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Santé

Faible nombre de spermatozoïdes, obésité, cancers… Des tétines de trois marques contaminées par un produit chimique nocif, selon une association

Illustration d'une tétine, le 23 octobre 2022.

Illustration d'une tétine, le 23 octobre 2022. - SEBASTIAN GOLLNOW / Deutsche Presse-Agentur GmbH / dpa Picture-Alliance via AFP

L'association de consommateurs tchèque dTest pointe du doigt les enseignes Philips, Curaprox et Sophie La Girafe, après avoir retrouvé des traces d'un produit chimique nocif pour la santé des enfants sur plusieurs de leurs tétines.

Des tétines nocives pour la santé des nouveau-nés? Trois grandes marques européennes -la multinationale néerlandaise Philips, le spécialiste suisse de la santé bucco-dentaire Curaprox et la firme française de jouets Sophie la Girafe- ont en tout cas été épinglées par dTest, une association de consommateurs tchèque.

Cette dernière a effectué des analyses en laboratoire et affirme que, contrairement à ce qui est écrit lors de leur commercialisation, des tétines de ces enseignes sont contaminées par du bisphénol A (ou BPA), rapporte The Guardian.

Il s'agit-là d'un produit chimique synthétique utilisé dans la production de plastiques et susceptible d'altérer la santé des enfants.

"Les effets du BPA sont considérables", alerte auprès du Guardian Chloe Topping, militante de l'association Chem Trust. Selon elle, le BPA peut entraîner "cancers du sein, cancers de la prostate, endométriose, maladies cardiaques, obésité, diabètes, altérations du système immunitaire", mais également des "effets sur la reproduction, le développement du cerveau et le comportement".

Concrètement, sa structure est similaire à l’œstrogène, l'hormone féminine. L'exposition au bisphénol A dès le plus jeune âge peut ainsi causer une diminution du nombre de spermatozoïdes chez les garçons et une puberté précoce. Bébés, les enfants sont "encore en développement et leurs organes sont très sensibles aux perturbations", ajoute Chloe Topping, soulignant que les perturbateurs endocriniens peuvent agir à "des concentrations très faibles".

Une dose "insignifiante"?

"Les tétines sont souvent l'un des premiers articles que les parents achètent, et ils ne s'attendent pas à exposer leurs enfants à des produits chimiques perturbateurs endocriniens dès le premier jour", déplore Hana Hoffmannová, rédactrice en chef de la revue de dTest, citée par le média britannique.

En tout, les chercheurs se sont procuré 19 tétines pour bébés en République tchèque, en Slovénie et en Hongrie, ainsi que deux sur la plateforme en ligne Temu. Ils ont placé chaque tétine dans une solution de salive artificielle pendant 30 minutes à 37 °C pour reproduire des conditions semblables au mâchouillage d'un enfant. L'extrait obtenu a ensuite été analysé pour déterminer sa teneur en BPA.

Résultat? Le produit chimique a été détecté sur quatre tétines, dont la sucette Curaprox "Baby Grow with Love" qui présentait une concentration de BPA de 19 microgrammes par kilo. Curaden, le fabricant, a trouvé les mêmes données après coup et témoigné de sa "surprise".

"Par mesure de précaution et conformément à notre engagement qualité, Curaden a immédiatement décidé de retirer proactivement du marché les sucettes concernées et de proposer un remboursement à tous les clients concernés", a déclaré le porte-parole, repris par The Guardian.

Dans la tétine Sophie la Girafe pourtant vendue comme en "caoutchouc naturel", il a été retrouvé 3 microgrammes de BPA par kilo. Soit légèrement plus que sur la Philips Avent Ultra Air, également présentée comme "sans BPA", et sur une tétine Temu, avec 2 microgrammes par kilo chacune.

Philips a indiqué avoir effectué des analyses ultérieures et n'avoir détecté aucune trace de BPA, tandis que Sophie la Girafe s'est défendu en affirmant que la quantité détectée était "insignifiante".

Une réglementation européenne floue

"Nous n'avons plus de tétines à notre catalogue depuis un certain temps. En tout état de cause, tous nos produits sont soumis à des tests exclusifs avant leur commercialisation, réalisés par un laboratoire accrédité", a déclaré un porte-parole de Vulli, le créateur de la marque tricolore.

Selon lui, Sophie La Girafe -qui ne vend en effet plus de tétines sur son site malgré des photos d'anciens produits- n'enfreint de toute façon aucune norme au niveau européen. La réglementation est par ailleurs très ambiguë vis-à-vis de la concentration de BPA sur les tétines.

La norme EN1400 fixe une limite de migration du BPA depuis les tétines à 10 microgrammes par kilo (ou litre), tandis que la directive européenne sur la sécurité des jouets, qui couvre également les sucettes, fixe une limite à 40 microgrammes par kilo (ou litre).

Le porte-parole de Vulli rappelle également au Guardian que "la limite de détection du laboratoire est de 0,01 mg/kg", soit 100 microgrammes par kilo. Autrement dit, les 3 microgrammes retrouvés lors des analyses sont loin des valeurs limites.

Reste que la législation européenne interdit par exemple totalement l'utilisation du BPA dans les biberons depuis 2011. De quoi pousser des associations de défense de droits des enfants à dénoncer un deux poids, deux mesures illogique, sachant que les bébés utilisent généralement plus intensément et pendant plus longtemps les sucettes.

Gabriel Joly