La Haute autorité de santé refuse l’approbation accélérée du médicament Leqembi contre Alzheimer en France

La Haute Autorité de santé, le 31 juillet 2014. - (IMAGE POINT FR / BSIP / AFP)
Leqembi, un nouveau traitement contre la maladie d'Alzheimer, ne sera pas remboursé dans l'immédiat en France. La Haute autorité de santé (HAS) s'est prononcée ce mardi 9 septembre contre une procédure d'approbation accélérée en France pour le Leqembi, un médicament anti-Alzheimer suscitant d'importantes attentes mais loin de faire l'unanimité quant à son intérêt clinique.
Le Leqembi (lécanémab) montre une "efficacité modeste (...) associée à un profil de tolérance préoccupant", estime cette autorité indépendante dans un avis, refusant donc une procédure "d'accès précoce" à ce traitement développé par l'Américain Biogen et le Japonais Eisai.
Un traitement controversé malgré un léger progrès médical
Ce traitement est à l'origine d'une grande controverse médicale ces dernières années. Avec un autre médicament au fonctionnement semblable, le Kisunia (donanémab) développé par Eli Lilly, ils sont les premiers depuis plusieurs décennies à démontrer un léger ralentissement dans la dégradation de l'état des patients atteints d'Alzheimer.
Une partie des spécialistes jugent que ces médicaments marquent une avancée importante contre la maladie d'Alzheimer, la plus courante des démences avec des dizaines de millions de malades dans le monde. Les associations de patients et de proches sont, elles, très majoritairement favorables à leur approbation. Mais d'autres experts estiment que les bénéfices sont trop modestes pour faire une différence pour les patients, d'autant que ces traitements sont fréquemment associés à des effets graves - des hémorragies et œdèmes cérébraux - qui peuvent être mortels.
Le Leqembi est autorisé à l'échelle de l'Union européenne (UE) depuis avril, mais les autorités sanitaires européennes avaient initialement refusé leur feu vert et ne l'ont donné ensuite qu'en restreignant l'usage aux patients les moins à risque et uniquement en début de maladie d'Alzheimer.
Un refus d'accès précoce justifié par des risques jugés trop élevés
Dans ce contexte, la HAS devait se prononcer sur le bien-fondé d'un "accès précoce" au Leqembi en France pour les patients à la maladie peu avancée. Cette procédure permet un remboursement immédiat du médicament, au prix fixé par son fabricant.
L'autorité de santé, dont les avis ne sont que consultatifs mais généralement suivis par le gouvernement, a finalement estimé que rien ne justifiait une telle approbation en urgence car elle a jugé les effets secondaires bien trop lourds et fréquents au regard de bénéfices maigres.
"Le traitement évalué n'est pas susceptible de combler un besoin médical insuffisamment couvert", tranche la HAS.
"Il y a quand même une déception"
Cet avis n'exclut toutefois pas que le Leqembi soit un jour remboursé par l'Assurance maladie. La HAS se prononcera plus tard sur une éventuelle procédure de "droit commun", qui impliquerait des négociations plus longues et complexes entre les laboratoires fabricants et les autorités sanitaires.
Mais "c'est évident qu'on ne peut pas s'attendre à une évaluation mirobolante", a prévenu Pierre Cochat, président de la commission de la transparence de la HAS. Au sein du monde médical, cette décision a suscité des réactions contrastées, entre convaincus et sceptiques du Leqembi.
"Il y a quand même une déception", admet auprès de l'AFP le chercheur Bruno Dubois, neurologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP), appelant à ne pas négliger l'intérêt de "quelques mois en plus à pouvoir parler à ses petits-enfants ou aller au théâtre".
Au contraire, "c'est la meilleure décision pour les patients atteints de la maladie d'Alzheimer et leurs familles", assure à l'AFP le psychiatre britannique Rob Howard, spécialiste du grand âge à l'University College de Londres, selon qui des données plus récentes confirment que Leqembi et Kisunla "ne modifient pas réellement la maladie".