"C'est prometteur": une nouvelle percée dans la recherche sur le VIH reçue avec enthousiasme et prudence

Le virus du VIH vu au microscope électronique. Photo d'illustration - Wikimedia / CDC/Dr. Edwin P. Ewing, Jr.
Pourquoi, après des années de recherche mondiale intensive, les scientifiques n'ont pas réussi à trouver comment guérir pour de bon les personnes infectées par le VIH? Dans l'infinie complexité de la question, l'une de ces barrières pourrait avoir été franchie.
L'une des raisons qui explique le caractère délicat de l'opération repose dans la pénible capacité de ce virus à se cacher au sein de nos cellules, lui évitant d'être détruit. Des chercheurs ont réussi à trouver deux méthodes pour forcer le virus dormant à s'activer, comme ils le développent dans une étude publiée dans la revue scientifique Nature communications. Ces techniques n'ont cependant été testée qu"'in vitro", et l'on ne sait pas si elles fonctionneront sur l'être humain.
Aujourd'hui, il est possible d'empêcher la réplication de cet intrus à l'aide de médicaments, les antirétroviraux. Ils permettent à une personne atteinte par le VIH de vitre une vie normale, sans développer le Sida.
Mais ces traitements ne détruisent pas le virus. Celui-ci a la capacité de créer ce que l'on appelle de réservoirs au sein de notre organisme. Des traces endormies du virus, prêtes à reprendre leur reproduction à l'arrêt du traitement. Dans cette phase latente, le VIH est comme invisible aux yeux de notre système immunitaire, inoffensif mais impossible à détruire. Mais la récente découverte de chercheurs australiens met en lumière deux méthodes pour réveiller le VIH, ouvrant la voie à son élimination.
L'ARN et CRISPR pour "réveiller" puis cibler le VIH
"L'objectif est d'aller réveiller ce virus dormant qui forme des réservoirs. Le réveiller pour qu'il puisse sortir des cellules qu'il a infecté de manière latente. Si on y arrive, on peut le détruire, soit avec des antirétroviraux soit avec d'autres approches d'immunothérapie. Certains anticorps ont montré être très efficaces contre le VIH", décrypte auprès de BFMTV Victor Appay, chercheur en immunologie, directeur de recherche à l'Inserm.
Le faire sortir? Mais comment? Les chercheurs ont démontré "in vitro" l'efficacité de deux méthodes de pointe. D'une part, la technologie désormais bien connue du grand public: l'ARN, qui a permis la mise au point de vaccins contre le Covid-19. De l'autre, CRISPR, tantôt qualifié de "ciseaux génétiques", un procédé qui permet de modifier de manière infiniment précise un gène, afin d'induire un effet souhaité. Dans ce scénario: forcer l'activation du VIH.
Dans les deux cas, le résultat est le même, forcer l'indésirable latent à s'activer et à réapparaître dans les radars. D'autres approches moins ciblées avaient été testées, sans montrer de résultats probants sur le plan clinique, comme l'explique Olivier Schwartz, responsable de l’unité "virus et immunité" à l’Institut Pasteur. Via cette méthode, selon les chiffres obtenus durant les essais sur des cultures cellulaires, "on observe 60 à 80% de réactivation du virus endormi", chiffre-t-il.
"Il est tout à fait prématuré de dire s'il y aura des applications cliniques"
Les chercheurs interrogés s'accordent à dire que sur le plan technique, les méthodes décrites sont intéressantes. Mais le ton est sévèrement moins extatique que du côté des auteurs de l'étude. "On était tous là, bouche bée, genre 'waouh!'", ont par exemple raconté les scientifiques au Guardian.
Du côté des spécialistes Français, on reste plus prudent. "L’approche est technologiquement originale et intéressante. Pour l'instant, il est tout à fait prématuré de dire s'il va y avoir une application clinique, parce qu'on ne connaît pas la capacité de ces nouvelles nanoparticules lipidiques (associées à l'ARN, NDLR) à atteindre leur cible cellulaire et de réactiver le virus dans l’organisme", tempère Olivier Schwartz.
"Je dirais que c'est très élégant, novateur. Ils utilisent des outils qu'on connaît bien depuis seulement quelques années (...) C'est une belle avancée technologique, c'est prometteur, mais je ne veux pas dire que c'est révolutionnaire. On est encore bien loin de démontrer que c'est efficace tant chez des modèles animaux que chez l'être humain. Il y a encore plusieurs barrières à passer", relativise également Victor Appay.
Les questions en suspens restent nombreuses. Le procédé fera-t-il ses preuves chez l'animal, chez l'être humain? Serons-nous vraiment en capacité d'éliminer la totalité ou une portion suffisante du virus pour éviter une résurgence? Avec quels effets? Autant de questions qui vont nécessiter de longues années de recherche supplémentaires.