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Hôpitaux chargés, hausse des décès... Pourquoi le virus de la grippe est-il si virulent cette année?

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L'épidémie de grippe continue de s'intensifier dans l'Hexagone, notamment chez les plus jeunes. Santé publique France déplorait mercredi 15 janvier une "activité hospitalière très élevée" et une "nette augmentation des décès".

Le virus de la grippe continue de circuler de façon importante en cette mi-janvier, alors que l'approche du pic est prévue seulement "dans une dizaine de jours", selon le ministère de la Santé. La prévalence de cette épidémie s'explique par de multiples facteurs, d'une vaccination plus faible à la cohabitation de trois types de virus de grippe différents.

"La semaine allant du 6 au 12 janvier a été marquée par une "sévérité marquée de l'épidémie", rapporte Santé publique France (SPF) dans son dernier bulletin, paru mercredi 15 janvier.

"L'épidémie de grippe cette année se caractérise par des niveaux exceptionnellement élevés de la grippe à l'hôpital et parmi les décès que l'on peut observer et qui sont certifiés électroniquement", confirme auprès de BFMTV l'épidémiologiste à la direction des maladies infectieuses de Santé publique France (SPF) Sibylle Bernard-Stoecklin.

Au point que l'épidémie est considérée comme "particulièrement sévère" et ce, "davantage que les années précédentes", note la spécialiste.

Face à l'afflux de patients, 87 établissements hospitaliers ont déclenché un "plan blanc", le dispositif permettant de déprogrammer certaines opérations ou de rappeler du personnel soignant en congé.

Trois virus grippaux différents

Pour la spécialiste, l'intensité de la grippe en ce mois de janvier s'explique d'abord par le fait que "l'épidémie était déjà très active au moment des congés de fin d'année".

Cette période, marquée par de nombreux "regroupements familiaux" et par la fermeture de nombreux cabinets médicaux pour congé, a probablement contribué à renforcer la circulation du virus début janvier.

Autre facteur notable, la "circulation des trois virus grippaux" cette année, selon l'épidémiologiste. De fait, les médecins observent la coexistence ces dernières semaines de deux virus de souche A (le H1N1 et le H3N2) en plus du virus de souche B (Victoria).

Grippe: pourquoi l'épidémie est-elle si sévère cette année?
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Or, ces virus frappent différemment les différentes classes d'âge. La présence concomitante des trois virus contribue donc à toucher un public large. Le virologue Bruno Lima a ainsi noté ces dernières semaines de nombreux patients "plus jeunes que d'habitude", mais aussi chez "les grands enfants" et chez les adultes "jusqu'à 50 ans", à l'Agence France-presse (AFP).

"La fièvre qui monte à 40, ça peut être impressionnant pour quelqu'un qui n'a pas l'habitude" et "quand il tolère mal tous ces symptômes, son réflexe est: 'J'ai besoin d'un médecin", avance pour sa part le Dr Urfan Ashraf, secrétaire général de SOS Médecins, auprès de l'AFP.

Une couverture vaccinale plus faible

Autre élément important, la couverture vaccinale. S'il n'y a pas de chiffre ferme, les premières estimations indiquent en effet que les Français ont été moins nombreux que les années précédentes à se faire vacciner contre la grippe.

"Malheureusement, la vaccination (contre la grippe) a été très mal entendue cette année", note la présidente du comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars) Brigitte Autran auprès de France inter, rappelant que c'est pourtant "la seule façon aujourd'hui d'anticiper" une forte épidémie de grippe.

Sibylle Bernard-Stoecklin remarque de son côté une "diminution de la couverture vaccinale chez les personnes qui sont à risque de forme grave de grippe".

Les soignants eux aussi peu vaccinés

Les causes de cette faible mobilisation restent incertaines pour l'heure. "Je pense que la population avait une sorte de lassitude vis-à-vis de la vaccination, croyant que la Covid était terminée. Mais en fait, la grippe persiste et la grippe persistera toujours", avance Brigitte Autran.

Le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Nicolas Revel note que cette faible mobilisation concerne aussi le personnel hospitalier.

"À date à l'AP-HP, on arrive à 19% (de personnels vaccinés), ce qui est à peu près le chiffre national", dit-il à France info.

La vaccination est fortement recommandée aux 65 ans et plus, aux immunodéprimés, aux nourrissons de plus de 6 mois atteints de comorbidités, aux femmes enceintes, aux résidents d'établissements médico-sociaux et à tous ceux qui côtoient régulièrement ces publics.

Des gestes barrière en baisse

Par ailleurs, cinq ans après les débuts de la pandémie de Covid-19, les Français ont perdu progressivement l'habitude d'adopter les gestes barrière qui permettent pourtant de prévenir efficacement la circulation du virus.

"Les patients ont moins le réflexe de porter le masque, on en voit en salle d'attente qui viennent sans masque", remarque le Dr Urfan Ashraf.

Il reste recommandé de se laver régulièrement les mains ou d'utiliser un gel hydro-alcoolique, de se saluer sans se serrer la main, de tousser ou d'éternuer dans son coude, de se moucher dans un mouchoir à usage unique et d'aérer les pièces toutes les heures, selon l'Assurance maladie.

Le "pic" pas encore passé

Par ailleurs, l'épidémiologiste souligne que "l'épidémie de grippe comporte toujours un caractère assez imprévisible". Les causes de la forte circulation du virus ne sont pas encore complètement déterminées.

Le directeur de l'AP-HP rappelle auprès de France info que "le pic" de l'épidémie reste "devant nous" en cette mi-janvier. "Il est encore temps d'aller" se faire vacciner, souligne-t-il.

Le ministère de la Santé a lui-même appelé la population à "une grande vigilance" pour "protéger les plus vulnérables", dans un communiqué paru mardi 14 janvier. La campagne de vaccination, débutée le 15 octobre, doit se poursuivre jusqu'au 31 janvier prochain.

Caroline Dieudonné avec Juliette Desmonceaux