Le "bore-out", ou l'épuisement professionnel... par l'ennui
Après le burn-out, voici le bore-out. Ce syndrome très sérieux concerne les travailleurs épuisés de ne rien faire, ou affectés à des tâches inintéressantes, comme le souligne ce lundi France Info. Il peut toucher des postes ennuyeux par essence - comme les postes de surveillance - ou des postes pour lesquels l'employé est surqualifié. Enfin, le bore-out peut survenir quand le travail vient tout simplement à manquer ou lorsqu'un salarié est "placardisé".
Employée dans une imprimerie dont le carnet de commandes s'est vidé, Clémence expliquait récemment sur Rue 89 qu'elle "travaille une ou deux heures par jour. Trois heures si j'ai de la chance, mais je suis à l'imprimerie durant huit longues heures. J'en arrive à espérer la fermeture de la boîte", confiait-t-elle.
Décrit dès 2007, "le bore-out n’est pas un phénomène nouveau", confirme Jean-Claude Delgènes, directeur du cabinet d'évaluation des risques professionnels Technologia interrogé dans l'Humanité. Mais, selon lui, "il est de plus en plus utilisé comme un moyen de se débarrasser de gens sans en passer par un licenciement". "Les salariés confrontés au vide de leur activité se sentent déqualifiés", explique au quotidien Dominique Lhuilier, auteure de Placardisés, des exclus dans l'entreprise.
"Ils ne peuvent pas exercer leurs compétences, ni les entretenir, encore moins les développer. Ils ont le sentiment de rétrograder, de rétrécir. Le travail n’a plus de sens" développe la professeure en psychologie du travail.
Un phénomène vécu comme une honte
Selon le cabinet Technologia, le privé, le secteur tertiaire et la fonction publique seraient les plus touchés par ce phénomène. Les conséquences du bore-out sont sensiblement les mêmes que celles du burn-out: fatigue importante, perte de l'estime de soi, cas de dépressions graves et risques de maladies cardio-vasculaires, comme le démontrait un article de l'International Journal of Epidemiology il y a cinq ans. Sans compter que, dans une France aux 3,5 millions de chômeurs, ce mal-être au travail engendre un fort sentiment de culpabilité qui empêche souvent les travailleurs qui en sont victimes d'en parler.
"La différence entre le burn out et le bore out, c’est la honte. Avoir beaucoup de travail est dans le vent! Nous sommes dans une société qui valorise la suractivité. Celui qui au contraire n’est pas actif est honteux, il a la sensation de voler son salaire", développe Emmanuelle Rogier, psychologue du travail, auprès de Rue 89.
Alors que les élus se mobilisent pour faire reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle, le bore-out est encore peu évoqué lorsqu'on parle de maladies socio-professionnelles mais il s'agit d'un syndrome croissant dans de nombreux milieux professionnels, amplifié par la situation économique morose.