Victoire de Trump: ce qu'en pensent les politiques français

Donald Trump salue la foule en arrivant dans son bureau de vote, à New York, le 8 novembre 2016. - Robyn Beck - AFP
Qu’on se le dise, Donald J. Trump, 45e président des Etats-Unis, a un avis sur la France. Observant la menace terroriste pesant sur notre pays, il a répété à plusieurs reprises durant la campagne présidentielle qui l’a mené à la victoire ce mercredi: "La France n’est plus la France." De l’autre côté de l’Atlantique, les dirigeants français ont aussi leur avis sur Donald Trump.
> Pour la gauche, Donald Trump est le visage d’un populisme honni
Depuis plusieurs mois, en effet, les personnalités politiques tirent des enseignements du phénomène Trump. A commencer par le chef de l’Etat. Dans leur livre Un président ne devrait pas dire ça, les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme citent ainsi François Hollande assurant que ce qui anime Donald Trump: "C’est la vulgarité." Pour le président, Donald Trump fait figure d’épouvantail. Dans le même ouvrage, il dit également: "Trump pense être le candidat anti-système, mais dès qu’il va être président, s’il l’était, les Etats-Unis seraient LE système. Le système d’ailleurs le pire, le système d’oppression, de domination, de mépris, etc. Je pense que les Américains ont le même problème que nous, moins les institutions: déclassement des catégories moyennes, peur de l’immigration, raidissement moral, les musulmans…"
Il fustigeait aussi la "trumpisation des esprits" qu’il définit comme suit: "C’est la simplification, l’attaque contre les élites, la caricature du système, une espèce de provocation permanente (…)."
Le ton n'était pas plus chaleureux, ce mercredi, au moment où François Hollande a "félicité" Donald Trump pour son élection:
"J'engagerai sans tarder une discussion avec la nouvelle administration américaine mais je le ferai avec vigilance et franchise car certaines des positions prises par Donald Trump doivent être confrontées aux valeurs et aux intérêts que nous partageons avec les Etats-Unis."
L'exécutif est uni sur la question de Donald Trump. Le Premier ministre utilise d’ailleurs depuis cet été lui aussi l'expression de "trumpisation des esprits" et la voit à l’œuvre dans les rangs de l’opposition.
> La droite voit en lui un modèle… et un repoussoir
Pourtant, à droite, le modèle Trump est loin de faire l'unanimité. Alain Juppé, favori de la primaire de la droite et du centre, marque son hostilité à Donald Trump dont il juge les outrances "insupportables". Pour Bruno Le Maire, l’homme d’affaires américain est "un homme dangereux".
Dominique de Villepin a voulu avertir ses collègues après la victoire de Donald Trump:
"Ce sont des jumeaux terribles, la France et les Etats-Unis, et ce qui est possible aux Etats-Unis est possible en France même si le système refuse de le voir. Il y a une souffrance, un mécontentement, une incompréhension qui montent dans notre pays. Il faut être capable d'en tirer les leçons, et malheureusement nous avançons dans la mauvaise direction. Nous sommes un pays devenu néoconservateur (...)".
Le cas de Nicolas Sarkozy est plus complexe. Il a d'abord dit trouver son impact "effrayant" mais s’intéresse nettement à lui: "Regardez ce que donnent aux Etats-Unis les candidats soutenus par l’establishment et les médias, ils sont balayés par les candidats du peuple." La pique est d’autant plus transparente qu’il adopte un ton volontiers anti-élite, à l’exemple de Donald Trump, lorsqu’il s’attaque à son rival dans la course à la désignation de sa famille politique dans l’optique de la présidentielle, le maire de Bordeaux. Lors d'une allocution donnée ce mercredi, il a ainsi lu l'issue de la campagne américaine comme le "refus de la pensée unique" qu'il voit aussi à l'oeuvre en France.
> Le FN rêve d’une même lame de fond débordant les instituts de sondages
Les sondages américains sont généralement allés dans le sens d’une victoire d’Hillary Clinton. Force est de constater que les enquêtes d’opinion se sont trompées. Comme l’assuraient les soutiens du candidat républicain, de nombreux Américains se sont sentis visiblement inhibés au moment de confier leur intention de voter pour Donald Trump. De plus, si l’électorat de celui-ci était souvent décrit autour d’une dominante constituée par une population blanche et peu qualifiée, son spectre s’avère à l’arrivée bien plus large, comme l’explique ici Jean-Bernard Cadier, correspondant de BFMTV aux Etats-Unis:
"On nous avait dit que les femmes ne voteront pas Trump, que les Noirs ne voteront pas Trump or, si on regarde les sorties des urnes qui a voté pour Donald Trump: des femmes, des Noirs, des Latinos. Personne n’a vu venir cette vague".
Cette lame de fond insoupçonnée a de quoi aiguiser les appétits dans l’Hexagone. Sur notre antenne, le chroniqueur politique Christophe Barbier a rapproché le scrutin américain de la composition électorale française:
"On voit bien qu’il y a un peuple caché, un vote de colère des profondeurs contre l’establishment, contre la classe politique, et ça, ça va évidemment trouver ses traductions dans le paysage politique français."
Et le journaliste pointait en direction du Front national et de Marine Le Pen, dont l’ambition est à nouveau confortée dans l’optique de la prochaine présidentielle: "Bien sûr, il y a l’idée, tout de suite saisie par Marine Le Pen qui a félicité le peuple américain libre, qu’il y a une majorité silencieuse qui pourrait s’exprimer." Plus tôt, la candidate frontiste avait ainsi écrit:
Visiblement, en France, chacun trouve ce qu’il veut chez le trublion américain.