculture. C'est moins qu'en 2016 (20), mais la météo favorable cette année-là peut avoir aidé, souligne le ministère.
Distance de dix mètres entre vignes et résidences
Depuis 2020, la loi fixe à dix mètres la distance minimale à respecter entre résidences et zones d'épandage sur la vigne. L'ONG Générations futures, après des mesures de résidus dans l'air, prône 150 mètres.
Alors que les impacts sanitaires des pesticides sont mieux connus, et après la médiatisation de plusieurs cas (dans une école girondine en 2014 ou en zone arboricole dans le Limousin), des chartes départementales de "bon voisinage" ont été signées entre syndicats agricoles et Etat.
Mais des associations locales ont dénoncé l'absence de concertation sur ces textes. La justice, saisie par Générations futures, les a retoqués, jugeant insuffisante l'information préalable des riverains aux épandages. L'Etat s'est pourvu en Cassation.
La vigne, venue indemne du Moyen-Orient il y a des siècles, est une plante très vulnérable depuis l'arrivée du mildiou et de l'oïdium des États-Unis au XIXe siècle. La lutte contre ces deux champignons constitue la principale préoccupation des viticulteurs: les traitements qu'ils utilisent sont à 80% des fongicides.