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"Soit on est 100% avec eux, soit on est contre eux": les militants socialistes voient mal comment composer avec les insoumis pour l’après-Bayrou

Les universités d'été du PS à Blois le 29 août 2022.

Les universités d'été du PS à Blois le 29 août 2022. - BFMTV

Face à la très probable chute de François Bayrou, les militants socialistes, présents à Blois pour l’université d’été du PS, se projettent sans LFI. Que ce soit pour l’hypothèse d’un gouvernement de gauche ou celle d’une nouvelle dissolution.

A l’extérieur de la Halle aux grains de Blois (Loir-et-Cher), où se déroulent les universités d’été du Parti socialiste, la députée Florence Hérouin-Léautey éclate de rire ce vendredi 29 août. Attablée avec plusieurs militants sous un temps grisâtre, la parlementaire de Seine-Maritime s’amuse de nos questions:

Comment envisagez-vous cette rentrée pour la gauche? Face à la très probable chute de François Bayrou, qui compte solliciter un vote de confiance à l’Assemblée le 8 septembre, que faire si un nouveau gouvernement est nommé ou si une dissolution est prononcée par Emmanuel Macron? Faut-il rester sur les bases du Nouveau Front populaire, cette alliance des gauches (LFI, PS, Les Écologistes, PCF), née aux dernières législatives, en 2024?

"Du?", demande-t-elle, hilare, comme si la coalition n’avait plus lieu d’être. Avant de reprendre plus sérieusement: "Vous avez remarqué que les choses ont glissé depuis".

"La solution la plus viable, c’est un gouvernement sans LFI"

Un euphémisme: à gauche, les tensions se sont exacerbées entre insoumis et socialistes depuis des mois, les premiers reprochant notamment aux seconds de ne pas avoir voté pour la censure de François Bayrou sur le budget en début d’année.

Si le Parti socialiste se dit "prêt" à gouverner, dans le cas où Emmanuel Macron l'appellerait prochainement au pouvoir, il est inenvisageable que ce soit aux côtés des insoumis, d’après Florence Hérouin-Léautey: "Rien dans leur comportement et leur narratif ne permet d’imaginer cette hypothèse. Donc, elle est nulle et non avenue". Un sentiment partagé, selon elle, de part et d’autre de ce "campus socialiste".

A ses côtés, le jeune Quentin Thirot, militant à Rouen, acquiesce: "C’est vrai que la solution la plus viable, c’est un gouvernement de gauche sans La France insoumise avec un accord de non-censure de la part du bloc central."

Les insoumis "se mettent eux-mêmes à part"

En 2024, à la même période, alors qu’elle était arrivée en tête aux législatives mais avec une majorité très relative, la gauche a également proposé de gouverner sans LFI.

Seule différence: les insoumis étaient consentants, ces derniers assurant qu’ils ne participeraient pas à un gouvernement tout en le soutenant, si cela pouvait lui empêcher une censure. La justification d’un gouvernement sans LFI est tout autre aujourd’hui.

Damien Trinité, 46 ans, vêtu d’un t-shirt socialiste avec l’inscription "mon coeur fait Blum" en hommage à l’ancien président du Conseil Léon Blum, reproche aux insoumis une forme de jusqu’au-boutisme: "soit l’on est 100% avec eux, soit l’on est contre eux."

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Aux yeux de cet ingénieur encarté en Essonne, ces derniers se "mettent eux-mêmes à part" du reste de la gauche. "On le voit ici: pour l’union de la gauche, il y a tout le monde, sauf eux", dit-il, en référence à un discours de plusieurs responsables de gauche, dont la patronne des écologistes Marine Tondelier ou l’ex-insoumis François Ruffin, prévu dans l'après-midi.

Kylian, Grenoblois de 24 ans, reprend les mêmes arguments. Depuis la halle aux Grains, qui accueille d’ordinaire des congrès ou des expositions et qui se trouve sur la symbolique place Jean Jaurès, il explique:

"Le périmètre d’une union ne sera pas forcément le même, l’initiative de regroupement reste intacte pour porter les idées de la gauche et notamment du Parti socialiste le plus haut possible."

"Gauche de responsabilité"

Reste à savoir jusqu'où les roses peuvent aller sans les insoumis, notamment dans le cadre d’une dissolution de l’Assemblée nationale. Un scénario écarté par Emmanuel Macron jusqu’ici, sans être véritablement exclu.

Si le patron des députés du parti, Boris Vallaud, a considéré dans une interview à Libération qu’un accord programmatique avec LFI en cas de législatives anticipées "ne paraît pas concevable", il a reconnu que la question se posera "circonscription par circonscription" pour faire barrage à l’extrême droite.

Le militant rouennais Quentin Thirot, évoqué plus tôt, veut au moins que le PS concurrence LFI dans les territoires "où le risque de l’extrême droite n’est absolument pas présent":

"Il y a des circonscriptions qui sont parmi les meilleures pour la gauche et qui appartiennent aujourd’hui à LFI alors qu’elles étaient au PS avant. Il faut qu’une gauche de responsabilité puisse les récupérer."

C’est de bonne guerre. La cheffe de file des députés insoumis Mathilde Panot a assuré mardi dans un entretien à Mediapart que LFI est prête à des candidatures uniques pour des législatives anticipées… Mais uniquement avec "celles et ceux qui ont voulu censurer la politique de Macron".

Baptiste Farge