La charge des proches de Sarkozy contre le juge Gentil

Nicolas Sarkozy. - -
La mise en examen de Nicolas Sarkozy pour abus de faiblesse dans le cadre de l'affaire Bettencourt a provoqué la colère des proches de Nicolas Sarkozy. Certains n'ont pas hésité à remettre en cause le professionnalisme et l'impartialité du juge d'instruction Jean-Michel Gentil. Geoffroy Didier, secrétaire général adjoint de l'UMP trouve ces affirmations normales : « Nous sommes en droit, comme citoyens, de nous interroger face aux soupçons qu’a exprimés un magistrat, de dire qu’il peut y avoir des dérives. La justice est humaine, elle peut se tromper, donc pourquoi, à partir du moment où c’est Nicolas Sarkozy, nous n’aurions le droit de ne rien dire ? Nous avons le droit d’observer un véritable acharnement et peut-être une volonté de régler des comptes personnels parce que Nicolas Sarkozy a eu le courage de dénoncer certaines dérives du milieu judiciaire ».
Signature d'une tribune
La signature par le juge Gentil d'une tribune dénonçant l'affaiblissement de la lutte anticorruption en France depuis dix ans est, selon eux, le signe de ce manque d'impartialité. Dans cette tribune publiée le 27 juin 2012, 82 magistrats s'alarmaient de l'abandon de la lutte contre la grande délinquance financière au cours de « la décennie qui s'achève », « comme si les exigences de probité et d'égalité de tous devant la loi s'étaient dissoutes dans la crise ».
Me Thierry Herzog évoque cette tribune qu'a signée le juge Gentil cinq jours avant la perquisition du domicile de Nicolas Sarkozy. Il a fait savoir dimanche qu'il comptait demander l'annulation de la mise en examen de son client.
Mêmes éléments de langage chez Nathalie Kosciusko-Morizet, qui se demande si « ce juge-là est le mieux placé pour rendre la justice de manière sereine ».
Nadine Morano, elle, a estimé hier que « quand vous êtes juge et ne voulez pas qu'on remette en cause votre impartialité, vous ne signez pas de tribunes comme l'a fait le juge Gentil ». Puis l'ancienne ministre a résumé sa pensée par une formule polémique : « Il y a eu l'affaire d'Outreau avec un juge d'instruction dépassé. Et là nous avons maintenant l'affaire Sarkozy avec un juge engagé ».
« Ces attaques sont inadmissibles »
De leur côté, les magistrats s'inquiètent des accusations qu'ils entendent. « Nicolas Sarkozy a le droit de se défendre le plus librement qu’il souhaite, mais pas en s’attaquant à la personne privée d’un juge d’instruction ni en sous entendant qu’aucun magistrat ne serait assez impartial pour s’occuper de lui », estime Sophie Combes, secrétaire nationale au Syndicat de la magistrature.
Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats, est aussi choqué de ces attaques : « Ces attaques sont inadmissibles. Il s’agit en réalité de faire pression sur un juge et sur les juges qui vont être appelés à se prononcer. Il y a une mise en examen qui est un acte juridictionnel pris par non pas un, mais 3 juges. Dans une démocratie on respecte la justice et quand on n’en est pas satisfaits on fait un recours et ça va être le cas, on n’essaie pas de décrédibiliser, déstabiliser, poursuivre un magistrat. Tout ça est complétement fou, ça démontre d’ailleurs une grande fébrilité de la part de responsables politiques de premier plan ».
Jérôme Karsenti, avocat d'Anticor (association anti-corruption), renchérit : « Si le juge Gentil n’a pas accompli sa mission comme il devait la faire à ce moment-là il y a des voix de recours, des appels. La Chambre de l’instruction statuera sur l'efficacité ou non de la mise en examen de Nicolas Sarkozy. Je crois que venir politiser comme on est en train de le faire une institution aussi importante que la justice, je me méfie des conséquences dramatiques pour l’Etat de droit, parce que tout cela sème les germes du populisme. A mon avis, on est en train de tuer la démocratie ».