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Le Covid-19 issu d'un laboratoire en Chine? L'Académie de médecine juge l'hypothèse "soutenue par un faisceau de faits et d'arguments"

Virus du Covid-19 isolé (Image d'illustration)

Virus du Covid-19 isolé (Image d'illustration) - Handout / National Institute of Allergy and Infectious Diseases / AFP

Un rapport sur les origines du Covid-19 a été partagé ce mercredi 2 avril à l'occasion d'une conférence de presse. Si les auteurs de l'Académie de médecine jugent qu'il n'existe à ce stade aucune réponse définitive à la question de l'origine précise du virus, un nombre supérieur de preuve laisse supposer une chaîne d'événements d'origine humaine.

Cinq ans après, l'Académie nationale de médecine livre le bilan de ses connaissances sur les origines du Covid-19. Ce mercredi 2 avril, à l'occasion d'une conférence de presse, l'organisme a partagé les conclusions d'un rapport dédié à l'issue d'une enquête en profondeur.

"Cinq ans après le début de la pandémie, l'origine du virus reste toujours une énigme. L'hypothèse de l'origine naturelle reste opposée à celle d'un virus modifié qui se serait échappé du laboratoire du Wuhan en Chine, un laboratoire spécialiste des recherches sur les coronavirus", a déclaré en préambule la virologue Christine Rouzioux, une membre de l'académie.

Pas d'annonce tonitruante dans les lignes du rapport. Aucune preuve claire ne peut permettre d'exclure l'une des hypothèses, ou de certifier la véracité de l'autre. Mais en l'état actuel de nos connaissances, davantage d'éléments étayent la thèse d'un accident, d'une fuite de laboratoire, alors que le laboratoire de Wuhan pouvait procéder à de l'édition génétique de virus.

"Il y a plus d'arguments pour la deuxième hypothèse (d'origine humaine, NDLR) que la première", a mentionné Christine Rouzioux aux côtés de Jean-François Delfraissy (président du Comité consultatif national d'éthique) et Patrick Berche, biologiste spécialiste des fuites de laboratoire, ajoutant:

"Plusieurs enquêtes ont été effectuées par les États-Unis. Elles ont montré un point important: des expériences d'insertion de séquence dans des virus faisaient l'objet d'un programme de recherche (...) les travaux avaient déjà commencé à Wuhan".

"Ceux qui soutiennent la thèse de l'accident ne sont pas des complotistes"

Cette hypothèse est d'ailleurs celle privilégiée par les services de renseignement américains - avec un contexte géopolitique qui permet aussi de s'interroger sur ce positionnement, notamment vis-à-vis de la Chine. Le pays d'Asie a de son côté affirmé en réponse à la CIA que cette idée était "extrêmement improbable".

"Ceux qui soutiennent la thèse de l'accident ne sont pas des complotistes. Ils cherchent simplement la vérité, il y a eu des millions de morts, il faut avoir des réponses", a tenu à souligner Patrick Berche. "Ces accidents ne sont pas fréquents mais ils existent".

Mais quelles sont ces pistes pouvant étayer l'idée d'un accident? "Un faisceau de faits et d'arguments" est mis en avant, parmi lesquels l'existence de ces recherches. Mais aussi une liste d'incidents précédents survenus au sein du laboratoire.

Par exemple, en septembre 2019, des incidents non déclarés ont touchés des membres du personnel avant qu'ils ne développent une pneumopathie. Les tubes d'analyses "ont été jetés" précise l'Académie, qui pointe qu'il n'est donc pas possible de déterminer la nature exacte de l'infection.

Cette hypothèse est aussi confortée par des incohérences dans la première théorie, celle d'une apparition naturelle. Le virus, qui aurait transité à travers plusieurs hôtes animaux avant d'arriver jusqu'à l'Homme, n'aurait qu'un nombre limité de mutations accumulées. Or de multiples passages auraient impliqué ces changements.

Une étude du CNRS publiée en septembre 2024 a pu déterminer que le SARS-CoV-2 a pour la première fois traversé la barrière de l'espèce pour infecter des humains en novembre 2019. L'animal qui nous aurait transmis ce virus appartient à une liste restreinte: la civette, le rat des bambous, le porc-épic et le chien viverrin ou "racoon dog".

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Cette étude pointait par ailleurs indirectement vers une probable origine naturelle du virus, comme l'expliquait à BFMTV.com le virologue Bruno Lina: "Nous voyons que nous avons tous les éléments qui confortent le fait qu'il s'agit bien d'une apparition naturelle du virus" transmis de l'animal vers l'Homme sans intervention volontaire ni involontaire.

Des recommandations émises par l'Académie à la lumière de ces réflexions

Intervention humaine ou terrible enchaînement naturel, l'Académie de médecine se garde de trancher formellement. Mais de ses recherches naissent de nouvelles recommandations après la mise au jour de craintes quant à ce que des recherches peu précautionneuses pourraient causer.

L'objectif est désormais de sensibiliser les établissements scientifiques et technologiques aux dangers posés par leurs travaux, alors que de nouveaux outils comme l'intelligence artificielle pourraient offrir tant d'opportunités que de menaces. "Certains chercheurs n'ont pas conscience des risques. Il peut y avoir des accidents de manipulation même dans des conditions exemplaires", appuie Christine Rouzioux.

Création de boîtes noires pour conserver les données sensibles, renforcer les échanges d'informations, accentuer les niveaux de surveillance de la circulation des virus... L'Académie nationale de médecine conseille la mise en place de garde-fous.

"En 2020 nous n'étions pas prêts. Désormais, la question n'est pas de savoir si une nouvelle pandémie peut survenir. Mais quand?", appuie la virologue, cinq ans après une crise sanitaire ayant mis le monde à l'arrêt.

Tom Kerkour