"Les cabinets sont toujours pleins": depuis le Covid-19, les psys de plus en plus sollicités

(Photo d'illustration) - Le nombre de consultations chez les psychologues et psychiatres est en forte augmentation depuis la crise sanitaire du Covid-19 - Olivier Douliery / AFP
Dès février 2021, le psychiatre Serge Hefez alertait sur une "vague psychiatrique": "il y a une demande énorme des services de psychiatrie, de psychologie", déclarait-il sur BFM Paris. Depuis le début de la crise sanitaire, de nombreux professionnels pointent en effet du doigt une dégradation de la santé mentale des Français, notamment due à la crise sanitaire du Covid-19, qui a entrainé une augmentation importante du nombre de consultations.
"On ne dispose pas de chiffres exacts, mais on a clairement une augmentation du nombre de consultations depuis l'automne 2020", déclare à BFMTV.com Thierry Toussaint, secrétaire général de l'AFPEP-SNPP (Association française des psychiatres d'exercice privé - Syndicat national des psychiatres privés). Et "oui, je pense que l'on peut dire que c'est lié à la crise sanitaire".
"Ce qui remonte c'est que les cabinets sont toujours pleins", abonde auprès de BFMTV.com Patrick-Ange Raoult, secrétaire général du Syndicat national des psychologues.
Troubles anxieux, insomnies, dépressions...
Le site de prise de rendez-vous en ligne Doctolib note, dans une étude concernant sa propre plateforme fin juin, "une progression importante de l’activité des professionnels de la santé mentale" l'année dernière "avec notamment deux signaux importants: des consultations chez les psychologues qui ont plus que doublé en 2021 (+102% en un an) et une forte hausse des consultations chez les psychiatres (+32% en un an)".
"On a vu une augmentation du nombre de troubles anxieux, des insomnies, des troubles dépressifs et de l'épuisement professionnel", confirme auprès de BFMTV.com Gladys Mondiere, psychologue et présidente de la Fédération française des psychologues et de psychologie (FFPP).
Ce mal-être croissant suivant les premières vagues de l'épidémie a été documenté par Santé publique France, qui expliquait en mars dernier que "la propagation du virus s’est accompagnée d’une montée de l’inquiétude face à l’infection et de la mise en place de mesures restrictives sur le plan social, dimension essentielle du bien-être".
D'autre part, "l'’isolement, la baisse d’activité physique, l’augmentation du stress, l’ennui, l’organisation du travail à domicile couplée à la gestion de la vie familiale… sont autant de facteurs qui peuvent avoir un impact sur la santé mentale."
Maurice Bensoussan, président du Syndicat des psychiatres français, souligne que l'augmentation du nombre de consultations date d'avant le Covid-19, mais que "l'épidémie est venue aggraver la situation" et qu'il est désormais "difficile de répondre à l'ensemble des demandes de soin".
"Beaucoup de jeunes adultes et d'ados" en consultation
Tous notent l'arrivée de nouveaux patients dans leurs cabinets après la crise sanitaire. Thierry Toussaint souligne la présence de "beaucoup de jeunes adultes et d'adolescents, qui ont été très affectés dans leur vie sociale" par les restrictions sanitaires. "Il y a des gens dont le quotidien a été complètement changé et cela les a fragilisés."
"Les jeunes de 18-35 ans consultent plus, il y a quelque chose de moins tabou pour eux", abonde Gladys Mondiere. "Les trentenaires qui vivent seuls et qui avaient l'habitude d'avoir une vie sociale importante ont pu ressentir un mal-être important".
Les données de Doctolib soulignent également que la part des rendez-vous pris chez les psychologues et psychiatres en 2021 a augmenté chez les 0-34 ans, et notamment chez les 18-24 ans. Ils "représentaient 13,3% des rendez-vous chez le psychologue en 2020 contre 15,1% en 2021", précise la plateforme.
"Banaliser la consultation est une bonne chose"
Après les alertes des professionnels sur la détérioration de la santé mentale des Français, le gouvernement a annoncé des mesures de remboursement des séances chez le psychologue. Une campagne de communication nationale, titrée "en parler c’est déjà se soigner", a été lancée courant 2021 pour appeler les personnes ressentant un certain mal-être à s'en ouvrir à leurs proches ou à un médecin.
"Tout ce qui pousse à banaliser la consultation est une bonne chose, mais il faudra plus qu'une campagne pour changer les mentalités", déclare Thierry Toussaint.
Pour Patrick-Ange Raoult, "il y a bien une demande psychologique qui s'est ouverte et banalisée", mais il s'agit pour lui d'un "mouvement plus général depuis quelques années".
La population "est sortie de la représentation que faire une consultation psychologique c'était être fou, le Covid-19 a accéléré ce mouvement".
"La stigmatisation de la santé mentale est encore importante, mais j'ai l'impression que cela bouge", explique Gladys Mondiere. Selon elle, le nombre de consultations pourrait de nouveau diminuer une fois que la crise sanitaire sera passée, "mais il est possible qu'on arrive à un niveau plus élevé qu'auparavant car les gens consulteront plus facilement".
