"E. coli n'arrive pas dans nos assiettes par hasard": la colère de la mère du petit Nolan, mort à cause d'un steak contaminé

Le petit Nolan le jour de ses 10 ans, entouré de ses parents et de son frère. - BFMTV
L'affaire des pizzas surgelées Buitoni contaminées par la bactérie E. Coli fait ressurgir de douloureux souvenirs pour Priscilla Monttié. Le 14 septembre 2019, son fils Nolan est mort à l'âge de 10 ans au terme d'un long supplice: huit ans de souffrances provoquées par le SHU (Syndrome hémolytique et urémique) qu'il a développé en 2011 après avoir été contaminé par la bactérie en mangeant un steak hâché Lidl.
La mère de famille, qui vit désormais à Breteuil (Oise) avec son mari et ses deux autres enfants, sort ce mercredi un livre intitulé Nolan se repose enfin, aux éditions Flammmarion, dans lequel elle retrace la contamination de son fils et son parcours médical et hospitalier. Priscilla Monttié répond aux questions de BFMTV.com.
· BFMTV.com: Qu'est-ce qui vous a alertée? Comment avez-vous compris à quoi vous aviez affaire quand votre fils est tombé malade?
Priscilla Monttié: "Au début il dormait avec mon mari et moi, quand j'ai senti qu'il avait un peu de mal à respirer. Mais à part ça, il mangeait bien, il jouait normalement. Le lendemain, on l'a emmené chez le médecin, mais il a suspecté une bronchite. Deux jours plus tard, il a commencé à avoir des diarrhées avec un peu de sang. Ça, ça m'a inquiétée. Toutes les nuits il avait des douleurs au ventre, il se tortillait et il avait des selles vertes. Chez le médecin puis à l'hôpital, on nous a d'abord parlé de constipation, ce qui n'avait pas de sens pour nous.
Puis le lendemain, j'ai trouvé mon fils de deux ans allongé par terre dans sa chambre, en train de souffrir le martyre. Il s'était enfermé pour pas qu'on le voie souffrir. À l'hôpital, ils nous ont dit qu'il était déshydraté et l'ont mis sous perfusion. Mais je voyais bien qu'il se passait quelque chose de bizarre: il ne parlait plus, il avait un teint marbré. Une nuit, mon mari (qui était resté avec lui à l'hôpital) m'appelle et me dit: 'il faut que tu viennes, il est entre le vie et la mort'. C'est là qu'ils ont diagnostiqué le SHU et qu'ils l'ont plongé dans le coma pendant 1 mois et demi parce qu'il souffrait trop."
· Comment êtes-vous remontés jusqu'à la piste du steak hâché?
"C'est l'ARS (Agence régionale de santé) qui nous a contactés pour savoir ce qu'avait mangé Nolan les jours précédents ses premiers symptômes. On a évoqué ce steak hâché Country de chez Lidl, qu'il avait mangé mélangé avec de la purée. Le lendemain, les équipes de l'ARS sont venues avec leur glacière pour chercher la boîte avec les steaks restants que j'avais encore dans mon frigidaire, ils l'ont emmenée pour faire des analyses. Après, ils ont fait des analyses sur 7 autres enfants qui avaient été intoxiqués à Lille et c'est ça qui a permis de détecter que Nolan était aussi contaminé par E. coli".
· Dans quel état d'esprit êtes-vous aujourd'hui, après l'affaire Buitoni?
"C'est très dur de revivre tout ça. C'est éprouvant psychologiquement car ça réveille des choses. On voit que 11 ans après, les choses n'ont pas trop changé. Moi ce que je veux dire aujourd'hui, c'est qu'il faut arrêter de culpabiliser les parents de victimes. Comme ça avait été le cas pour nous à l'époque, on entend des 'les parents auraient dû faire ci, les parents auraient dû faire ça'. Bien sûr qu'il faut faire de la prévention sur ce qu'avalent les enfants de moins de 5 ans, mais on ne doit pas tomber dans la culpabilisation. Je tiens à rappeler qu'on n'est pas coupables de ce qui arrive dans nos assiettes. La bactérie n'arrive pas dans la nourriture par hasard".
Le dirigeant de l’entreprise SEB qui fournissait les steaks Country aux magasins Lidl, a été condamné à 3 ans de prison par le tribunal de Douai en 2017 pour "blessures involontaires", "mise en danger" et "tromperie". Si Nolan a été le plus gravement touché, une quinzaine d’autres enfants contaminés avaient eux développé un SHU, un syndrome qui a de fortes chances de perturber à vie le fonctionnement de leurs reins. Les parents du petit garçon n'ont toujours pas été indemnisés par Guy Lamorlette, le distributeur des steaks qui a été condamné.