Panne, suspension de séance... Un vote ubuesque à l'Assemblée lors de l'examen du texte contre le narcotrafic

De l'aveu même de la vice-présidente de l'Assemblée nationale, Naïma Moutchou (Horizons), qui présidait les débats sur la proposition de loi pour lutter contre narcotrafic ce jeudi 20 mars dans la soirée, les députés ont dû se livrer à "une manœuvre un peu délicate et inédite".
Par ordre de groupe et appel nominal, tous les parlementaires présents se sont succédé à des micros pour exprimer leur vote sur un article critiqué du projet de loi. Cocasse, la scène a duré plusieurs dizaines de minutes, alors que les scrutins publics sont une simple formalité d'ordinaire. En cause: une panne du système de vote électronique.
"Je n'ai pas les bons résultats"
"Est-ce que l'on peut remettre à zéro la machine?", "attendez on va réessayer une dernière fois"... Depuis le perchoir, Naïma Moutchou a procédé à trois tentatives infructueuses.
"Non, je n'ai pas les bons résultats puisque j'ai pour 0 et contre 0", a d'abord constaté la députée. Elle a annoncé dans la foulée une suspension de séance - qui a duré près de 50 minutes - avant de rassurer son assistance lors de la reprise, alors que certains députés se sont interrogés sur la possibilité d'un piratage:
"Nous ne sommes pas victimes d'un dysfonctionnement lié à la sécurité informatique en en tant que telle. C'est une petite pièce du système qui a chauffé." Et de glisser: "Sous la tension, elle a chauffé." Une référence aux débats animés qui ont lieu sur la mesure faisant l'objet de ce scrutin.
Portée par Bruno Retailleau, celle-ci vise à permettre aux services de renseignement d'accéder à du contenu crypté sur les messageries chiffrées (WhatsApp, Telegram, Signal...) pour lutter contre les narcotrafiquants.
"Même sans informatique, la démoctratie continue"
Cette disposition, qui suscite les oppositions de nombreux acteurs et experts de la cybersécurité, avait été supprimée en commission des lois, mais a fait l'objet de plusieurs tentatives de réécritures de députés du bloc central. Sans succès, y compri parmis des députés de leur camp. Les réticents ont pointé un risque de créer une faille qui reviendrait à mettre en danger les conversations de l'ensemble des utilisateurs.
Une fois le vote à main levé terminé, et après une nouvelle suspension de séance pour organiser le décompte, Naïma Moutchou a annoncé un résultat sans appel: 119 voix contre, 24 pour. Conclusion, avec le sourire, de la vice-présidente de l'Assemblée: "La leçon est que même sans informatique, la démocratie continue".
C'est un revers pour Bruno Retailleau. Le patron de la place Beauvau avait pourtant bien commencé la soirée, avec le vote d'une mesure peu consensuelle: le recours, dans le cadre d'une expérimentation, au renseignement algorithmique pour détecter des menaces liées à la criminalité organisée. Les débats sur le texte ont repris ce vendredi.
En début de séance, Xavier Breton (Les Républicains), lui aussi vice-président de l'Assemblée, a annoncé que le système de vote électronique est "désormais restauré", remerciant au passage "le personnel de l'Assemblée qui a travaillé toute la nuit pour parvenir à ce résultat".