Hollande a l’air moins inquiet que les Français

Hervé Gattegno - -
Il y avait un décalage entre le fond du discours, qui se voulait empreint de gravité, et la forme, qui était bonhomme – c’était le François Hollande astucieux, blagueur. Certes, il a dit que « la situation est grave », que son « devoir » est de prendre des mesures douloureuses ; mais il l’a dit avec une sorte de détachement qui pouvait passer pour de la désinvolture. Churchill promettait « du sang et des larmes ». Hollande, lui, cherchait à faire sourire. Le président normal était un président jovial. Il était sans doute content d’être là. Mais c’était un peu inapproprié.
Ce détachement apparent n’est-il pas une posture destinée à rassurer les Français ? Ou peut-être que François Hollande est simplement convaincu que sa politique est la bonne…
Ce serait bien le moins. Mais rien ne dit que l’autosatisfaction soit un remède efficace contre la morosité. En plus de deux heures, François Hollande n’a reconnu ni atermoiement, ni renoncement, ni même une hésitation. Il a dit : « j’ai fait mes choix, je m’y tiens. » C’est un discours de fermeté qui a ses vertus, mais qui, là encore, apparaît en contradiction avec ce que les Français ont sous les yeux. Au moins sur la hausse de la TVA et sur la baisse des dépenses publiques, il y a bien eu un virage dans la politique de François Hollande. S’il l’admettait, ce serait (déjà) un tournant dans sa présidence.
La phrase qui a surpris, dans cette conférence de presse, est celle qu’il a prononcée sur le chômage qui, selon lui, « va continuer à augmenter pendant un an ». C’est un renoncement ?
Plutôt un loupé. Il n’a pas mesuré qu’en disant cela, il adressait le signal inverse de celui qu’il voulait envoyer : la mobilisation totale sur le front de l’emploi. D’ailleurs, il a dit aussi qu’il comprenait le scepticisme des Français, avec cette formule : « Tout a été dit mais tout n’a pas été tenté », qui rappelle deux citations fameuses, de 2 autres dirigeants socialistes, qui exprimaient une forme de fatalisme : Mitterrand : « Contre le chômage, on a tout essayé » et Jospin : « L’Etat ne peut pas tout. » François Hollande a raison de dire, lui, que tout doit être fait. Le problème, c’est qu’on n’a encore rien vu. Il y a 2 mois, il se donnait 1 an pour inverser la courbe du chômage. S’il raisonne toujours sur un an, c’est qu’on a perdu du temps. Qu’on a fait du surplace.
La conférence de presse est un classique de la communication présidentielle. D’une façon plus générale, trouvez-vous que François Hollande s’y est montré à son avantage ?
On peut dire qu’il a réussi l’exercice. Ou que c’est un exercice qui lui réussit. Il faut dire que la forme est toujours flatteuse pour le président : il est libre de répondre ou non aux questions, de pratiquer l’ellipse, de balayer ce qui le gêne d’un trait d’humour. L’organisation interdit aux journalistes d’exercer un droit de suite quand ils ne sont pas satisfaits des réponses. A l’inverse, François Hollande s’est amusé, comme le général de Gaulle, de répondre à des questions qui n’étaient pas posées. C’était une façon aussi de montrer qu’il dominait son sujet. Il avait à la fois de l’autorité et de l’aisance. Clairement, il a pris la mesure de la fonction. Il lui reste à prendre les mesures qu’elle impose.
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