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Limitation du 1er arrêt maladie à 15 jours: "l'agacement" des médecins généralistes après les annonces du gouvernement

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La ministre du Travail et de la Santé Catherine Vautrin a annoncé, samedi 26 juillet, sa volonté de réduire les dépenses de santé en coupant notamment dans les arrêts-maladies. Pour des professionnels de santé et des associations de patients, la pilule ne passe pas.

Dans le viseur du gouvernement pour réduire ses dépenses: la santé. Après la présentation d'un de redressement des finances publiques par François Bayrou le 15 juillet dernier, la ministre du Travail et de la Santé Catherine Vautrin a précisé dans un entretien au Monde ses pistes pour limiter les dépenses.

L'une des mesures phares concerne les arrêts-maladie, dont elle souhaite limiter la durée lors de la première prescription par les médecins généralistes. "Nous souhaitons limiter tout premier arrêt de travail prescrit en médecine de ville à 15 jours – il n’y a aujourd’hui pas de durée maximale", indique la ministre dans cet entretien.

Cette idée de piste, qui s'inscrit plus largement dans une coupe à hauteur de 5,5 milliards, a fait bondir les spécialistes. "C'est un rabotage à tous les étages, est-ce que notre système de santé est dans un état qui le justifie? Évidemment que non. Notre système de santé est dans une crise profonde car il est inadapté à son environnement", a estimé sur BFMTV Frédéric Bizard, économiste spécialiste de la santé et professeur à l'ESCP.

"Je pense qu'on se trompe de piste"

Du côté des soignants, on note un non-sens sur le plan médical. "La ministre Catherine Vautrin ne semble pas savoir que les recommandations Haute autorité de santé pour un certain nombre de pathologies sont à trois semaines ou plus. Et que ce sont ces durées qui sont suggérées sur EspacePro quand on fait un arrêt de travail en ligne", note sur X Richard Talbot, trésorier de la Fédération des médecins de France.

"Je pense qu'on se trompe de piste, on sait et la Cnam (Caisse nationale de l'Assurance maladie, NDLR) l'a rappelé dans son rapport, ce sont les arrêts longs qui posent problème, ce sont ceux qui vont coûter le plus en termes de dépenses d'indemnités journalières, donc c'est sur ces vecteurs-là qu'il faut agir", a également avancé sur BFMTV Fabienne Yvon, déléguée générale du syndicat MG France, qui représente les médecins généralistes.

"Si les parents sont arrêtés plus longtemps, c'est qu'il y a une réalité derrière et une justification médicale", a-t-elle encore avancé.

"Mettre fin à des abus", vraiment?

Dans son entretien au journal Le Monde, la ministre Catherine Vautrin avance notamment la nécessité de "mettre fin à des abus" sur la question des arrêts. "Pour rappel, les contrôles qui ont été exécutés sur les arrêts-maladie de plus de dix-huit mois ont montré que, pour 50% d’entre eux, ces arrêts n’étaient plus justifiés", indique Catherine Vautrin.

Quelle est l'ampleur du phénomène? En 2024, l'Assurance Maladie a détecté et stoppé une petite somme de 42 millions d'euros de fraudes liées aux arrêts de travail, sur une enveloppe globale de 16 milliards.

Par ailleurs, selon le docteur Yohan Sannac, vice-président de MG France, le chiffre avancé sur les arrêts "plus justifiés" est inexact. "Nous avons reçu ça avec agacement, on a encore retrouvé les éléments de langage le fait qu'un arrêt de travail sur deux de plus de 18 mois serait totalement abusif, c'est profondément faux", a-t-il dénoncé sur BFMTV. Il explique que parmi les personnes dont l'arrêt n'était plus justifié, "une partie est partie sous le régime d'invalidité", leur état de santé était jugé trop préoccupant.

"On a déplacé la dépense, mais ces gens n'ont pas disparu et sont malades", a-t-il répondu à la ministre.
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La poussée des dépenses décriée par Thomas Fatôme, le directeur général de la Cnam, reste toutefois principalement causée par d'autres facteurs que les "abus", comme l'expliquait un rapport de la Cnam elle-même.

Ce phénomène de multiplication des arrêts "s'explique par de nombreuses situations et notamment le mal-être au travail et le manque de reconnaissance; le manque réel ou perçu de perspectives professionnelles; le vieillissement de la population salariée qui induit une augmentation du nombre de salariés malades au cours de leur carrière, le désengagement de certains salariés qui recourraient de manière abusive aux arrêts de travail", explique-t-elle.

Pour Magali Leo, coordinatrice de MoiPatient, une fédération d'association de patients, le principal effet de ces changements risque d'être une "pression nouvelle qui va peser sur les salariés malades", contraints de multiplier les rendez-vous chez ces professionnels de santé.

Tom Kerkour