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Île-de-France: y a-t-il d'autres solutions que le confinement pour désengorger les hôpitaux?

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La région francilienne n'est pas confinée, alors que le manque de lits en réanimation se fait sentir depuis plusieurs jours déjà.

La tension dans les services de réanimation d'Île-de-France n'a cessé d'augmenter ces derniers jours. 1177 personnes sont actuellement hospitalisées pour des cas graves, et le taux d'occupation des lits - par rapport aux capacités initiales, avant la crise - est à plus de 102%, selon les données officielles publiées ce mardi. Le Premier ministre Jean Castex a déclaré dans la soirée sur BFMTV que le moment était "venu pour envisager des dispositions pour la région francilienne", soit un potentiel confinement - le week-end ou toute la semaine.

Mais même si un confinement de la région était annoncé ce mercredi ou ce jeudi, les hôpitaux n'en verraient l'effet sanitaire que d'ici au minimum deux semaines, car les personnes infectées actuellement sont les hospitalisés de demain. Et en attendant, le nombre de patients pourrait continuer d'augmenter: invité de RTL, le patron de l'AP-HP a évoqué des prévisions pouvant aller jusqu'à 2800 malades en réanimation en Île-de-France au 6 avril, soit plus que la première vague.

Or, les moyens disponibles pour diminuer cette tension sont faibles, et les recours utilisés pendant la première vague ne pourront pas forcément être mis en place cette fois.

· Déprogrammer d'autres opérations?

Afin de faire de la place à l'hôpital, et surtout de rendre plus de soignants disponibles pour s'occuper des malades du Covid-19, l'Agence régionale de Santé d'Île-de-France a demandé la semaine dernière aux établissements de l'AP-HP de déprogrammer 40% de leurs activités médicales et chirurgicales.

Mais "les médecins sont un peu réticents à déprogrammer un certain nombre d'interventions importantes. On est à l'heure actuelle autour de 20% de déprogrammations seulement", déclare ce mercredi le docteur Alain Ducardonnet, spécialiste santé pour BFMTV.

Outre le coût en terme de santé publique, car la prise en charge de personnes malades est retardée, cette solution a un effet limité. En effet, tant que des mesures de restrictions ne sont pas prises pour endiguer la hausse de l'épidémie, les hôpitaux continueront de se remplir de malades du Covid-19, quel que soit le pourcentage de déprogrammations.

· Mobiliser les soignants d'autres régions?

Lors de la première vague, médecins, infirmiers et aide-soignants avaient été appelés des régions de France plus préservées par l'épidémie, pour renforcer les zones sous tension. Ce personnel pourrait permettre de soulager les équipes des hôpitaux parisiens et d'ouvrir de nouveaux lits de réanimation en Île-de-France.

Mais "le personnel de province est aujourd'hui aussi surchargé", note Christophe Prudhomme, porte-parole de l'association des médecins urgentistes de France. Toutefois, "il y a des zones où on a plus de marge qu'en Île-de-France, et sur la base du volontariat, on l'avait fait au printemps dernier, on peut trouver suffisamment de personnel pour ouvrir des lits". "Ce n'est pas le choix qui a été fait, c'est une erreur monumentale", selon lui.

· Faire appel à la réserve sanitaire?

L'autre coup de main qu'avaient reçu les soignants des zones sous tension venait de la réserve sanitaire. Elle regroupe des professionnels de santé, en service comme étudiants ou retraités, et permet d'apporter un renfort dans les situations de crise. Un appel avait été lancé en octobre pour mobiliser cette réserve, présente pendant la première vague, mais les volontaires s'étaient faits moins nombreux.

Depuis quelques mois, les réservistes ne répondent en effet quasiment plus aux appels, car ils sont épuisés ou déjà occupés, explique à BFMTV Santé publique France.

· Créer des hôpitaux militaires?

Pour pallier le manque de lits, un hôpital militaire avait été installé à Mulhouse (Haut-Rhin), pendant le premier confinement. C'est quelque chose "qui met un certain temps à être mis en place", explique à BFMTV Hervé Grandjean, porte-parole du ministère des Armées, soulignant que cela mobiliserait beaucoup de personnel chez les militaires.

"Pour vous donner un exemple à Mayotte en ce moment nous avons dix lits de réanimation ouverts, cela nécessite le déploiement de cinquante personnels du service de santé des Armées", détaille-t-il. Pour celui de Mulhouse "il avait fallu à peu près une dizaine de jours pour monter cet élément".

· Et les transferts de patients?

Les transferts de patients ont permis à plusieurs reprises en un an d'épidémie de libérer des lits dans des régions arrivant à saturation au niveau hospitalier. Les évacuations depuis la région francilienne sont proposées depuis la semaine dernière, mais n'ont pas rencontré le succès escompté. Peu de patients sont en effet éligibles à l'évacuation sanitaire, et les familles refusent régulièrement de donner leur accord.

"C'est tout à fait normal que cela inquiète les familles", explique sur BFMTV Frédéric Adnet, chef du service des urgences de l'hôpital Avicenne. "Imaginez un de vos proches extrêmement malade, son pronostic vital est mis en jeu, hospitalisé en réanimation, et d'un coup on vous dit qu'il va être transporté à l'autre bout de la France pour libérer un lit. Pourtant on a besoin de ces lits pour accueillir de nouveaux patients."
Amélie Pateyron, Elise Philipps et Aurore Villemur, avec Salomé Vincendon