Sarkozy pris entre une UMP ronchonne et une gauche ragaillardie

Si la tendance du premier tour des élections régionales se confirme au second, Nicolas Sarkozy risque de voir sa marge de manoeuvre entamée pour le reste de son mandat, entre une UMP ronchonne, qui demande un retour aux fondamentaux de la droite, et une g - -
par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Nicolas Sarkozy risque de voir sa marge de manoeuvre entamée pour le reste de son mandat, entre une UMP ronchonne, qui demande un retour aux fondamentaux de la droite, et une gauche ragaillardie, si la tendance du premier tour des élections régionales se confirme au second.
Au lendemain d'un scrutin marqué par une abstention record (53,6%) et un des plus mauvais scores historiques de la droite parlementaire, l'heure était toujours lundi, pour le chef de l'Etat, au déni de toute conséquence nationale de ce scrutin local, à un peu plus de deux ans de la présidentielle de 2012.
Selon un participant à la réunion hebdomadaire des dirigeants de la majorité à l'Elysée, Nicolas Sarkozy s'est montré "serein" et a demandé à ses troupes de "mettre le paquet" et "un coup d'accélérateur" entre les deux tours.
"J'ai un pays qui s'abstient de manière historique. C'est tout sauf un vote sanction", a déclaré en substance le président de la République, cité par la même source.
Pas le début d'une autocritique, ni là ni à la direction de l'UMP, dont les porte-parole mettent l'abstention sur le compte d'un désaveu des présidences de région socialistes sortantes par les électeurs.
"Ça a évidemment une signification nationale et on va donc en tenir compte au plus haut niveau. La question est de savoir comment", estime cependant Paul Bacot, professeur à l'Institut d'études politiques de Lyon.
L'"OUVERTURE" CONTESTÉE
Outre la remise en selle de la gauche parlementaire, qui réunit au total près de 50% des suffrages, les électeurs ont lancé dimanche un triple avertissement : le retour du Front national (11,74%), la confirmation écologiste et l'abstention, qui a surtout pénalisé la droite, donc l'UMP.
"C'est très composite, on ne peut pas satisfaire tout le monde à la fois et Nicolas Sarkozy va devoir faire un choix", souligne Paul Bacot. "Rassembler d'abord dans son camp, c'est probablement ce qu'il y a de plus urgent."
De fait, sous une surface apparemment sans ride, l'humeur de la majorité est nettement plus agitée.
La stratégie d'union au premier tour imposée par Nicolas Sarkozy avec les petites formations satellites de droite, du centre et du centre- gauche a fait nombre de mécontents à l'UMP.
"C'était parfaitement nul", s'insurge le député UMP Lionnel Luca. "Et on s'est privé de ceux que nous n'avons pas mis sur nos listes et qui vont avoir des rancoeurs."
Plus généralement, il estime que l'électorat de Nicolas Sarkozy en 2007 "ne s'y retrouve pas et a manifesté sa déception sur le manque de résultats tangibles" en boudant les urnes.
Il dénonce les ravages causés à droite par "le strabisme de gauche" d'un chef de l'Etat qui "passe son temps à faire de la provocation avec son ouverture".
"On s'en fout de la démocratie apaisée. Ce n'est pas le problème. En 2007, les gens ont voté pour un président qui avait promis la rupture", ajoute Lionnel Luca, pour qui l'UMP "n'est pas près de revoir" les électeurs du Front national qu'il avait su attirer mais qui sont repartis à l'extrême droite dimanche.
Quant aux électeurs de l'UMP, s'ils sont sensibles aux problèmes de l'environnement, "ils n'ont pas envie d'être à la remorque de la gauche écologiste intégriste", ajoute-t-il.
"HARO SUR XAVIER BERTRAND" ?
Autre facteur d'incertitude: si la déroute de la droite se confirme dimanche prochain, il faudra bien trouver un bouc émissaire, en l'absence d'un remaniement ministériel de grande ampleur exclu par avance par Nicolas Sarkozy.
Selon un participant à la réunion de l'Elysée, Nicolas Sarkozy a certes déclaré à deux reprises au secrétaire général de l'UMP, Xavier Bertrand, qu'il avait fait "du bon boulot".
Mais cet avis n'est pas partagé par nombre de têtes de listes UMP, pour qui l'humeur était plutôt lundi à crier "haro sur Xavier Bertrand", dit- on de source proche du gouvernement.
Au final, résume Paul Bacot, Nicolas Sarkozy est "moins sûr de ses troupes" au moment où ses adversaires reprennent du poil de la bête - ce qui pourrait "donner des ailes" aux syndicats et les encourager à être moins conciliants.
L'abstention est aussi un symptôme du regain de défiance de l'opinion à l'égard des politiques diagnostiqué par le médiateur de la République Jean-Paul Delevoye dans son dernier rapport.
Tout cela risque de perturber la suite du programme de réformes promises par le chef de l'Etat, dont celle des retraites, ainsi que la refonte des collectivités territoriales et la mise en place d'une taxe carbone, l'une et l'autre contestées jusque dans la majorité.
Pour les analystes politiques, il serait abusif de projeter sur la présidentielle de 2012 les enseignements des régionales, tant les scrutins et les enjeux diffèrent.
L'effet peut cependant être pernicieux et fragiliser à la longue le candidat potentiel Nicolas Sarkozy.
Avec Yann Le Guernigou, édité par Yves Clarisse