Covid-19: qu'est-ce que la thrombose, au cœur de la suspension du vaccin AstraZeneca?

Une soignante prépare une injection de vaccin AstraZeneca contre le Covid-19 - Sergei SUPINSKY © 2019 AFP
La vaccination contre le Covid-19 est en partie paralysée dans plusieurs pays européens. Ce lundi, la France, mais aussi l'Allemagne, l'Italie ou encore l'Espagne ont suspendu temporairement et par précaution l'utilisation du sérum du laboratoire anglo-suédois en raison de la détection chez certaines personnes vaccinées de difficultés à coaguler et de formation de caillots également appelés thrombose - sans que le lien avec la vaccination ne soit avéré. L'Agence européenne des médicaments (EMA) doit communiquer à ce sujet dès ce jeudi, mais s'est déjà dite "fermement convaincue" des avantages du vaccin AstraZeneca contre le Covid-19.
Un caillot de sang qui peut engendrer des complications
Invitée de BFMTV ce mardi, Marie-Antoinette Sevestre-Pietri, cheffe de service de médecine vasculaire au CHU d’Amiens et présidente de la Société française de médecine vasculaire a expliqué en quoi consiste cette pathologie.
"La thrombose, c’est un caillot de sang qui se forme généralement dans une veine au niveau du mollet et qui va s’étendre, et si elle n’est pas traitée, possiblement se fragmenter et partir dans la circulation et être à l’origine d’une complication redoutable qui est l’embolie pulmonaire", analyse-t-elle.
Avec entre 50.000 à 100.000 phlébites, le cas le moins grave de la thrombose et 40.000 embolies pulmonaires annuelles en France, ces maladies ne sont donc pas rares.
"On est à presque deux cas pour 1000 habitants par an, c’est une maladie très fréquente. On peut en mourir si on fait une embolie pulmonaire, certaines sont mortelles. S’il y a une récidive, si la thrombose n’est pas traitée, on peut en mourir", précise-t-elle encore.
Des formes "atypiques" constatées chez certains
Si plusieurs gouvernements ont poussé la précaution jusqu'à la suspension du vaccin AstraZeneca, c'est parce que les rares cas de thromboses recensés dans certains pays nordiques et en Allemagne sont "atypiques", comme l'expliquait ce mardi sur France Inter Alain Fischer, le "monsieur vaccin" du gouvernement.
Sur les 30 patients atteints sur plus de 5 millions d'Européens vaccinés figurent quelques thromboses veineuses, comme décrites précédemment, mais surtout une forme bien plus rare nommée "veineuse cérébrale" qui atteint une veine du cerveau. Comme le rappelle Le Parisien, en Allemagne, "selon l'Institut sanitaire Paul Ehrlich, sept cas sur des patients âgés de 20 à 50 ans, dont six femmes, ont été répertoriés", et trois en sont morts.
"Les thromboses sont des événements divers et variés. Il y a la phlébite, que tout le monde connaît, et puis il y a des thromboses un peu plus compliquées, un petit peu plus graves, qui sont celles survenues en Autriche et ensuite en Norvège", résume sur notre antenne Jean-Daniel Lelièvre, chef de service des maladies infectieuses de l'Hôpital Henri-Mondor à Créteil. "Ce sont des thromboses un petit peu systématisées, associées à d'autres anomalies biologiques qui sont une baisse de plaquettes."
Le lien avec le vaccin pas avéré pour l'heure
À l'heure actuelle, encore une fois, il n'y a pas de lien avéré avec le vaccin Astrazeneca. "Ces événements-là sont très rares en population générale, la probabilité en dehors du vaccin, c'est un cas pour un million", note Jean-Daniel Lelièvre. "Avec le vaccin AstraZeneca, on est à eu près dans ces eaux-là." Il est par ailleurs extrêmement difficile d'établir le début de la thrombose, note Marie-Antoinette Sevestre-Pietri.
"C’est difficile de déterminer la date. C’est difficile de savoir si on est a 'J combien' de la thrombose, si c’était avant ou après la vaccination", explique la spécialiste. "Ce qu’il y a d’étonnant avec cette maladie c’est qu’elle est ubiquitaire, c’est-à-dire qu’elle est extrêmement répandue, très fréquente, et puis qu’elle associée à des facteurs de risques, des circonstances de découvertes qui sont liées soit à des infections, soit à une chirurgie. Ça arrive aussi chez des patients qui ne courent aucun risques, on dit qu’elles sont idiopathiques, elles arrivent de façon inopinée", précise-t-elle encore.
En l'état actuel, Jean-Daniel Lelièvre a donc expliqué - comme de nombreux autres soignants - ne pas comprendre la suspension du vaccin AstraZeneca.
"Si vous regardez les thromboses qui ont été rapportées avec d'autres vaccins, et notamment avec le vaccin Pfizer, le nombre de thromboses est plus important. Donc on a du mal à comprendre pourquoi on s'inquiète avec AstraZeneca", conclut-il.