Quand Sarkozy sacrifie au "folklore" du salon de l'Agriculture

Nicolas Sarkozy en visite au salon de l'Agriculture, samedi à Paris, en compagnie du ministre Bruno Le Maire (à droite). Critiqué pour avoir attendu l'avant-dernière journée pour y assister, le chef de l'Etat a sacrifié au "folklore" de la grand-messe ann - -
PARIS (Reuters) - Critiqué pour avoir attendu l'avant-dernière journée pour y assister, Nicolas Sarkozy a sacrifié samedi au "folklore" de la grand-messe annuelle de l'agriculture française, tout en soulignant les limites d'un exercice très prisé par son prédécesseur Jacques Chirac.
Peut-être parce qu'on lui prédisait un accueil tendu au salon de l'Agriculture, le chef de l'Etat avait avancé sa venue à la dernière minute, démarrant la visite une demi-heure avant l'ouverture des portes avec un public alors composé surtout de policiers en civil.
Accueilli par le président de la FNSEA Jean-Michel Lemétayer, qui déclarait encore il y a une semaine que "Nicolas Sarkozy a beaucoup de difficultés avec le monde paysan", il a parcouru pendant deux heures les allées du salon, prêtant une oreille attentive aux agriculteurs qui l'ont interpellé sans animosité pour lui faire part de leurs difficultés.
"Est-ce que les jeunes agriculteurs doivent tous changer d'orientation ?", lui demande un jeune exploitant après la présentation de Vaillant, un robuste taureau de 1.210 kilos de race gasconne.
"Avec une viande à trois euros (le kilo) Nicolas, comment on peut faire?", lui demande un éleveur, alors qu'une agricultrice de montagne déclare : "Si vous ne faites rien pour nous, malheureusement on est condamné à disparaître. On ne vit que de nos vaches."
Président de la Fédération nationale bovine, Jean-Pierre Fleury l'apostrophe à propos de la politique environnementale du gouvernement et de son impact sur l'agriculture.
"Y en a que pour (le ministre de l'Environnement Jean-Louis) Borloo. Vous ne soutenez pas suffisamment votre ministre (de l'Agriculture Bruno) Le Maire. Il faut faire le ménage dans votre gouvernement", lui dit cet éleveur du Morvan.
"JE NE SUIS PAS LÀ POUR ÇA"
Un autre exploitant renchérit en soulignant que le monde agricole "devrait être bénéficiaire de la taxe carbone" et ne pas avoir à l'acquitter.
Une foule bon enfant se massait sur le passage du président, autour duquel l'attroupement a dégénéré par endroits en cohue. Quelques sifflets, vite couverts par des applaudissements, ont été entendus quand il a pris l'escalator qui sépare le grand hall des autres bâtiments du parc des expositions de la porte de Versailles.
Pour le reste, le président a croqué un bout de reblochon fermier, mangé un quartier de pomme et trempé ses lèvres dans deux verres de lait, là où Jacques Chirac se faisait une obligation autant qu'un plaisir de goûter toutes les spécialités de l'Hexagone.
Ouvrant ensuite une table ronde avec des représentants des principales organisations agricoles, Nicolas Sarkozy a indiqué qu'il était surtout venu annoncer des mesures et des pistes pour sortir l'agriculture de la grave crise qu'elle traverse.
"Bien sûr, aller saluer les stands, les éleveurs, les producteurs, ça fait partie de la tradition, du folklore, c'est sympathique, j'aime beaucoup ça, je l'ai fait moi aussi depuis des années. Mais enfin, ce n'est pas au nombre de mains serrées qu'on va résoudre les problèmes des agriculteurs."
"On prend les cadeaux, on embrasse les petites filles, on se fait photographier devant les plus belles bêtes. Tant mieux ! On fait la publicité de la nouvelle pomme, on encourage les producteurs de fraises, on n'oublie pas les éleveurs de brebis, mais ce n'est pas ça qui va sauver l'agriculture française", a-t-il ajouté.
"Je ne suis pas là pour ça. Tous peuvent faire ça. Mais moi, je suis président de la République. De moi, on attend les décisions, les actes, et du combat."
Yann Le Guernigou, édité par Véronique Tison