Covid-19: comment fonctionne un service de réanimation?

Un patient du service de réanimation de l'hôpital Cochin à Paris le 18 mars 2021 - Christophe ARCHAMBAULT © 2019 AFP
Un chiffre qui n'avait pas été atteint depuis novembre 2020. Santé Publique France a dénombré lundi soir 4974 patients en réanimation pour une infection au Covid-19 en France, c'est plus que lors du pic de la deuxième vague de l'épidémie et ce alors que toute la population française était alors confinée.
Si le nombre de patients hospitalisés reste en deçà de celui observé à l'automne dernier, les soignants font face à une pression des plus inquiétantes dans les services de réanimation, certains craignant un tri des patients lors des prochains jours en raison d'un cruel manque de moyens.
• En quoi consiste un lit de réanimation?
Il convient dans un premier temps de faire une mise au point sur l'indicateur que donne tous les soirs Santé Publique France: lorsque l'on parle de 4974 patients en réanimation, on entend par là les patients se trouvant en services de réanimation, mais aussi en services de soins critiques (soins intensifs et soins continus). L'article R6123-23 du Code de la santé publique énonce que "les soins de réanimation sont destinés à des patients qui présentent ou sont susceptibles de présenter plusieurs défaillances viscérales aiguës mettant directement en jeu le pronostic vital et impliquant le recours à des méthodes de suppléance".
Les chambres de réanimation sont donc destinées à la prise en charge de façon prolongée de patients aux défaillances multiples nécessitant plus de soins et de surveillance. En somme les patients présentant un état grave.
"La réanimation consiste à supplémenter les organes qui ne marchent pas: les organes dits 'nobles' à savoir le coeur, le poumon, le cerveau, le rein, le foie. Des choses dont on ne peut pas se passer", a expliqué lundi soir dans l'émission Quotidien Jean-François Timsit, chef du service de réanimation et des maladies infectieuses de l'hôpital Bichat .
C'est dans ce service que sont notamment prises en charge les personnes hospitalisées après un grave accident, des patients qui ont subi une chirurgie lourde ou souffrent de graves pathologies.
"Cela peut-être une défaillance neurologique, respiratoire, cardio-vasculaire, hématologique... mais il peut y en avoir plusieurs" expose à BFMTV.com le Pr Bruno Mégarbane, chef du service réanimation à l'hôpital Lariboisière.
• Quels soins aux patients?
Tout part d'abord de l'agencement de la pièce: les chambres en réanimation permettent dans un premier temps aux soignants de tourner complètement autour du patient. Une structure architecturale spécifique qui n'a rien d'un détail.
"On doit être amené à intervenir à sa tête, ses pieds... Il ne faut pas avoir besoin de déplacer le lit, les chambres sont conçues comme ça", explique à BFMTV.com Djillali Annane, chef du service de réanimation de l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches.
Des dimensions permettant à plusieurs personnes de soigner en même temps le patient et même de le retourner sur le ventre en cas de syndrôme de détresse respiratoire aïgue. Les lits de réanimation éphémères, ouverts en cas d'afflux massif de patient, sont donc loin d'être aussi efficaces.
Si le nombre de traitements cliniques est large afin de soigner toutes les pathologies, aucun actuellement ne peut soigner du Covid-19. L'intubation - consistant à introduire un tube dans la trachée pour permettre une ventilation assistée - est privilégiée en dernier recours mais d'autres méthodes ont depuis vu le jour comme l'oxygénothérapie renforcée, un traitement permettant de délivrer de très hauts débits d'oxygène et dont bénéficie la ministre de la Culture Roselyne Bachelot.
• Combien de personnes sont mobilisées?
C'est dans ce service que l'on dénombre le plus de personnel par rapport au nombre de patients. Un lit de réanimation doit être sous la gestion d'un médecin spécialisé, d'un réanimateur (réanimation médicale) ou d'un anesthésiste réanimateur (réanimation chirurgicale).
Pour faire fonctionner un lit de réanimation, il faut également une infirmière pour deux-trois patients, une aide-soignante pour quatre personnes et tout un personnel autour. La prise en charge y est donc accrue pour être réactif en cas d'aggravation rapide de l'état de santé d'un des patients.
"A 3h du matin, l'intensité de soins auprès du malade est la même qu'à 8h dumatin [...] c'est plus que de la surveillance", souligne le Pr Djillali Annane. "Tous les appareils qui maintiennent les fonctions vitales on les règle, on les ajuste en permanence [...] la réactivité elle est instantanée, toute minute de retard peut coûter la vie aux patients".
• Quelle durée en réanimation pour les patients Covid?
"Généralement les patients qui entrent sous oxygéno-thérapie renforcée, la majorité sortent d'ici dix à douze jours", explique Bruno Mégarbane. En cas d'intubation, la période d'hospitalisation est beaucoup plus longue, "une trentaine de jours environ"
"J'ai des patients qui sont là depuis deux mois", évoque le chef de service à l'hôpital Lariboisière.
Dans le service de Djillali Annane, les patients en réanimation ne sortent qu'au bout de près de quatre semaines et ceux qui ne sont pas intubés restent en moyenne une quinzaine de jours.
• Que faut-il entendre par "saturation des services de réanimation"?
Le temps passé par chaque patient admis en soins continus ou en réanimation entraîne donc une perte de chance pour ceux qui sont hospitalisés dans les services de soins classiques mais dont l'état de santé risque de s'aggraver.
"On a entre quatre et cinq sollicitations pour un lit disponible", affirme le Pr Djillali Annane qui évoque une "perte de chance" pour les patients non Covid depuis le début de la crise sanitaire.
"Aujourd'hui nous sommes à 14 lits de réanimation et quatre lits de soins continus, j'ai demandé à en avoir 18 mais ils n'ont pas voulu", témoigne Bruno Mégarbane. Le chef du service de réanimation affirme que "tous (s)es lits sont occupés" et qu'un seul est occupé par un patient non Covid.
Pour Jean-François Timsit, ce ne sont pas les respirateurs ou les machines qui manquent, mais "les mains, les gens qui sont techniquement efficaces". Le nombre grandissant de malades pour le personnel médical influe sur le ratio patients/soignants en réanimation et par conséquent sur la qualité des soins prodigués.
Un constat que partage Djillali Annane: "Vous n'allez pas apprendre en quatre heures en salle de cours à piloter un avion. Eh bien vous n'allez pas apprendre en quatre heures ou quatre jours à piloter des équipements qui maintiennent des patients en vie".