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"Pas sûr que cette stratégie soit la bonne": les biologistes sceptiques face aux nouvelles règles d'isolement

Analyse d'un test antigénique à Saint-Denis, le 21 janvier 2021

Analyse d'un test antigénique à Saint-Denis, le 21 janvier 2021 - THOMAS SAMSON © 2019 AFP

Annoncé par le ministre de la Santé Olivier Véran ce week-end, un nouveau protocole relatif à l'isolement des personnes atteintes du Covid-19 et leurs contacts est entré en vigueur ce lundi 3 janvier.

Changement de taille dans les règles d'isolement et de dépistage des personnes atteintes du Covid-19 ou ayant été en contact avec une personne contaminée. Ce lundi, conformément à ce qu'à annoncé Olivier Véran dans le JDD dimanche, un nouveau protocole entre en vigueur.

Désormais, les règles d'isolement seront - sous conditions - allégées, et identiques "quel que soit le variant", selon le ministre de la Santé. Par exemple, les plus de 12 ans pleinement vaccinés pourront n'être isolés que 5 jours, sous réserve d'avoir effectué un test PCR ou antigénique négatif et d'être sans symptômes depuis plus de 48 heures. Sans test, il faudra patienter pendant 7 jours. Ces règles sont les mêmes pour les enfants de moins de 12 ans, vaccinés ou non.

Pour les plus de 12 ans non vaccinés en revanche, l'isolement pourra être rompu au bout de 7 jours avec un test négatif et absence de symptômes depuis 48 heures, ou 10 jours sans test.

"C'est un gros pari"

Pour les personnes ayant été en contact avec quelqu'un porteur du virus, l'isolement n'aura plus lieu d'être si l'on est pleinement vacciné, tout en respectant les gestes barrières. Un test, PCR ou antigénique, devra être immédiatement réalisé, suivi d'autotests "à J+2 et J+4", fournis gratuitement en pharmacie sur présentation du premier dépistage.

Pour les cas contacts non-vaccinés ou pas encore complètement, il faudra encore s'isoler pendant 7 jours, avec un test PCR ou antigénique à la clef. Un nouveau protocole qui entre en vigueur à la faveur d'une très forte dynamique épidémique, alors que plusieurs records de contaminations ont été battus ces derniers jours avec le variant Omicron. Variant dont on commence à esquisser les contours, et qui serait moins virulent, mais plus contagieux que son prédécesseur Delta.

"L'intérêt, il est sociétal et économique, il ne faut pas se voiler la face. C'est clair que médicalement parlant, oui c'est un gros pari. C'est des règles qui sont vraiment assouplies par rapport à avant. On a déjà énormément de contaminations, il y a pas mal de trous dans la raquette dans la stratégie actuelle", estime auprès de BFMTV.com Lionel Barrand, président du syndicat Les Biologistes médicaux.

Le gouvernement "fait le pari que les gens sont majoritairement vaccinés et que les cas sont moins graves", ajoute le biologiste. "Je ne suis pas sûr que cette stratégie soit la bonne, mais on peut essayer", concède toutefois Lionel Barrand.

Les labos "déjà débordés"

Sur le plan des ressources humaines, François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes, estime que la situation va se tendre car les laboratoires sont "déjà débordés". "On nous rajoute, pour une raison économique de retour au travail, de faire des tests complémentaires", juge le biologiste auprès de BFMTV.com.

"Quand vous êtes vacciné, vous allez avoir un dépistage à 5 jours, ça va faire revenir beaucoup de gens dans nos labos avec beaucoup de gens qui seront encore positifs", juge François Blanchecotte. "On sait nous que quand vous êtes positifs, souvent, 5 jours ou 7 plus tard, vous portez encore le virus, ça va nous donner du travail en plus."

Une opinion partagée par Lionel Barrand, qui voit en ce délai de 5 jours un temps très court. "Quasiment toutes les PCR sont positives au bout de 5 jours donc je ne vois pas l'intérêt. En plus, est-ce qu'on peut être contagieux au bout de 5 jours avec une PCR négative? Ce n'est pas impossible", pointe-t-il.

"Pour moi, à partir du moment où on a un test positif, parce que parfois la PCR peut rester positive pendant des semaines et des mois, c'est de l'ARN mort. Ce qui est important dans ces cas-là c'est la clinique, les symptômes. C'est clair que si on a de la fièvre il faut continuer à faire attention, mais faire un test PCR pour dire que l'on sort de l'isolement, je ne pense pas que ce soit une bonne idée", tranche Lionel Barrand.

Le biologiste se déclare favorable à une durée fixe d'isolement: "Pour moi, un test biologique ne permet pas de dire si la personne est contagieuse ou non, mais si elle est atteinte ou non", précise le médecin. "Pour moi, c'est une mauvaise utilisation des tests", complète-t-il.

L'autotest, "une arme à double tranchant"

Le recours aux autotests, déjà utilisés, va s'intensifier, particulièrement pour les cas contacts pleinement vaccinés, qui devront en effectuer un deux jours après leur déclaration comme cas contact, puis quatre jours après. Les enfants de moins de 12 ans sont également soumis à ce régime. Une évolution qui pose notamment la question du suivi épidémiologique, mais aussi de leur fiabilité.

"Le PCR, c'est le plus fiable, avec 90-95% de sensibilité", rappelle Lionel Barrand. Vient ensuite le test antigénique, fort de "65% de sensibilité", ajoute le médecin. Sauf que "on ne pourra pas utiliser un PCR pour 65 millions de Français tous les jours", pointe Lionel Barrand. "L'autotest, c'est un test antigénique, donc les performances ne peuvent pas être meilleures" et peuvent être "probablement" en dessous de 50%, selon lui.

Toutefois, "faire des autotests parce qu'on ne peut pas faire de PCR à tout le monde, pourquoi pas, si on les fait plus souvent", conditionne Lionel Barrand. "Un autotest ne sert à rien tout seul. L'autotest est intéressant pour la répétition", corrobore François Blanchecotte. "C'est pour ça qu'ils les distribuent en demandant que les gens le fassent à deux jours, à quatre jours", poursuit-il.

Des "semaines difficiles"

"C'est une arme à double tranchant, les performances sont médiocres voire mauvaises, mais ça peut être une arme utile à condition de bien l'utiliser", complète Lionel Barrand.

Concernant les délais d'isolement différents selon le statut vaccinal - ils sont désormais de 7 jours minimum pour les non-vaccinés et de 5 jours minimum pour ceux présentant un statut complet. François Blanchecotte y voit "un moyen comme un autre de contraindre les gens" à se faire vacciner.

"Les vaccinés comme les non-vaccinés peuvent être atteints du Covid et le transmettre. La différence, c'est juste qu'il y en a qui se retrouvent plus souvent à l'hôpital que les autres", juge pour sa part Lionel Barrand.

Vendredi, dans ses voeux aux Français, le président de la République Emmanuel Macron avait mis en garde contre des "semaines difficiles" sur le plan sanitaire, mais a aussi émis que "2022 sera(it) peut-être l'année de sortie de l'épidémie".

Clarisse Martin Journaliste BFMTV