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Politique

Thème 4: La réforme de la carte judiciaire

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« La carte judiciaire elle n’a pas été retouchée depuis 1958 »

J-J B : La réforme de la carte judiciaire : 23 des 181 tribunaux de grande instance seront supprimés, 176 des 473 tribunaux d’instance, 55 tribunaux de commerce et 67 tribunaux de prud’homme. Beaucoup ont contesté la méthode, manque de concertation, que répondez-vous ?
R D : Le service public de la justice est le seul service public qui n’ait jamais été restructuré. Si je prends la carte judiciaire elle n’a pas été retouchée depuis 1958. La carte judiciaire correspond aux lieux, les implantations où l’on rend la justice et ils n’ont pas bougé ni évolué depuis 1958. Nous sommes maintenant en 2007, il y a eu beaucoup de progrès, ne serait-ce que l’évolution des bassins démographiques, ou les infrastructures, ou les progrès technologiques. Il est donc important de revoir les implantations où la justice est rendue. C’est vrai que c’est toujours très difficile de réformer une organisation surtout quand elle ne l’a pas été depuis très longtemps. D’autres gardes des Sceaux ont essayé avant moi, et à chaque fois, ils n’y sont pas parvenus.

J-J B : Beaucoup disent que la réforme était nécessaire et que vous avez eu raison de l’engager, le problème c’est le manque de concertation, ça va trop vite et c’est trop brutal.
R D : J’entends les inquiétudes, j’entends les protestations, d’ailleurs je dis que c’est plutôt bon signe qu’il y en ait, surtout sur une organisation qui n’a pas été touché depuis 50 ans. Il faut savoir que quand vous réformez la carte judiciaire, vous touchez de nombreux corps, comme les fonctionnaires, les magistrats, les greffiers, les avocats et les élus. Parfois, les intérêts ne sont pas forcément les mêmes. L’objectif pour moi de réformer la carte judiciaire, est d’améliorer la qualité de la justice dans l’intérêt du justiciable. Ensuite, quand vous réformez, vous impactez les corps ou les professions que je vous ai cité.

J-J B : Mais où est l’intérêt du justiciable quand on ferme par exemple un tribunal à Annonay qui est dans le nord de l’Ardèche et qu’on oblige le justiciable à aller à Aubenas, qui est dans le sud de l’Ardèche, 300Km aller-retour, quatre heures de route, au mieux ?
R D : Quand je dis qu’on supprime un tribunal d’instance, c’est une suppression de structure, pas de service public. Un tribunal d’instance fait pour l’essentiel du surendettement, de la consommation ou des tutelles, il s’agit donc de restructurer ce tribunal d’instance parce qu’on a constaté que dans de nombreux tribunaux d’instance, il y a de plus en plus une demande d’accès au droit. L’accès au droit, c’est un service dont on ne parlait pas il y a quinze ans. Il est important pour les plus démunis, pour les plus modestes, mais aussi pour des quartiers difficiles, de connaître ses droits pour accéder à la citoyenneté. Vous avez l’accès au droit et l’accès au juge. L’accès au juge c’est l’accès à la décision de justice, qu’elle soit plus rapide, plus lisible, plus compréhensible. Il s’agit donc d’abord de voir ces deux services, pour lesquels on ne s’est jamais vraiment attelé, on considère l’accès au droit et à la justice comme une même chose alors que ce n’est pas le cas. Le juge est là pour juger, rendre une décision de justice, dans les meilleurs délais et de manière lisible. Pour les tutelles, c’est déjà le cas aujourd’hui, le magistrat et le greffier se déplacent.

J-J B : Et le justiciable devra se déplacer aussi ?
R D : Les audiences seront maintenues sur le terrain puisque nous aurons des audiences dîtes foraines, c'est-à-dire détachées. Il y aura des points d’accès au droit, ou des maisons de justice et du droit qui seront implantées. Pour les décisions de justice, il y a un juge dans les tribunaux d’instance. En général il n’y en a qu’un par tribunal donc quand il est en congé, l’accès à la justice est limité, mais de la même manière j’ai une centaine de tribunaux d’instance dans lesquels il n’y a ni magistrat ni fonctionnaire ni greffiers. L’accès à la justice égal et pour tous est très difficile. Il est donc important pour les Français d’avoir la même justice et sur tout le territoire.

J-J B : Et les tribunaux de commerce ?
R D : Pour les tribunaux de commerce, nous avons regroupé nos moyens ; c’est une concertation qui a eu lieu avec les instances nationales des tribunaux de commerce, qui sont des juges consulaires, élus par les commerçants. Il était important de regrouper les moyens pour éviter justement ces dispersions qui à un moment donné font que les commerçants se jugent entre eux. Nous avons aussi souhaité avoir un procureur à proximité. Voila les deux points du regroupement et de la réorganisation des tribunaux de commerce. Le regroupement des moyens est indispensable à la qualité de la justice, et on le voit si vous regardez ces dernières années l’évolution, la tendance, le regroupement des moyens pour mieux appréhender les contentieux, de plus en complexes d’ailleurs.

J-J B : Ca va coûter combien cette réforme de la carte judiciaire ?
R D : C’est une réforme qui est mise en œuvre sur trois ans, qui commence au 1er janvier 2008, qui se terminera fin 2010. La mise en œuvre sera progressive, tribunaux de commerce, tribunaux d’instance, tribunaux de grande instance, c’est à peu près le calendrier. Pour l’accompagnement social, parce que des personnels seront concernés par cette réforme, nous avons provisionné pour 2008 un budget d’1 million et demi d’euros pour l’accompagnement social des personnels et 121 millions d’euros pour l’immobilier. Ensuite, il y aura sur 2009, 2010, 30 millions d’euros sur l’accompagnement social et sur un programme immobilier qui intègre l’immobilier d’aujourd’hui qui n’est pas aux normes, on est à peu près sur 500 millions d’euros. Ce sera évidemment sur 5 ou 6 ans, parce qu’un programme immobilier c’est bien sûr beaucoup plus lourd.

J-J B : On aurait pu faire certaines économies quand même, il y a quelques couacs…
R D : Non parce que quand on restructure, on supprime la structure mais pas le service. Les locaux peuvent toujours être disponibles pour créer une maison de justice ou du droit ou des points d’accès au droit. Nous avons regardé ça, nous ne sommes pas irresponsables et nous avons une bonne utilisation des deniers publics. Je me suis beaucoup inspirée aussi des travaux de réforme de la carte judiciaire qui a été fait par mes prédécesseurs, j’ai repris les rapports et les travaux d’autres personnes ; ça n’est pas une réforme qui soit de droite ou de gauche, c’est une réforme dans l’intérêt du justiciable et pour une meilleure qualité de la justice pour le justiciable.

La rédaction-Bourdin & Co