Covid-19: les hôpitaux entament la lente reprogrammation des opérations repoussées

Selon les établissements, la statistique varie de 40% à 80%. Partout dans l'Hexagone, les personnels de santé ont en tout cas été contraints de déprogrammer, la mort dans l'âme, bon nombre d'opérations de chirurgie en raison de la poussée de Covid-19.
Maintenant que cette épidémie, qui a lourdement désorganisé les services par l'ampleur de sa diffusion et son caractère inédit, reflue notamment sous l'effet de la vaccination, les hôpitaux reprogramment les interventions trop longtemps repoussées. Mais rattraper le retard accumulé s'annonce d'ores et déjà comme une gageure.
"Cesser de voir dans la chirurgie une variable d'ajustement"
Arnaud Méjean, urologue à l'hôpital Georges-Pompidou à Paris, explique que soignants et patients devront d'abord se battre avec la queue de comète du virus dans les blocs: "Mercredi prochain, je dois fermer une salle opératoire entière. Il y avait deux patients qui avaient des cancers du rein que je ne peux pas opérer!" Son hôpital escompte pourtant retrouver son fonctionnement habituel d'ici la fin mai.
Pour cela, encore faudra-t-il cloisonner les activités, et préserver les opérations selon Laurent Lantieri, chirurgien plasticien officiant également à Georges-Pompidou. "La chirurgie et la médecine interventionnelle ne doivent plus être la variable d’ajustement pour traiter le Covid dans notre pays", milite-t-il auprès de notre équipe.
"Il faut ouvrir des services dédiés au Covid, des réanimations dédiées car même avec la vaccination nous continuerons à avoir un flux de patients avec cette nouvelle pathologie", poursuit-il.
Autant de drames personnels
Et fixer une opération à une nouvelle date implique toujours désagréments voire drame personnel à l'autre bout de la chaîne. Delphine Ouzzedon, concierge de profession, et souffrant d'obésité morbide, devait subir au printemps une opération à l'estomac dont on lui avait parlé dès le mois de septembre. Le printemps n'est certes pas fini mais l'intervention, elle, a déjà été remise par trois fois.
"Psychologiquement, on se prépare quelques jours avant. Par exemple: ‘Delphine, c’est bon, c’est le jour J’ et puis le soir on vous appelle en vous disant que c’est annulé. Je vous cache pas que j’ai versé ma petite larme car j’étais vraiment très déçue", a-t-elle glissé devant nos caméras. Un nouveau rendez-vous est pris cependant: il est projeté au 14 juin.
Engorgement et lenteurs des reprogrammations, frustration et angoisse des patients, ces suspensions forcées permettent aussi à certaines maladies de passer sous les radars. La Ligue contre le Cancer évalue à 100.000 le nombre de cas non-diagnostiqués en 2020 à cause du Covid.