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La France Insoumise

Marche contre l'extrême droite: après l'affiche de LFI sur Hanouna, la mobilisation peut-elle être un succès?

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Après être parvenue à rassembler des dizaines de milliers de personnes l'année dernière, la mobilisation prévue contre le racisme dans toute la France pourrait tourner au fiasco. En cause: un visuel controversé produit par les insoumis. Mais le contexte politique n'est pas non plus jugé porteur.

Des manifestations avec du plomb dans l'aile? Ce samedi 22 mars, plusieurs syndicats comme la CGT et des organisations comme SOS Racisme ou La ligue des droits de l'homme appellent à marcher contre "le racisme et l'extrême droite" dans toutes les grandes villes de France.

Si les mots d'ordre sont très consensuels pour la gauche, La France insoumise, qui n'est pas organisatrice de l'événement, a publié un visuel - retiré depuis - destiné à battre le rappel qui a fait polémique.

Sur cette affiche, on voyait l'animateur Cyril Hanouna, d'origine juive tunisienne et proche du milliardaire conservateur Vincent Bolloré, en noir et blanc, sourcils froncés et grimace agressive.

Cette image a été considérée par des responsables politiques comme reprenant l'iconographie des caricatures antisémites des années 1930 et de l'Allemagne nazie. Plusieurs représentants de LFI ont reconnu une "maladresse" comme le député Éric Coquerel. Jean-Luc Mélenchon, lui, a demandé aux journalistes de "le lâcher".

"Ils ont essayé de récupérer la mobilisation", tance le député PS Jérôme Guedj auprès de BFMTV.com.

"C'est triste pour les organisateurs qui n'ont rien demandé. On a plus parlé de cette affiche que du fond", regrette le socialiste, longtemps proche de Jean-Luc Mélenchon avant d'en devenir un farouche contempteur.

"Faire un beau cadeau au RN"

"On espère tous que parmi les gens qui voulaient venir, personne ne sera rebuté par cette affaire. Ce serait faire un beau cadeau à tout le RN", s'agace d'avance l'un des organisateurs syndicaux.

"Il n'y a pas de raison qu'une affiche débile empêche qui que ce soit de mener la lutte contre l'anti-racisme. LFI qui n'est pas l'étalon-or de l'opportunité de manifester", juge de son côté le député européen écologiste David Cormand.

La barre très haute des dernières manifestations

Manifestement soucieux de ne pas prêter le flanc à la controverse, les organisateurs ont demandé à des associations de lutte contre l'antisémitisme de défiler en tête de cortège avec les syndicats.

"On ne peut pas lutter contre le racisme sans lutter contre l'antisémitisme et vice-versa, il faut arrêter de mettre les sujets en opposition, c'est très malsain", a jugé de son côté la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet sur RTL ce vendredi.

Le geste sera-t-il suffisant pour faire descendre largement les Français dans la rue? Faire mieux qu'en juin dernier semble en tout cas difficile. À l'époque, à la veille du premier tour des élections législatives convoquées à la surprise générale par Emmanuel Macron, pas moins de 250.000 personnes étaient descendues dans la rue dans toute la France d'après les syndicats, environ 75.000 selon la police.

"Peu importe les polémiques"

Le spectre de l'arrivée du patron du Rassemblement national Jordan Bardella à Matignon avait alors joué à plein.

"Franchement, peu importe les polémiques. Le contexte n'est pas moins grave aujourd'hui. On a Bruno Retailleau aux portes du pouvoir. À un moment, il faut dire stop", espère Aminata Niakaté, porte-parole des Écologistes.

"On est dans un moment très grave là. C'est pour ça qu'on a mis toutes nos forces dans la manifestation", décrypte le député LFI Aurélien Le Cocq, "refusant qu'une seule personne de gauche puisse utiliser LFI pour ne pas lutter contre le racisme".

"Le visuel sur Cyril Hanouna n'aurait pas dû être posté. Il a été retiré. Maintenant, concentrons-nous sur la mobilisation", exhorte l'élu du Nord.

"On s'habitue à l'intolérable"

"Sentiment d'une submersion" migratoire évoquée par François Bayrou en janvier, présence de Bruno Retailleau au ministère de l'Intérieur qui a fait de la lutte contre l'immigration irrégulière son cheval de bataille, retour de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier... Autant d'éléments qui pourraient mobiliser, veut-on croire dans les rangs des insoumis.

"Je doute que ce soit la foule des grands jours et ce ne sera pas qu'à cause de LFI", reconnaît cependant un député communiste qui regrette qu'on soit en train de "s'habituer à l'intolérable".

"Il faut qu'il y ait quelque chose de concret aujourd'hui pour manifester, que ce soit des législatives ou une présidentielle. Sinon, tout le monde sent qu'il se passe quelque chose mais ça ne fait pas descendre dans la rue sans danger immédiat", juge encore cet élu.

Dans un sondage Elabe pour BFMTV, Marine Le Pen est considérée comme la personnalité politique la plus proche des préoccupations des Français.

Marie-Pierre Bourgeois