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Politique

Un procès en appel pour "l'Angolagate" sans Jacques Chirac

L'ancien ministre de l'Intérieur Charles Pasqua, à son arrivée au tribunal, à Paris, pour l'affaire "Angolagate", dans laquelle il a été sanctionné en première instance de trois ans de prison et d'une amende de 100.000 euros. Le procès en appel de 21 prot

L'ancien ministre de l'Intérieur Charles Pasqua, à son arrivée au tribunal, à Paris, pour l'affaire "Angolagate", dans laquelle il a été sanctionné en première instance de trois ans de prison et d'une amende de 100.000 euros. Le procès en appel de 21 prot - -

par Thierry Lévêque PARIS (Reuters) - Le procès en appel à Paris de 21 protagonistes présumés de ventes d'armes à l'Angola entre 1993 et 1998,...

par Thierry Lévêque

PARIS (Reuters) - Le procès en appel à Paris de 21 protagonistes présumés de ventes d'armes à l'Angola entre 1993 et 1998, lourd d'enjeux diplomatiques et économiques, se tiendra sans Jacques Chirac, cité comme témoin par la défense.

Dans une lettre lue mercredi par la cour à l'ouverture des débats, l'ancien chef de l'Etat invoque la Constitution et considère que l'immunité qui couvre les actes décidés en qualité de président, ainsi que le principe de séparation des pouvoirs, l'empêchent de venir déposer.

Les deux principaux acteurs de ce trafic présumé, Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak, condamnés tous deux en première instance à six ans de prison ferme, ainsi que l'ancien ministre de l'Intérieur Charles Pasqua, sanctionné de trois ans de prison dont un ferme et 100.000 euros d'amende, sont notamment rejugés.

Arcadi Gaydamak et Charles Pasqua avaient cité Jacques Chirac comme témoin car ils considèrent qu'il a été informé des ventes d'armes en cause dans l'affaire, et qu'il est par ailleurs à même de les blanchir d'autres faits.

Plusieurs autres témoins importants cités par la défense, comme l'ancien secrétaire général de l'Elysée Dominique de Villepin, et plusieurs anciens ministres de la Défense, ont annoncé leur intention de ne pas venir, invoquant divers motifs.

Le dossier porte sur une vente sans autorisation d'armes en provenance d'Europe de l'Est pour 793 millions de dollars, avec un bénéfice de 397 millions de dollars. L'affaire vise aussi des versements d'argent des vendeurs d'armes à des personnalités politiques de droite comme de gauche en France.

FALCONE JUGE L'INJUSTICE "IRRÉCUPÉRABLE"

Devant la cour, Pierre Falcone, écroué depuis le premier procès en octobre 2009, a répété qu'il se considérait victime d'une injustice avec cette procédure lancée en 2000.

"Ca fait onze ans que j'attends ce moment, onze ans de torture et d'humiliation. Je ne suis plus en état d'attendre que justice me soit rendue. La limite du mal est dépassée et irrécupérable", a-t-il dit.

Pierre Falcone soutient que ses affaires étaient légales puisque les armes ont profité au président en titre de l'Angola Eduardo dos Santos, arrivé au pouvoir depuis 1979 et toujours en place, et puisque le commerce ne concernait pas la France.

Le tribunal correctionnel en a jugé autrement en première instance, retenant que la vente avait bien été réglée depuis la France et concluant que si le pouvoir français avait été informé en 1995, il n'avait pas donné son accord, obligatoire.

L'Angola, aujourd'hui puissance pétrolière majeure en Afrique, voit ce procès comme une violation de sa souveraineté et a fait de Pierre Falcone, 56 ans, son ambassadeur à l'Unesco en 2003, pour tenter - en vain - de lui conférer une immunité.

Le milliardaire israélien d'origine russe Arcadi Gaydamak, 58 ans, en fuite et déjà absent du premier procès, ne s'est pas présenté devant la cour d'appel.

L'autre enjeu important est le sort de l'ancien ministre de l'Intérieur et sénateur des Hauts-de-Seine Charles Pasqua, 83 ans, qui ne purge pas encore sa peine, suspendue par l'appel.

Il a été reconnu coupable en première instance d'avoir échangé 225.000 euros versés par les vendeurs d'armes pour son association France-Afrique-Orient contre l'Ordre national du mérite remis à Arcadi Gaydamak en juillet 1996.

Son avocat Lef Forster a déclaré à la presse qu'il apporterait "la preuve de son innocence".

Cette audience se déroule dans un climat de tension entre la magistrature et l'Elysée, qui n'a pas caché sa volonté de refermer le dossier. Juste avant le premier procès, Nicolas Sarkozy s'était rendu en visite officielle à Luanda en 2008 et avait parlé de "malentendu du passé" à propos de l'affaire.

En juillet 2008, le ministre de la Défense d'alors, Hervé Morin, avait écrit un courrier à la défense de Pierre Falcone pour expliquer que la vente d'armes était légale aux yeux du ministère, un point de vue infirmé par le tribunal.

A l'été 2009, l'Etat français a réduit de 140 à 15 millions d'euros le redressement fiscal de Pierre Falcone. En novembre dernier, le magistrat qui se préparait à diriger le procès en appel, Christian Pers, a été promu à la Cour de cassation en novembre et remplacé par un autre magistrat, Alain Guillou.

Le procès en appel s'achèvera début mars.

Edité par Patrick Vignal