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Démission ou soins? Le cas d'Andy Kerbrat pris en flagrant délit d'achat de drogues divise les politiques

Le député LFI Andy Kerbrat le 19 décembre 2023.

Le député LFI Andy Kerbrat le 19 décembre 2023. - JULIEN DE ROSA / AFP

Plusieurs élus dont le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau appelle le député LFI Andy Kerbrat, contrôler en possession d'une drogue de synthèse le 17 octobre dernier, à démissionner. La gauche salue de son côté sa volonté de rentrer dans un protocole de soin et rappelle que "les addictions touchent toute la société".

36 heures après avoir reconnu avoir été pris en flagrant délit d'achat de drogue, le sort du député insoumis Andy Kerbrat divise la classe politique. Si la gauche le soutient et insiste sur les questions de prise en charge de la toxicomanie, plusieurs membres du gouvernement lui demandent de démissionner.

Parmi ceux qui ont dégainé rapidement pour exiger son départ de l'Assemblée nationale, on trouve Bruno Retailleau.

"Alors que le narcobanditisme s’installe en France avec son cortège de violences, il n'est pas tolérable de voir un député de la République acheter des drogues de synthèse à un dealer de rue", tance le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau sur X.

"Il doit se démettre de son mandat"

Avant de juger qu'un parlementaire a "un devoir d’exemplarité" qui nécessite pour Andy Kerbrat de "tirer les conséquences de ses actes". Même son de cloche pour Laurence Garnier, secrétaire d'État à la consommation et l'une de ses proches.

"Par respect pour les Nantais qui lui ont accordé leur confiance et consacrer toute son énergie à sa nécessaire guérison, il doit se démettre de son mandat", avance l'ex sénatrice LR, voisine de circonscription du député LFI.

Dans un communiqué de presse, Andy Kerbrat annonce avoir "entamé un protocole de soins" pour "se battre contre son addiction à la drogue. Il indique également se tenir "à la disposition de la justice".

"La question de sa démission se pose"

Selon des informations de Valeurs actuelles qui a révélé l'affaire, Andy Kerbrat était en possession de 1,35 gramme de 3-MMC, une drogue de synthèse en plein essor en France, souvent utilisé dans le cadre du chemsex, qui mêle prise de stupéfiants et rapports sexuels.

"À partir du moment où un député commet un délit, la question de la démission se pose et lui est posée", a encore avancé le député RN Sébastien Chenu sur notre antenne ce mercredi.

"L'addiction est un problème de santé publique"

Andy Kerbrat avait déjà évoqué auprès de journalistes son profond mal-être. Il avait ainsi parlé de son importante consommation de médicaments et notamment de somnifères pour faire face à des insomnies et un rythme de vie décousu lié à la vie politique, auprès d'un journaliste de RMC.

Ancien conseiller dans un centre d'appels, le jeune homme se décrivait comme une anomalie dans ce monde nouveau pour lui à l'Assemblée nationale. En février dernier, Andy Kerbrat avait aussi révélé avoir été victime d'un prédateur sexuel à l'âge de 3 ans. Aujourd'hui, en retrait, l'élu dit vouloir se soigner de ses addictions.

"Au-delà de ma personne, l'addiction est un problème de santé publique et droit être traitée comme tel", avance encore le député insoumis dans un communiqué de presse.

"Il n'a commis des dommages que sur lui-même"

C'est avec cette grille de lecture et en pointant du doigt la question de la prise en charge de la toxicomanie que la gauche a largement défendu Andy Kerbrat, n'évoquant pas sa démission.

"Oui, il doit rester en poste", avance la députée écologiste Sandrine Rousseau au micro de BFMTV. "Les consommateurs doivent être pris pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire des personnes qu'on doit accompagner vers la sortie de nos addictions".

Le diagnostic est partagé également par Éric Coquerel qui juge qu'il ne doit "absolument pas" démissionner ou être exclu du groupe LFI.

"Nous ne rajouterons pas une double peine à une éventuelle peine de justice, ou surtout, au parcours de santé que lui-même veut s'imposer", avance le député insoumis sur Public Sénat ce mercredi.

Jean-Luc Mélenchon a évoqué de son côté "son soutien très amical dans cette lutte". "Nous l'entourerons pour cela. Il n'a commis de dommages que sur lui-même", analyse encore le fondateur de La France insoumise.

Des précédents dans d'autres partis

Ce n'est pas la première fois qu'un député est mis en cause pour sa consommation de drogue. Le médecin et sénateur socialiste Bernard Jomier rappelle ainsi que "les addictions touchent toute la société, parlementaires et ministres inclus".

En mars 2023, le député Renaissance Emmanuel Pellerin avait reconnu avoir possédé et consommé de la cocaïne avant d'être exclu de Renaissance. Il s'était un temps mis en retrait de ses fonctions avant de revenir 3 mois plus à l'Assemblée, une fois l'affaire classée sans suite par la justice. Il ne s'est pas représenté lors des dernières législatives.

Le sénateur Joël Guerriau, qui a été mis en examen pour tentative d'agression sexuelle sous soumission chimique en novembre dernier, a lui aussi exclu toute démission en dépit de la demande du président de la chambre haute Gérard Larcher et d'une centaine d'élus. L'élu avait été testé positif aux amphétamines, au cannabis, à la cocaïne, à la méthadone et à la MDMA.

Marie-Pierre Bourgeois