Nicolas Sarkozy ouvre une nouvelle étape mais sans précipitation

Le vote définitif de la réforme des retraites au Parlement sonne pour Nicolas Sarkozy le temps de la reconquête de l'opinion, après un bras de fer social de trois mois qui laissera de profondes traces. /Photo prise le 21 octobre 2010/REUTERS/Philippe Woja - -
Le chef de l'Etat, dont la popularité est au plus bas, entend cependant prendre son temps et laisser retomber passions et tensions avant d'engager cette nouvelle étape, qui prendra forme avec un nouveau gouvernement, explique son entourage. "Il faut que les choses reviennent dans l'ordre, doucement, sereinement, sans que ce soit la victoire des uns et la défaite ou l'humiliation des autres", souligne un de ses conseillers.
Le remaniement ministériel, annoncé il y a quatre mois pour fin octobre par Nicolas Sarkozy, semble aujourd'hui programmé au mieux pour la deuxième quinzaine de novembre. "Aucune date n'est fixée", dit-on à l'Elysée, où on laisse entendre que le chef de l'Etat expliquera après ce remaniement, sous une forme à déterminer, le sens de cette dernière étape, qui conduira à l'élection présidentielle de 2012.
D'ici là, il sera pris par un agenda international chargé : Conseil européen jeudi et vendredi, avec participation, pour la première fois, à la traditionnelle réunion du Parti populaire européen (PPE), sommet franco-britannique mardi, visite d'Etat du président chinois Hu Jintao du 4 au 6 novembre, avec un déplacement à Nice le 5 et sommet du G20 à Séoul le 12. Au lendemain de ce sommet, la France assumera pour un an la présidence du G20, dont le chef de l'Etat veut faire un moment fort de la fin de son quinquennat. Nicolas Sarkozy veut prendre le temps de consulter ses partenaires jusqu'à la fin de l'année, en passant par l'Inde début décembre, avant de présenter en janvier la feuille de route de la présidence française du G20, précise l'Elysée.
MÉNAGER LES SYNDICATS
Sur la scène nationale, la consigne donnée au gouvernement semble tenir en un mot : apaisement. Les ministres répètent à l'envi que le mouvement contre la fin de la retraite à 60 ans n'a fait ni gagnant ni perdant. Une façon de ménager les syndicats, avec lesquels le chef de l'Etat veut réparer des relations mises à mal par cette réforme. "Il n'y a plus de dialogue, plus rien", dit le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, dans Libération.
L'entourage de Nicolas Sarkozy assure au contraire que "les ponts n'ont jamais été coupés" et salue même le comportement "hyper-responsable" des grandes centrales. Le gouvernement a saisi mardi la perche tendue par le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, qui a demandé l'ouverture de négociations entre les syndicats et le patronat sur l'emploi des jeunes et des seniors.
Le Premier ministre, François Fillon, a ainsi déclaré aux députés UMP que le gouvernement proposerait aux partenaires sociaux d'engager un "dialogue" sur cette question, après la promulgation de la réforme des retraites mi-novembre.
Nicolas Sarkozy entend pour sa part mener à bien, d'ici l'élection présidentielle de 2012, le chantier de la dépendance des personnes âgées et se pencher sur la santé d'un tissu industriel français laminé par la mondialisation. "Il y a de l'espace pour rependre la main sur les enjeux sociaux", estime le directeur de l'institut de sondage Viavoice, François Miquet-Marty, pour qui l'affaire des retraites a révélé des attentes sociales importantes et un "besoin des Français d'être entendu par le pouvoir".
PÉRIODE D'INCERTITUDE
Mais, là encore, le chef de l'Etat entend éviter toute précipitation : "Il faudra attendre aussi que les tensions s'apaisent. Il n'est pas question de remettre demain sur la table une négociation sur tel ou tel thème", dit-on à l'Elysée. Si le mouvement contre la réforme des retraites s'essouffle, il y a encore à venir deux journées de mobilisation, jeudi et le 6 novembre, fait valoir l'entourage présidentiel. "Il faut entendre les inquiétudes qui se sont manifestées" mais "faire attention à ne pas donner l'impression qu'on s'excuse de faire la réforme des retraites", souligne pour sa part le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire.
En prenant son temps, Nicolas Sarkozy prolonge le supplice d'un gouvernement dont les membres s'interrogent sur leur avenir, quand ils ne se savent pas déjà condamnés à partir. Cette période d'incertitude est propice aux spéculations, d'abord sur l'identité du futur Premier ministre, et exaspère les tensions au sein du gouvernement et des "entourages".
Le choix du ministre de l'Environnement Jean-Louis Borloo pour remplacer François Fillon est "l'option la plus crédible car c'est la plus sociale", estime un de ses collègues. D'autres, hostiles à ce scénario, se répandent en confidences sur les tensions entre François Fillon et son numéro deux, accusé d'avoir mal géré le blocage des raffineries et des dépôts de carburants, qui a menacé la France de panne sèche.
Si le scénario Borloo semble, à ce stade, tenir la corde, l'entourage de Nicolas Sarkozy prend soin de minimiser l'importance de l'identité du futur locataire de Matignon. "Le profil du Premier ministre n'est pas le sujet. Ce qui compte c'est sa feuille de route", explique-t-on à l'Elysée.