Flambée des cas, saturation hospitalière: pourquoi la situation sanitaire est critique en Martinique

Trois semaines. Un reconfinement de trois semaines entrera en vigueur en Martinique à compter de vendredi soir. Une mesure sanitaire "de dernier ressort" selon le préfet du territoire ultra marin Stanislas Cazelles, conscient que le couvre-feu instauré il y a deux semaines n'avait pas suffit à ralentir l'épidémie."
"Nous sommes inquiets, la situation sanitaire s'aggrave et les chiffres de la Covid 19 explosent", ont assuré lors d'une conférence de presse le préfet et Olivier Coudin, le directeur adjoint de l'Agence régionale de santé (ARS).
Le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal est également revenu mercredi sur la situation "très difficile" que connaissait l'île où a été déployé le service de santé des armées "pour accueillir au maximum les patients dans de bonnes conditions à l'hôpital".
Un taux d'incidence cinq fois supérieur à la moyenne nationale
Si la quatrième vague de l'épidémie commence à se faire ressentir dans les établissements de santé de la métropole, la Martinique fait déjà face à une pression hospitalière importante. Et l'explosion du nombre de cas détectés ces derniers jours fait craindre le pire. Selon les dernières données de Santé Publique France, 3570 cas ont été enregistrés la semaine dernière sur l'île contre 2258 la semaine précédente. Le taux d'incidence sur l'île s'élève pour sa part à 995 cas pour 100.000 habitants, il est en moyenne de 191 à la même période à l'échelle nationale. Le taux de positivité des tests s'établit quant à lui à 16,5% entre le 19 et le 25 juillet.
Toutes ces données épidémiologiques sont en progression et ont déjà un impact sur la situation hospitalière. 148 personnes sont actuellement hospitalisées pour une infection à Covid-19 en Martinique et 30 patients se trouvent en soins critiques. Le taux d'occupation des lits de réanimation est désormais de 115,4% au 28 juillet.
"Tous les lits de réanimation sont actuellement occupés, que ce soit les lits de réanimation Covid ou non Covid", confiait en début de semaine sur BFMTV le professeur André Cabié. L'infectiologue au CHU de Martinique se disait alors "très inquiet de l'importance de cette vague qui est beaucoup plus importante que les trois vagues précédentes, en tout cas pour la Martinique."
Des transferts de patients vers la métropole à venir
Quatorze médecins et professeurs dont le professeur André Cabié ont signé cette semaine une lettre ouverte à la population, l'alertant sur la saturation que connaît le CHU, "submergé" et "plus en mesure d'assurer les soins comme il le fait habituellement, quelle que soit la pathologie".
"La saturation des services nécessite d’envoyer des patients martiniquais dans des hôpitaux de l’Hexagone, dans des établissements de l’île qu’il faudra équiper pour accueillir des patients sévères", écrivent les signataires dans leur lettre relayée par nos confrères de Martinique la 1ère, "nous n’aurons d’autre choix que d’avoir recours à des retours précoces de malades chez eux. Puis, très vite, devrons-nous choisir à quelle vie donner priorité sur une autre pour l’accès à la réanimation?"
Invité ce jeudi matin sur RTL, le directeur de l'AP-HP Martin Hirsch a indiqué que les établissements hospitaliers parisiens vont prochainement acueillir des malades d'origine martiniquaise, "c'est en train de se préparer".
Une couverture vaccinale bien trop faible
La situation en Martinique n'est toutefois pas exactement la même qu'en France métropolitaine. Tandis que le variant Delta est largement majoritaire dans l'Hexagone, c'est le variant Alpha qui reste dominant là-bas. Mais la progression du variant Delta laisse craindre une aggravation de la situation sanitaire sur l'île, déjà dramatique.
"Freiner le virus apparaît d'autant plus urgent, que la population martiniquaise est moins immunisée, globalement plus âgée, et donc plus fragile, que celles des régions où le Covid-19 a davantage circulé et où le taux de vaccination est plus important", souligne également la préfecture de Martinique pour justifier ce nouveau tour de vis.
20,4% de la population martiniquaise avait reçu - au 25 juillet dernier - au moins une dose de vaccin, un taux de vaccination beaucoup plus faible que l'ensemble de la population française à cette même date (59,5%). Enfin 15,5% des habitants de Martinique étaient complètement vaccinés contre 49,6% des Français.
"La vérité est que cette pandémie est maintenant une pandémie de non vaccinés", avancent enfin les médecins et professeurs signataires de la lettre ouverte, "la liberté individuelle est une valeur fondamentale de notre existence, mais ne deviendrait-elle pas de l’individualisme, si on ne l’associe pas à la solidarité et à la responsabilité envers les autres?"