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Coronavirus: la santé mentale à l'épreuve du confinement

Des Italiens en train d'assister à une messe depuis leur fenêtre à Rome, en raison des mesures de confinement liées au coronavirus.

Des Italiens en train d'assister à une messe depuis leur fenêtre à Rome, en raison des mesures de confinement liées au coronavirus. - Tiziana FABI / AFP

D’après une étude parue dans la revue scientifique The Lancet, le confinement est un facteur d'anxiété qui peut, à terme, avoir de lourdes conséquences sur notre santé mentale. Le psychothérapeute Benjamin Lubszynski en précise les contours à BFMTV.com et propose des solutions.

"Le bonheur a horreur du vide." Comme le remarque le psychothérapeute Benjamin Lubszynski, en ces temps de confinement, l’activité se fait rare. Et cela marque nos esprits. Partout dans le monde, plus de 3 milliards de personnes ont reçu l’ordre de se murer chez elles afin de ralentir la propagation du nouveau coronavirus. Un moment difficile à supporter et qui peut avoir de nombreux effets négatifs sur l’état de santé psychologique.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, cet isolement forcé est l’une "des conséquences très importantes” de l’épidémie de Covid-19 car il affecte "ce que nous aimons faire, où nous voulons être, et avec qui nous voulons être". 

Une équipe de chercheurs du King's College, au Royaume-Uni, a passé en revue 24 études détaillant les effets psychologiques de la mise en quarantaine. Stress, frustration, dépression… Le confinement semble la solution la plus appropriée pour juguler la pandémie, mais à quel prix? 

  • L’enfermement et l’isolement, sources de multiples facteurs de stress

L’isolement contraint, et sans durée précise, peut occasionner un stress post-traumatique ainsi que des sentiments de frustration, de confusion et de colère, d’après les conclusions des chercheurs de King’s College publiées dans la revue The Lancet. Ils ont analysé les travaux réalisés dans une dizaine de pays qui ont eu recours à la mise en quarantaine lors des précédentes épidémies comme le SRAS, Ebola, la grippe H1N1, le Mers-CoV ou encore la grippe équine.

Il en ressort que la durée du confinement, les conditions de logement, la perte de revenus, l’absence d’information, la pénurie de denrées alimentaires et l’ennui provoquent des maux allant de la fatigue à l’anxiété en passant la frustration, l’irritabilité et la dépression.

"Avec cette crise sanitaire, on doit s’attendre à une épidémie d’angoisses, d’insomnies… Les conséquences psychologiques sont quasiment inévitables", affirme à BFMTV.com le psychothérapeute Benjamin Lubszynski.
  • Le confinement, l’angoisse et leurs effets sur la santé mentale

Ces multiples facteurs de stress générés par l’isolement et l’enfermement ont des effets psychologiques négatifs. Troubles émotionnels, dépression, insomnie et symptômes de stress post-traumatique sont autant de stigmates qui apparaissent après seulement dix jours de confinement, estiment les scientifiques.

"En principe, le stress post-traumatique apparaît à la suite d’un choc qui crée un souvenir effroyable. Là, il est dû à une répétition d’angoisses d’anticipation. On est enfermé, on a peur de mourir à cause de cette maladie qui est un ennemi invisible, et on se sait pas quand on va pouvoir sortir. C’est très stressant", analyse Benjamin Lubszynski. 

Le confinement permet d'éviter les risques de contagion mais "l'évitement aggrave par nature la peur et l’anxiété. Et à mesure que le stress augmente, les douleurs psychologiques gagnent en intensité, notamment chez les personnes qui ont des phobies ou qui sont dépressives".

Cette situation peut également créer des troubles obsessionnels du comportement: "On nous martèle qu’il faut se laver les mains fréquemment. Il y a fort à parier que cette consigne laissera des traces une fois le confinement terminé. Certains n’arriveront pas à se défaire de cette habitude, d’autres vont même l’étendre à un besoin irrépressible de nettoyer leur intérieur", souligne le psychothérapeute qui constate déjà une “aggravation des symptômes” chez certains de ses patients. 

D’autres encore pourraient développer une agoraphobie, la peur des espaces publics, et ainsi "avoir du mal à sortir de chez eux quand le confinement sera levé". Une étude menée pendant l’épidémie de Sras en 2003 sur 1057 individus, montre qu’un quart d’entre eux se tenait encore à l’écart des endroits trop fréquentés trois ans après la fin de la maladie.

  • S’imposer une routine, le remède contre l’anxiété et la dépression 

Avoir la notion du temps qui passe est fondamental pour ne pas se laisser submerger par l’ennui. Pour cela, il est impératif de structurer sa journée.

"La routine est essentielle en temps de confinement. Il faut se réveiller à heure fixe, s’habiller, se laver. Au début, on peut se réjouir de ne plus être soumis à toutes ces obligations, mais finalement c’est ce qui nous tient. Autrement, on perd le fil, on a l’impression que la journée passe vite et en même temps lentement. On n’a plus de repères", explique Benjamin Lubszynski.

Le psychothérapeute recommande donc d’organiser sa journée en se maintenant occupé pendant 8h, "comme si on allait au boulot. En ce moment, le travail est une chance pour ne pas déprimer". Pour ceux qui ne peuvent pas télétravailler, il faut trouver une activité, un projet, avec des objectifs à atteindre.

Par exemple, on peut apprendre une nouvelle langue ou la couture. Surtout, il ne faut pas se réfugier derrière les écrans. "Leur utilisation excessive, et notamment des réseaux sociaux, peut créer artificiellement un manque de confiance en soi et alimenter la dépression", souligne-t-il tout en rappelant que les appels en visioconférence sont toutefois un bon outils pour éviter la désociabilisation. 

"Discuter avec un proche en vidéo trompe le cerveau qui finit par avoir vraiment l’impression d’être avec la personne", note-t-il.

Enfin, l'auteur de Bien dormir, ça s’apprend conseille de se mettre à la relaxation. "On ne peut pas faire disparaître l’inquiétude du coronavirus en un claquement de doigt, en revanche on peut apprendre à gérer les situations de stress et ainsi éviter toutes les conséquences négatives qui en découlent", insiste le psychothérapeute pour qui la relaxation est comme un "bouclier contre les risques psychologiques". 

Pour ceux qui seraient réfractaires à ce genre de méthodes, Benjamin Lubszynski conseille un exercice pouvant servir de test: la méthode de relaxation Jacobson: "Il faut contracter tous les muscles de la tête aux pieds, cinq fois. Les muscles se fatiguent puis se détendent et le stress disparaît."

Ambre Lepoivre