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Santé

Au moins 67 enfants sont nés en Europe du don de sperme d'un homme ayant une mutation génétique prédisposant au cancer

Des flacons contenant des spermatozoïdes congelés dans l'azote liquide en cours de préparation aux Centres d'étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS) du CHU de Rennes, dans l'ouest de la France, le 12 mars 2024. (illustration)

Des flacons contenant des spermatozoïdes congelés dans l'azote liquide en cours de préparation aux Centres d'étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS) du CHU de Rennes, dans l'ouest de la France, le 12 mars 2024. (illustration) - Damien MEYER / AFP

Au moins 67 enfants ont été conçus grâce au don d'un homme porteur de la mutation génétique. L'affaire, dévoilée par Le Figaro et The Guardian, pose la question du nombre de naissances autorisées pour chaque donneur, pour la biologiste Edwige Kasper.

Les familles de plusieurs dizaines d'enfants en Europe, nés grâce à un don de sperme au Danemark, ont découvert plusieurs années après leur naissance que le donneur était porteur d'un variant génétique favorisant la survenue de cancers précoces, rapportent Le Figaro et The Guardian ce samedi 24 mai.

Cette affaire doit être présentée ce samedi par Edwige Kasper, docteur en pharmacie et biologiste en oncogénétique au CHU de Rouen, lors d'un congrès de la Société européenne de génétique humaine à Milan. Elle a été mise au jour lorsque deux familles ont contacté leurs cliniques de fertilité après que leurs enfants, nés d'un don de sperme, ont développé des cancers qui semblaient être liés à un variant génétique rare. Un variant génétique, aussi appelé mutation génétique, désigne "une modification survenue dans un gène, qui peut être responsable d’une maladie génétique", selon l'Agence de la biomédecine.

Contactée par le médecin d'une des familles françaises qui a bénéficié de ce don, la biologiste Edwige Kasper a étudié ce variant: "je suis arrivée à la conclusion que le variant était probablement cancérigène et que les enfants nés de ce donneur devraient bénéficier d'un conseil génétique", explique-t-elle au Guardian. Cette mutation génétique est susceptible de provoquer le syndrome de Li-Fraumeni, qui se manifeste par la survenue précoce de diverses tumeurs malignes.

La question du nombre d'enfants par donneur

Contactée par le Figaro, la banque de sperme danoise qui a recueilli ce don affirme que ce variant n'aurait pas pu être détecté en amont. "Les donneurs de sperme subissent un examen médical approfondi, une analyse des antécédents familiaux et des tests pour détecter d’éventuelles maladies génétiques et infectieuses", explique la société danoise. "Cependant, il est impossible de réduire tous les risques et, dans ce cas précis (...), les méthodes de dépistage systématiques ou préventives n’auraient pas permis de détecter cette mutation", ajoute-t-elle.

"Chaque être humain possède environ 20.000 gènes, et il est scientifiquement impossible de détecter des mutations pathogènes dans le patrimoine génétique d’une personne si l’on ne sait pas ce que l’on recherche", déclare encore la banque de sperme.

Mais pour la biologiste Edwige Kasper, l'affaire pose surtout la question du nombre de naissances autorisées pour chaque donneur. Car selon la banque de sperme, au moins 67 enfants ont été conçus grâce au don de l'homme porteur de la mutation génétique. Les enfants sont nés dans 8 pays d'Europe, entre 2008 et 2015. Selon le Guardian, le variant a été détecté chez 23 enfants, dont 10 ont reçu un diagnostic de cancer. Aujourd'hui, la banque de sperme danoise impose une limite de 75 familles par donneur.

Edwige Kasper estime que ce plafond élevé "crée un risque de dissémination artificielle d’une maladie génétique". "Dans la vie normale, il est extrêmement rare qu’un papa donne naissance à 75 enfants...", souligne-t-elle.

Auprès du Guardian, elle appelle à mettre en place "une limite européenne au nombre de naissances ou de familles pour un même donneur". En France, "le nombre d’enfants issus d’un même donneur de spermatozoïdes est limité à 10 par la loi de bioéthique, pour écarter tout risque de consanguinité pour les générations futures", selon le site de l'Agence de la biomédecine. "Mon conseil aux parents français est de préférer une PMA en France", affirme donc Edwige Kasper au Figaro.

Sophie Cazaux