Covid-19: au moins 240 millions de doses de vaccin ont été gâchées à travers le monde

Une seringue du vaccin russe Sputnik-V contre le Covid-19, le 31 janvier 2022 à Moscou - Natalia KOLESNIKOVA © 2019 AFP
Les chiffres sont effarants. Selon les données publiées par la société d’analyse de données de santé Airfinity, relayées par Le Monde, ce sont plus de 240 millions de doses de vaccins contre le Covid-19 qui ont dépassé leur date limite de validation à travers le monde depuis le début de la campagne vaccinale, débutée fin 2020.
Dans le détail de ces pertes, 73 % sont des doses de Pfizer et 18% d'AstraZeneca. En France, on dénombre au total 218.000 doses perdues, uniquement des vaccins d'AstraZeneca. Un chiffre qui peut s'expliquer par les revirements des autorités sanitaires à propos du vaccin, qui avait un temps été interdit en France puis réservé à une certaine catégorie d'âge.
Décharges à ciel ouvert en Afrique
En réalité, ce bilan pourrait être sous-évalué. En cause, le manque d'informations en ce qui concerne les pays pauvres, qui reçoivent la majorité de leurs doses en provenance des pays riches via le programme Covax. Seul problème, ces doses, à leur arrivée, sont proches de la péremption, ce qui impose à ces pays d'impossibles délais pour immuniser leur population.
"Les pays reçoivent des livraisons non programmées de doses proches de leur expiration, avec trop peu de transparence sur quand les doses arrivent, quel vaccin et en quelle quantité", confirmait d'ailleurs en décembre passé Tedros Ghebreyesus, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Un exemple particulièrement éclairant, celui du Nigeria, est repris dans les colonnes du Monde. En octobre passé, Lagos accepte 2,6 millions de doses d’AstraZeneca, dont 500.000 en provenance de France. Or, celles-ci ont une durée de vie de 4 à 7 semaines uniquement et les autorités locales n'ont pu en injecter qu'1,5 million. Le reste a été enfoui dans une décharge à ciel ouvert, au mépris des règles sanitaires.
"On pouvait s'y attendre"
Ce n'est pas la première fois que le partage inégalitaire des vaccins est mis en lumière. En septembre passé, L'Express relayait les conclusions d'une enquête réalisée par le site Our World in Data, qui estimait à plusieurs millions les doses gâchées. Le rapport prédisant une augmentation constante de ce chiffre.
En janvier dernier, les Nations unies avaient indiqué que les pays pauvres avaient refusé de recevoir cent millions de doses en raison de leur peremption trop proche. L'Organisation mondiale de la santé avait dans le même temps accusé à de multiples reprises les pays riches de s'être accaparé des vaccins et de ne donner aux pays pauvres que des doses à courte durée de conservation. Une "honte morale", dénoncait l'OMS.
Ce mercredi sur franceinfo, Pauline Londeix, cofondatrice de l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, critiquait ces inégalités entre continents.
"Quand on voit les chiffres de gâchis, on ne peut être que choqué. Mais malheureusement, on pouvait s'y attendre parce que les pays riches ont voulu accaparer les doses de vaccin, ayant peur d'en manquer, voulant vacciner la population rapidement... Ils ont acheté les doses et ça a conduit à ce gâchis", a-t-elle dénoncé.