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"Du jamais vu": aux Antilles, les professionnels de la santé témoignent de la situation sanitaire inquiétante

Une infirmière s'occupe d'un patient atteint de Covid-19 dans l'unité de soins intensifs au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Pointe-a-Pitre, en Guadeloupe, le 24 septembre 2020

Une infirmière s'occupe d'un patient atteint de Covid-19 dans l'unité de soins intensifs au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Pointe-a-Pitre, en Guadeloupe, le 24 septembre 2020 - Lara Balais © 2019 AFP

36 d'entre eux ont publié ces derniers jours une tribune afin d'appeler les populations locales à se faire vacciner.

"Situation dramatique", "scénario d'urgence" ou encore "démonstration cruelle." Lors de sa prise de parole de ce mercredi matin, quelques minutes avant le début d'un nouveau conseil de défense sanitaire tenu à Brégançon, Emmanuel Macron a employé des mots à hauteur de l'urgence actuelle dans les territoires d'outre-mer, où le variant Delta du Covid-19 circule de plus en plus.

Durant cette courte intervention, le chef d'état a également une nouvelle fois appelé les citoyens ultramarins à se faire vacciner, soulignant les conséquences de ce manque d'immunité.

"Environ 20% des personnes de plus de douze ans sont complètement vaccinées contre près de 66% en métropole. Aux Antilles françaises, l’augmentation des contaminations se traduit en effet par une explosion des formes graves", a-t-il souligné.

Ces derniers jours, les professionnels locaux de santé se sont mobilisés afin d'accélérer cette vaccination. Début mai, 36 médecins et scientifiques, originaires en Guyane, Martinique, Guadeloupe et à La Réunion ou exerçant sur place ont diffusé une tribune à ce sujet. Dans le même temps, des mesures coercitives fortes dont des confinements renforcés et des couvre-feu ont été prises dans plusieurs de ces territoires.

"Du jamais vu"

Il faut dire que sur place, la situation sanitaire est catastrophique. A l'antenne de BFMTV, Bruno Jarrige, directeur médical de crise du CHU de Guadeloupe, livre une vision cauchemardesque du quotidien insulaire.

"Les flux de patients sont de plus en plus importants, ont est passé en une semaine d'une dizaine à une cinquantaine de patients avec une croissance exponentielle, on multiplie les services de médecine Covid", détaille-t-il, soulignant que des premiers "tris" entre patients avaient déjà été effectués en fonction de l'âge et des comorbidités des patients.

Dans sa réflexion, il est rejoint par Raymond Cesaire, professeur de virologie à l’université des Antilles qui exerce sur cette même île. Selon lui, la situation actuelle est "du jamais vu."

"Les chiffres de l'incidence sont faramineux, près de 1100 pour Martinique et la Guadeloupe suit de près. Il y a beaucoup de circulation du virus et de patients pris en charge dans les urgences, par l’ensemble des praticiens, nos collègues sont aujourd'hui débordés", souligne-t-il, lui qui se dit "pessimiste" pour les semaines à venir. "C’est dramatique aujourd’hui et très inquiétant dans les semaines à venir", ajoute-t-il.

En Martinique, la situation n'est guère plus enviable. Toujours auprès de BFMTV, Anne Criquet-Hayot, membre du conseil scientifique de l'île, fait état d'une "situation très tendue."

"Il n'y a plus de places. Il faut un tri en fonction des comorbidités et de l’âge. Merci au national d’apporter des transports. Nous avons fait un appel à la population, il y a une pénurie d’oxygène, on aura un renfort de Guyane", présente-t-elle.

Faible vaccination

"C’est un élément clé. Le taux de vaccination est trop faible, nous sommes en retard nous dépasons à peine les 20% de primovaccinés, ça concerne tous les territoires", explique Raymond Cesaire, signataire de la tribune présentée précédemment.

En ce qui concerne la non-vaccination de ces populations, Bruno Jarrige estime que plusieurs facteurs sont à prendre en compte.

"Il y a de la réticence et de la crainte comme partout, malgré la pédagogie qu’on mène depuis janvier, on n'arrive pas à faire décoller. Il y a d'autres paramètres au niveau de la sociologie, il y a un amalgame avec le scandale de la chlordécone et ça coûte très cher à la population. La population commence à adhérer à la vaccination mais le retard est important et il ne sera pas comblé avent la 5e vague. Pour la 4e vague, le drame est là et il faudra qu’on le gère au mieux", pronostique-t-il.

Afin d'inverser cette tendance, Anne Criquet-Hayot assure que la pédagogie et la discussion sont les meilleurs alliés des médecins et professionnels outre-mer. "Le système de contrainte n’a jamais marché aux Antilles, il faut convaincre et c’est un travail de longue haleine", conclut-elle.

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV