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Vote par anticipation: à gauche comme à droite, l'opposition vent debout contre l'amendement du gouvernement

Le Sénat, le 13 octobre 2020 - Image d'illustration

Le Sénat, le 13 octobre 2020 - Image d'illustration - Bertrand GUAY © 2019 AFP

Des extrêmes en passant par les Républicains, la classe politique s'est montrée indignée face au texte déposé mardi au Sénat.

L'annonce a surpris, y compris chez les élus. Mardi matin, le gouvernement a déposé au Sénat un amendement destiné à permettre le vote par anticipation pour l'élection présidentielle de 2022, une première dans le pays si le projet est finalement adopté par le Parlement.

L'amendement, ajouté au dernier moment à un texte sur l'organisation technique du scrutin présidentiel, prévoit une machine à voter et un vote à une "date fixée par décret, durant la semaine précédant le scrutin." Interrogé par Franceinfo, le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier prévient que cette hypothèse "peut porter atteinte à la sincérité du scrutin."

Ce mercredi, le patron des députés LaREM Christophe Castaner a été forcé de jouer le service après-vente et de calmer les craintes. "Le gouvernement ouvre le débat et n'imposera rien. C'est le Parlement et le Sénat qui votera et décidera", assure-t-il. Les propos de l'ancien ministre de l'Intérieur n'ont toutefois pas évité la levée de boucliers, tous partis confondus, qui a suivi l'annonce.

"C'est hors de question!"

Finaliste du dernier scrutin présidentiel, la présidente du Rassemblement national Maine Le Pen n'a pas tardé à réagir et montré son mécontentement quant à un possible vote par anticipation. Sur Twitter ce mercredi matin, la députée du Pas-de-Calais a tancé les élus de la majorité, qui "n’ont pas le temps d’instaurer la proportionnelle, mais ils ont le temps de magouiller un vote anticipé."

"Pour nous, c'est hors de question", a-t-elle martelé.

Actuellement président des Patriotes, l'ancien bras-droit de Marine Le Pen, Florian Philippot, a également montré son inquiétude. Sur Twitter, l'ancienne éminence grise du parti d'extrême droite alerte sur de possibles fraudes liées à ce mode de scrutin.

"Le gouvernement veut le 'vote par anticipation' à l’élection présidentielle: la semaine avant le scrutin, les électeurs iraient dans un bureau équipé d'une 'machine à voter', le dépouillement aurait lieu le dimanche. Quel besoin de faire ça sinon frauder?!", dénonce-t-il, sans détailler la forme que pourrait prendre cette triche.

Les "manoeuvres de LaREM"

Chez les Républicains, la proposition ne fait pas non plus l'unanimité. Invité ce mercredi matin sur BFMTV-RMC, Aurélien Pradié, secrétaire général du parti, s'est dit "pas favorable" au vote par anticipation pour la prochaine présidentielle.

Pour lui, le rendez-vous est trop grand pour en faire un test grandeur nature de ce mode de scrutin. "Je ne comprends pas très bien comment on peut tester une disposition nouvelle électorale sur une élection présidentielle", s'alarme-t-il.

Ce même Aurélien Pradié a également fustigé la façon dont le projet a été déposé au Sénat. "Personne n'a travaillé sur ce sujet, on a découvert cet amendement", rappelle-t-il.

Toujours chez LR, le patron du parti au Sénat, le Vendéen Bruno Retailleau, a dénoncé la manière dont le projet a été déposé. "Nous avons été stupéfaits, ce matin, quand nous avons appris qu’en bout de course d’examen parlementaire, le gouvernement déposait cet amendement", explique-t-il, dans des propos repris par Public Sénat.

"Quand le gouvernement dépose un amendement, ça lui permet de ne pas passer sous l’examen du Conseil d’Etat. On se prive aussi d’un travail approfondi du Parlement", reprend-il.

Toujours sur Twitter, la sénatrice des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer prend la roue de son responsable à la chambre haute et évoque des "manoeuvres de LaREM qui sournoisement souhaite (encore) changer les règles."

Machines hackées et "colère"

De l'autre côté de l'échiquier politique, les réactions sont également unanimes. Dès mardi, le député France insoumise de Seine-Saint-Denis Bastien Lachaud avait alerté depuis le perchoir de l'Assemblée nationale, devant une audience plus que clairsemée.

"Le gouvernement a proposé en catimini au Sénat le vote électronique anticipé pour l'élection présidentielle. Les machines à voter peuvent être hackées. Pourra-t-on fausser le résultat du scrutin et voler l'élection au peuple?", se demande-t-il.

Lors d'une prise de parole tenue à la mi-journée, Jean-Luc Mélenchon a quant à lui souligne que "par la force des choses, c'est suspect", donc "il n'en est pas question.

"Pourquoi le vote par anticipation? Pourquoi rajouter une cause de doute, de troubles, dans une période qui en comporte déjà tant? Un représentant du peuple doit être élu partout de la même manière et de la même façon. Ce n’est pas un si grand sacrifice que de pointer le jour où on va voter. Il y a le jour où on fait les courses, les jours où on se marie", développe-t-il.

Selon L'Express, Cécile Cukierman, membre du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) évoque quant à elle "une surprise au départ, mais finalement une colère", aussi bien sur la forme que le font de la proposition.

"Sur les évolutions en matière de processus électoraux, il faut faire très attention (...) à ne pas donner l'impression qu'au nom de favoriser le vote on s'arrange avec la règle", développe-t-elle.

Enfin, au Parti socialiste, le président du groupe au Sénat, Patrick Kanner, souligne que "le vote par anticipation peut être une solution. Mais pas comme ça. Pas en évitant l’étude d’impact, pas avec un amendement mal ficelé, qui évoque des machines à voter qui font l’objet d’un moratoire aujourd’hui."

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV